Ce qu'il faut retenir du débat de l'entre-deux tours

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Ugo Pascolo avec AFP , modifié à
À quatre jours du second tour, le débat de l'entre-deux tours entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron a été émaillé de passes d'armes. Europe 1 vous résume l'essentiel de ce duel dense et musclé qui a vu défiler les thèmes, mais aussi les accusations.
L'ESSENTIEL

Un match retour dense et musclé. Cinq ans après un débat qui s'est révélé être catastrophique pour Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement national s'est retrouvé une fois de plus face à Emmanuel Macron. Un duel décisif émaillé de passes d'armes à quatre jours du second tour de l'élection présidentielle 2022 qui a vu défiler les thèmes, et les accusations. 

Les principales informations à retenir :

  • Macron affirme que Le Pen a ses "intérêts liés au pouvoir russe"
  • Marine Le Pen réaffirme sa volonté de rester au sein de l'UE
  • Pour Marine Le Pen, "la retraite à 65 ans est une injustice absolument insupportable"
  • Macron veut qu'aucun enseignant ne gagne moins de 2.000 euros

"Restituer aux Français leur argent", priorité absolue pour Marine Le Pen

Le débat commence sur le pouvoir d'achat avec une première passe d'armes. Sur ce point, Marine Le Pen affirme qu'en cas d'élection, sa priorité absolue sera de "restituer aux Français leur argent". "Je suis la porte-parole des Français, car Monsieur Macron, vous vous êtes réjoui d'avoir augmenté le pouvoir d'achat des Français, je n'ai vu que des Français qui [m'ont dit le contraire], n'arrivent plus à boucler leurs fins de mois. Vous avez fait le choix de mettre la taxe carbone, de baisser des aides essentielles pour nos compatriotes, notamment l'aide au logement. Je veux faire du pouvoir d'achat la priorité de mon mandat si les Français me font confiance."

"Vous n'allez pas faire les salaires Madame Le Pen"

Une déclaration qui a déclenché une passe d'armes entre les deux candidats. Emmanuel Macron affirmant qu'avec son programme, Marine Le Pen ne va pas augmenter les salaires de 10% comme elle l'affirme.  "Vous n’allez pas faire les salaires, Madame Le Pen", lance Emmanuel Macron. "Et vous ne ferez pas non plus des primes !", lui rétorque Marine Le Pen. "Il y a des employeurs qui feront, d’autres non", poursuit-il en défendant son souhait de défiscaliser et exempter de charges certaines primes.

Macron accuse Le Pen de "dépendre du pouvoir russe"

Le président sortant a mis son adversaire sur la défensive à plusieurs reprises, l'accusant tôt dans la soirée de "dépendre du pouvoir russe" et "de monsieur Poutine" ou encore en lui lançant lors d'un échange sur l'environnement : "Vous dites n'importe quoi". "Vous avez été, je pense, l'une des premières responsables politiques européennes, dès 2014, à reconnaître le résultat de l'annexion de la Crimée", a dénoncé Emmanuel Macron, faisant référence à l'annexion non reconnue par la communauté internationale de la péninsule ukrainienne par Moscou.

"Vous l'avez fait pourquoi ? (...) Parce que vous dépendez du pouvoir russe et que vous dépendez de monsieur Poutine", a-t-il ajouté dans une allusion à un prêt de neuf millions d'euros contracté en 2017 par le parti d'extrême droite de Marine Le Pen auprès d'une banque russe. "C'est faux et c'est assez malhonnête", a rétorqué sa rivale, en affirmant qu'aucune banque française ne lui avait accordé de prêt à l'époque et qu'elle n'avait "d'autre dépendance que de rembourser son prêt". "Je suis une femme absolument et totalement libre", a-t-elle martelé.

Souhaitez-vous rester dans l'Union européenne telle qu'elle est, avec le couple franco-allemand comme moteur ? 

"Je suis convaincu que notre souveraineté est nationale et européenne, et que les deux se complètent. Que grâce à l'Europe on sera plus indépendant", commence par rappeler Emmanuel Macron. Alors que Marine Le Pen réaffirme qu'elle souhaite rester au sein de l'Union européenne, et s'étonne qu'Emmanuel Macron "tombe dans une forme de complotisme". 

Le débat glissant sur l'Europe des Nations, Macron assène : "Je ne mens pas sur la marchandise, vous mentez sur la marchandise". "Moi l'image que j'ai de la France, c'est que c'est une puissance mondiale, pas qu'une puissance européenne", poursuit Marine Le Pen.

L'opposition sur les retraites

Emmanuel Macron et Marine Le Pen se sont opposés lors de leur débat sur l'âge de départ à la retraite, que le chef de l'Etat souhaite porter progressivement à 64 ou 65 ans tandis que la présidente du RN veut rester "entre 60 et 62 ans". Marine Le Pen a assuré qu'avec elle les salariés "partiront à la retraite entre 60 et 62 ans" et que "pour avoir une retraite pleine, il leur faudra entre 40 et 42 annuités".

Elle a aussi défendu un système "progressif" où "ceux qui auront eu un premier emploi significatif avant 20 ans pourront partir à la retraite à 60 ans, après 40 annuités". "Progressivement, au fur et à mesure de l'âge auquel on rentre dans le système, on atteindra maximum 42 annuités 62 ans", a-t-elle assuré. "C'est évidemment fort différent du projet de monsieur Macron qui veut faire travailler tout le monde jusqu'à 65 ans", a-t-elle ajouté, voyant là "une injustice absolument insupportable".

