Le Pen versus Zemmour : la haine jusqu'au bout !

  • Copié
Nicolas Beytout
Le polémiste continue de chiper à sa rivale des soutiens de poids. Dernier en date : Gilbert Collard. Un motif de détestation de plus entre Marine Le Pen et l'ex-journaliste du Figaro. Pour notre éditorialiste Nicolas Beytout, la stratégie d'Eric Zemmour présente de nombreuses limites.
EDITO

Avec la défection de l’avocat Gilbert Collard, qui a rejoint ce week-end les rangs de son parti, Eric Zemmour a fait un pas de plus dans l’affrontement avec Marine Le Pen. Et même s’il faut préciser que Gilbert Collard prend soin de dire qu’il continue à bien s'entendre avec Marine Le Pen, c’est une figure connue, identifiable, un transfert de poids comme on dit dans le mercato sportif.

Désormais, la stratégie du candidat à l'élection présidentielle est claire : pour essayer de se relancer et sortir du faux-plat dans lequel le scotchent les sondages, il doit reprendre des initiatives, recréer l’actualité, par exemple en montrant qu’il conserve une capacité d’attraction suffisante pour dévitaliser le parti de Marine Le Pen et le dépouiller de ses élus. On murmure d'ailleurs que d’autres députés européens vont suivre.

Le fossé se creuse entre les deux candidats d'extrême droite

A court terme, ces désertions flanquent un coup au moral de ceux qui se font dépouiller. Mais il n'est pas sûr que ce soit efficace. D’abord parce que cela exacerbe ce qui est devenu une véritable détestation entre les deux leaders d’extrême droite. En réalité, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ces deux-là ne se connaissent pas très bien, mais entre eux, le fossé s’est agrandi, sous l’effet du mépris (celui de Zemmour pour Le Pen) et de la colère (celle de Le Pen à l’égard de Zemmour).

Et comme toujours dans ce genre de circonstance, les entourages des deux candidats en rajoutent, petites phrases et sous-entendus à l’appui. Entre les deux, c’est désormais une lutte politique à mort. Et, pour peu qu’ils aient l’une et l’autre leurs 500 signatures, on peut être sûr qu’ils iront jusqu’au bout, chacun campé sur son socle électoral. En faveur de Marine Le Pen, un électorat populaire, solide, plutôt fidèle si on en juge par les sondages qui continuent à la placer entre 17 et 18% au premier tour, c’est-à-dire à touche-touche avec Valérie Pécresse. Et pour Eric Zemmour, un vote davantage formé par les classes moyennes supérieures, plus âgé.

Une stratégie payante ?

Cette répartition des voix entre les deux leaders montre la limite de la stratégie de débauchage entreprise par Eric Zemmour face au Rassemblement national. Car il n’est pas sûr du tout que ceux qui partent emmèneront avec eux des électeurs. Et puis cette hostilité entre eux n’est pas le meilleur moyen de préparer un rassemblement des forces pour un éventuel second tour. Pour battre Emmanuel Macron, aujourd’hui en tête des sondages, il ne faudrait pas qu'une seule voix manque à celui des deux candidats de la droite nationale qui serait au second tour. Et pour l’instant, c’est mal parti.

Eric Zemmour mène aussi cette stratégie du débauchage vis-à-vis de la droite républicaine, avec Guillaume Peltier, ex-numéro deux des Républicains. Une défection pour l’instant isolée et qui ne semble pas déstabiliser le parti de Valérie Pécresse. La candidate des Républicains continue au contraire à essayer de rassembler les morceaux d’une droite divisée depuis des années. Et ce qui s’est passé en fin de semaine est un moment important pour elle : elle s’est affichée avec Laurent Wauquiez, celui-là même qui avait provoqué son départ du parti Les Républicains il y a quelques années lorsque le président de la Région Auvergne-Rhône Alpes en était devenu le patron.

La droite républicaine fait bloc

Tout ça, en apparence tout du moins, c’est du passé. Laurent Wauquiez, c’est un peu comme Eric Ciotti, une figure importante pour toute une frange de l’électorat le plus à droite des Républicains. Verrouiller cette partie-là des sympathisants LR, c’est avoir de bonnes chances d’empêcher la fuite vers un Zemmour qui proclame qu’il veut l’union des droites, du RN à LR.

On verra vite si l’alliance autour de Valérie Pécresse tient, pendant les prochaines semaines, mais ce serait la première fois depuis la défaite de Nicolas Sarkozy, en 2012, que les différentes composantes de la droite de gouvernement arrivent à gommer leurs disparités pour faire cause commune. Valérie Pécresse compte sur la perspective d’une victoire pour cimenter son camp. C’est la différence avec la stratégie d’Eric Zemmour qui compte sur la perspective de défaite de Marine Le Pen pour cimenter le sien.