Après le Covid-19, le sociologue Michel Billé craint une invisibilisation des seniors

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Guilhem Dedoyard , modifié à
Le sociologue Michel Billé plaide pour une meilleure considération des personnes âgées après le coronavirus. Il juge que la tendance dans la société française est à l'invisibilisation et l'enfermement de ceux qu'il appelle les "vieux", là où les EHPAD devraient être dans l'ouverture.

Délaisse-t-on nos aînés dans les EHPAD ? Le sociologue Michel Billé fait part de ses inquiétudes au micro d'Europe 1. Il s'inquiète que les personnes âgées, en particulier celles résidant dans les établissements médicaux-sociaux, écartées pendant la période du coronavirus pour les protéger, soient définitivement mises au ban de la société. Une attitude qui serait cohérente avec ce qu'il considère être la vision française de la vieillesse, qu'il critique sévèrement.

"La vieillesse n'est pas une charge, une maladie, un problème ou un délit"

"Nous avons construit des images très négatives de la vieillesse, qui est considérée le plus souvent comme une charge, comme une maladie", reproche le sociologue qui bat en brèche cette vision. "La vieillesse n'est pas une charge, une maladie, un problème, à plus forte raison ce n'est pas un délit dont se rendraient coupables ceux qui ont le culot de vieillir." 

Le problème est particulièrement sensible en EHPAD selon le sociologue car "les vieux sont accueillis en EHPAD mais les portes sont fermées, même si les professionnels font tout ce qu'ils peuvent pour les ouvrir. Nous, société française, avons tendance à construire les établissements à l'extérieur du centre-ville et à fermer les portes au lieu de les ouvrir". Michel Billé constate ainsi "un véritablement enfermement des vieux. Ils deviennent invisibles".

Il faut "que l’extérieur puisse entrer et que les résidents puisse sortir" 

Cette situation brise des relations familiales. "Les enfants et petits enfants ne peuvent plus tisser les liens qu'ils tissaient autrefois avec leurs parents ou grands parents. Il y a une distanciation physique et géographique qui s'est instaurée", déplore-t-il. Il faut "que l’extérieur puisse entrer et que les résidents puissent sortir" des EHPAD. Cela est rendu impossible actuellement par la situation sanitaire mais Michel Billé redoute que la pandémie entérine "une normalisation d'une fermeture de l'établissement là où, aujourd'hui, il faut absolument se mobiliser pour les ouvrir".

Il faut empêcher cette tendance de s'installer grâce à un "changement de regard" qui passe par de nouveaux mots : ne pas "placer" mais "accueillir", "soutenir" plutôt que "maintenir à domicile". "L'action que vous allez développer ne sera pas la même, ne sera pas pensée de la même façon." Le sociologue recommande aussi d'ouvrir les EHPAD "pour que les personnels puissent aller jusque chez les gens". Cela passe par des personnels "nombreux, formés, bienveillants, reconnus, c'est-à-dire payés correctement".