Sur ce sujet des retraites aussi Emmanuel Macron a taclé son adversaire : "Vous n'expliquez jamais comment vous financez (...) vous n'êtes pas honnête avec les gens" et "soit vous avez des impôts cachés, soit vous allez mettre en péril les pensions des retraités", a-t-il lancé.

"Mozart de la finance"

Marine Le Pen a attaqué le bilan économique "mauvais" et "injuste" d'Emmanuel Macron, qu'elle a qualifié de "Mozart de la finance", tandis que le président sortant a assuré avoir "protégé" grâce au "quoi qu'il en coûte". "Vous nous expliquez avoir fait beaucoup d'efforts pour les plus modestes, moi, ce que je vois, c'est qu'il y a 400.000 pauvres supplémentaires sous votre quinquennat, nous sommes dans un pays où il y a 9,8 millions de pauvres", a lancé la candidate du Rassemblement national.

"Vous dites que vous êtes très bon en économie, que les entreprises vous adorent, or il y a 400 milliards de déficit de la balance commerciale, un record absolu", a-t-elle ajouté. Et la candidate d'extrême droite d'évoquer "le chiffre le plus brutal et le plus cruel, la productivité, qui décroche à compter de votre élection", les "14.500 emplois industriels perdus", "un bilan social encore pire"...

"Climatosceptique" contre "climatohypocrite"

Sur le thème de l'environnement, Emmanuel Macron attaque frontalement Marine Le Pen. "Votre programme n'a ni queue ni tête", lance-t-il en dénonçant le manque de "cohérence" de son opposante. Et de pique : "Vous êtes climatosceptique !". "Je ne suis absolument pas climatosceptique, vous vous êtes climatohypocrite", a répondu Marine Le Pen.

Sur le fond, Marine Le Pen a dit souhaiter arrêter "l’hypocrisie qui consiste à refuser de voir que c’est le modèle économique fondé sur le libre-échange qui est responsable d’une grande partie de l’émission des gaz à effet de serre". La candidate défend son projet de "localisme" et veut "relocaliser les productions et les activités". "Cela veut dire aussi que l’Etat doit assumer cette responsabilité ; et assumer cette responsabilité, c'est mettre en place le patriotisme économique", déclare la candidate.

Pour cette dernière, "le modèle de libre-échange est un modèle qui a également fait beaucoup de mal aux animaux". "C’est un modèle (…) insensé, qui crée du chômage dans notre pays, qui crée des émissions de gaz à effet de serre et qui, de surcroît, crée de la souffrance animale, qui désespère nos agriculteurs et nos industriels parce qu’ils se retrouvent confrontés en plus à une concurrence déloyale", tacle Marine Le Pen.

Macron veut qu'aucun enseignant gagne moins de 2.000 euros

Emmanuel Macron a annoncé mercredi vouloir relever les rémunérations des enseignants de manière à ce qu'il n'y ait "plus de démarrage de carrière sous les 2.000 euros" par mois, une augmentation "conditionnée à absolument rien" selon le candidat. Cet engagement signifiera une hausse "d'environ 10%" pour les enseignants en début de carrière, a-t-il précisé lors du débat avec Marine Le Pen à quatre jours du second tour, sans indiquer de date. "La revalorisation des enseignants a débuté sous ce quinquennat", a-t-il assuré.

Marine le Pen, elle, a dit vouloir revaloriser les salaires des professeurs de "3% par an", avec une demi-journée de travail supplémentaire en primaire, rémunérée en plus. Elle a aussi souhaité des sanctions plus sévères pour les élèves perturbateurs. "Les professeurs sont très mécontents, et ils ont raison", a-t-elle ajouté, en accusant son adversaire de vouloir "payer les professeurs en fonction des résultats de leurs élèves" et de tâches supplémentaires. "Je ne sais pas si c'est McKinsey qui a proposé ça", a-t-elle attaqué, en allusion au cabinet de consulting américain qui a effectué des missions pour le gouvernement. "Je l'attendais celle-la", a commenté son opposant.

Le port des signes religieux au sein du débat

Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont eu une rude passe d'armes autour du voile et de la laïcité, le chef de l'Etat accusant son adversaire de "trahir l'esprit français et de la République". "Je suis pour l'interdiction du voile dans l'espace public, je l'ai dit de la manière la plus claire" car "le voile est un uniforme imposé par les islamistes" et "une grande partie des jeunes femmes qui le mettent ne peuvent pas faire autrement en réalité", a assuré la candidate du Rassemblement national vers la fin de ce débat.

"Il faut libérer l'ensemble de ces femmes, il faut faire reculer les islamistes et pour cela, je le crois, il faut interdire le voile dans l'espace public", a-t-elle martelé. "Ce que vous proposez est une trahison de l'esprit français et de la République", a rétorqué Emmanuel Macron en accusant son adversaire : "Vous allez créer la guerre civile si vous faites ça". "La France, patrie des Lumières, de l'universel, serait le premier pays au monde à interdire les signes religieux dans l'espace public" mais "la laïcité, ce n'est pas combattre une religion", a-t-il ajouté, promettant qu'avec lui "il n'y aura pas d'interdiction ni du foulard, ni de la kippa ni de quelques signes religieux dans l'espace public".