dossier de parrainage 3:59
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Victor Chabert et Mélina Facchin, édité par Ugo Pascolo , modifié à
À chaque présidentielle, c'est une question qui revient pour certains candidats : les 500 parrainages. Cette fois-ci, les crispations se font autour des candidatures de Marine Le Pen, Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon. Mais pourquoi les élus rechignent-ils à soutenir les candidats ? 

C'est une préoccupation qui revient tous les cinq ans pour certains prétendants à l'Élysée, à chaque élection présidentielle. À l'approche du scrutin, les candidats comme Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ou encore Eric Zemmour sont confrontés à la difficulté de réunir les sacro-saints 500 parrainages d'élus pour avoir le droit de concourir dans l'arène. Mais la collecte est difficile, peu d'élus s'aventurent dans les signatures. Ils ne veulent pas de pression politique, leurs conseils municipaux se disent apolitiques, ou alors les partis sont moins structurés.

Le non-anonymat, principale raison de la réticence

Quelle que soit la raison invoquée, les chiffres parlent d'eux-mêmes : sur les 42.000 élus français habilités à parrainer un candidat à l'élection présidentielle, un peu plus de 14.000 se sont pliés à l'exercice en 2017. Une tendance exacerbée par la publication de leur nom depuis la dernière présidentielle et l’inquiétude autour de pressions exercées par leurs adversaires. Quand un maire veut, par exemple, refaire un rond-point sur sa commune, il est aidé par une intercommunalité, un département ou une région qui n'est pas forcément de la même couleur politique. Or, afficher publiquement son parrainage pourrait lui faire perdre des financements essentiels.

C'est ce qu'a dénoncé Eric Zemmour au micro d'Europe 1 le 6 janvier dernier évoquant "un frein". Et il n'est pas le seul. Lors d'une conférence de presse officialisant son parrainage à Marine Le Pen, à l'occasion du déplacement de la candidate à Béziers, Robert Ménard a estimé qu'"aujourd'hui le chantage aux subventions de la part des départements et des régions est d'une efficacité redoutable". D'après lui, tous les maires l'ont "vécu". Et l'édile d'ajouter : "Quand j'entends un certain nombre d'élus dire 'mais non ce n'est pas vrai, le maire d'une petite commune fait ce qu'il veut', ce n'est pas vrai."

"Le parrainage, c'est permettre que l'expression [démocratique] puisse se faire", rappelle au micro d'Europe Midi le président de l'association des maires ruraux de France, Michel Fournier. "Mais il est possible que notre parrainage soit assimilé à notre sensibilité politique. Et ça passe mal vis-à-vis des conseils municipaux, de la population et d'autres entités". 

D'ailleurs, en ce qui concerne les parrainages 2017, trois-quarts ont été donnés par des élus municipaux et intercommunaux. Or la tendance est à la dépolitisation dans les petites communes, et nombre de maires sans étiquette veulent le rester. Un phénomène massif chez les nouveaux élus, pointe Guilhem Serieys, responsable des parrainages de Jean-Luc Mélenchon. "Chez les nouveaux maires j'entends souvent, et je reprends leurs mots : 'Notre conseil municipal est pluriel politiquement', ou alors 'il est apolitique, donc on refuse de prendre position dans le débat pour la présidentielle.'"

"C'est finalement le retour en force des grands partis"

Sans oublier que les gros partis ont souvent des cadres politiques élus et expérimentés, avec d'importants réseaux, qui sont chargés de collecter les parrainages. Mais dans le parti d'Eric Zemmour, ce n'est pas le cas par exemple. Les "ambassadeurs" comme on les appelle chez Reconquête, ne sont pas connus, et ne connaissent personne. Dans le Bas-Rhin, ce sont deux militants, Grégory et Emmanuel, qui font ce travail depuis chez eux bénévolement deux à trois heures par jour dans l'espoir de voir leur champion accéder à l'Élysée pour cinq ans. Et ils ne s'en cachent pas, pour eux l'une des difficultés à recueillir les signatures vient du fait que leur parti est nouveau dans le paysage politique français.

"Nous sommes un jeune parti, nous avons à peine 35 jours d'existence. Nous n'avons pas d'élus locaux, et donc c'est finalement le retour en force des grands partis", avancent-ils. "Prenez le cas de Madame Hidalgo, elle aura probablement entre 2.000 et 3.000 signatures pour faire 2% à la sortie. Quand on se retrouve jeune parti comme le nôtre, sans ancrage local, il est difficile de se tourner vers certaines personnes." Et s'ils n'ont pas souhaité révéler le nombre de promesses de parrainages récoltés, ils assurent qu'Eric Zemmour aura ses 500 signatures.

Mais en dehors de l’angoisse de ne pas pouvoir se présenter, l’une des principales raisons de la colère des partis concernés, c’est la perte de temps et d'énergie pour recueillir les précieuses signatures. Car pendant ce temps, leurs adversaires, comme Les Républicains par exemple, peuvent se permettre de faire pleinement campagne.

Quelles sont les règles du parrainage ?

Il n’y a pas que les maires qui peuvent donner les parrainages, il y a aussi les présidents d’intercommunalités, les parlementaires, les conseillers départementaux et régionaux. Ils doivent venir d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer différents. Le nombre d’élus d’un même département ou collectivité ne peut dépasser 10% du total des parrainages requis, donc 50 par candidat. Ils ont ensuite du 30 janvier au 4 mars pour envoyer leur signature, une seule par élu, non modifiable, au Conseil constitutionnel, qui sera chargé de vérifier leur validité.

Ce dernier publiera sur son site les noms des maires et des candidats qu’ils décident de soutenir. Il l’actualisera en continu, au moins deux fois par semaine. Enfin, les sages publieront le 5 mars, la liste des candidats en lice officiellement pour l’élection présidentielle.