Le professeur Michel Kazatchkine était l'invité de Patrick Cohen sur Europe 1, dimanche 12 avril. 3:50
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Coline Vazquez , modifié à
Selon le professeur Michel Kazatchkine, médecin immunologiste clinique, invité d'Europe 1, "la recherche médicale nous permettra de mettre au point un vaccin dans les 18 mois à 2 ans" contre le coronavirus. "Un bien public mondial auquel chacun devra pouvoir accéder quels que soient ses revenus". 

Un vaccin dans 18 mois à 2 ans contre le coronavirus. C'est le pari ambitieux en lequel veut croire le Professeur Michel Kazatchkine, médecin immunologiste clinique et ancien Directeur de l'Agence nationale française pour la recherche sur le sida. Invité de C'est arrivé demain, dimanche sur Europe 1, il a expliqué croire en la réalisation d'un tel objectif grâce à la recherche médicale. "Je suis assez confiant sur le fait que la communauté internationale pourra fabriquer ce vaccin", a-t-il assuré. 

"Ce qui me rend confiant c'est que l'on sait que les personnes qui guérissent de l'infection coronavirus le font parce qu'elles fabriquent des anticorps qui bloquent le virus, des anticorps que nous appelons neutralisants, comme c'est le cas dans la grippe, dans la rougeole et de nombreuses maladies", explique ainsi l'ancien directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (2007 à 2012). 

"Ce que l'on sait c'est ce dont on a besoin pour fabriquer un vaccin : on a besoin de mimer ce que fait le virus et d'induire ces anticorps. Alors que, par exemple dans le cas du sida, personne n'a pu guérir spontanément de la maladie, c'est à dire éliminer totalement le virus et c'est l'une des difficultés de la mise au point d'un vaccin pour cette maladie."

"Ici, nous savons ce qu'il faut faire et nous avons des antécédents", ajoute-t-il rappelant qu'un vaccin a été mis au point contre le Sras de 200,  même si ce dernier "est arrivé un peu tard quand l'épidémie était déjà sur la fin". "Mais on a là affaire à deux virus qui sont cousins. Et notre recherche internationale et colossale", conclut-il. 

Le temps nécessaire pour "mettre au point un produit, le développer et faire des essais"

"On est dans une crise mondiale gigantesque. Il y a déjà des dizaine de candidats vaccins qui se profilent il y en a deux ou trois qui sont déjà dans les essais cliniques, qu'on appelle des essais de tolérance, et si je dis 18 mois à deux ans ce n'est pas tellement parce qu'il faut imaginer et conceptualiser des modèles vaccinaux, mais c'est le temps nécessaire pour mettre au point un produit, le développer et faire les essais qui permettront de prouver son efficacité donc voilà à peu près le délai", détaille encore le médecin immunologiste clinique. 

Selon lui, ce n'est que lorsque nous sortirons du confinement, signifiant ainsi que le virus aura diminué sa vitesse de circulation, que "nous pourrons mettre en place des stratégies de détection d'une part des personne positive et leur confinement et d'autre part la détection des personnes protégées qui ont des anticorps ce qui permettra à ces personnes de reprendre totalement leur activité, leur liberté de mouvement et leur productivité si elles travaillent". 

Produire alors même qu'on ignore "la preuve absolue de l'efficacité d'un vaccin"

Au sujet de la production du vaccin, selon le Pr Michel Kazatchkine, les autorités devront faire preuve d'anticipation. "S'il fallait attendre ou s'il faut attendre qu'on ait la preuve de l'efficacité pour commencer à fabriquer, on ajoutera des délais aux délais", analyse-t-il avant de poursuivre : "Vraisemblablement, il va donc falloir commencer à fabriquer alors même qu'on ne sait pas si on a la preuve absolue de l'efficacité d'un vaccin. Autrement dit, il va falloir faire des investissements très importants avec des risques (...)". 

Un bien public mondial auquel chacun devra pouvoir accéder"

Quant au prix, le spécialiste recommande de s'inspirer des enseignements tirés de l'époque du sida durant laquelle "des mécanismes internationaux de financement ont été mis en place et ont permis de faire baisser considérablement les prix". "Souvenez-vous au début, le traitement du sida coûtait 10.000 euros par an et par patients. Il coûte maintenant 100 euros par patient et par année", se remémore-t-il, appelant à "des discussions multilatérales de toute la communauté internationale".

L'objectif : "Que les droits de propriété intellectuelle soient cédés et que l'on considère ce vaccin comme ce que nous appelons un bien public mondial auquel chacun devra pouvoir accéder où qu'il habite et quels que soient ses revenus". "La mise en commun des savoirs scientifique, je pense qu'elle va arriver. Il va falloir d'une sorte de mise en commun et entre parenthèses des brevets et il va falloir un fonds mondial pour financer l'achat et la distribution de ces vaccins, conclut-il.