La campagne, sur le fond, n'a pas encore commencé

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Antonin André, chef du service politique d'Europe 1 , modifié à
La campagne présidentielle s’enlise. Après des primaires qui ont passionné les Français, le débat politique semble désormais figé.

À gauche vous avez Benoît Hamon et Yannick Jadot qui jouent à "je te tiens, tu me tiens par la barbichette" depuis trois semaines, et à droite, on joue sans conviction le "il faut sauver le soldat Fillon". Au centre, François Bayrou poursuit sa valse hésitation, 'tu veux ou tu veux pas être candidat ?". Enfin, chez Emmanuel Macron on révise L’Histoire de France pour les Nuls, citations du général de Gaulle à l’appui.

Un débat qui tourne à vide. Mais aucun débat de fond, pas de projet. Depuis le revenu universel, plus rien. Quelle fonction publique demain ? La suppression de 500.000 fonctionnaires réclamée par François Fillon, réaliste ou pas ? Quelles mesures concrètes pour enfin résoudre la question du chômage ? Quelle politique sociale en banlieue ? Rien non plus sur la désertification du monde rural. Bref, aucune vision, pas de confrontation projet contre projet. Cette stagnation profite à Marine Le Pen qui, elle, déroule son programme : sortie de l’euro, protectionnisme, retour des frontières. Ses concurrents crient au loup, mais ne s’y attaquent pas sur le fond.

Une non-campagne. Les hommes politiques renvoient la balle aux journalistes, un peu dans le sillage de Donald Trump qui dresse le peuple contre les médias. Tous les candidats sont d’accord : les journalistes sont malhonnêtes, ils mentent, ils lynchent et ils sont paresseux. Tout le monde s’y retrouve. Premier constat : c’est un réflexe défensif et fallacieux. Il suffit de prendre un peu de recul : en février 2012 François Hollande dégainait sa taxe à 75% et désignait son ennemi, la finance. En 2007 Nicolas Sarkozy déclinait son "travailler plus pour gagner plus", l’encadrement du droit de grève, et Ségolène Royal son "ordre juste". Jacques Chirac, en 1995, brandissait la fracture sociale.  2017, c’est le vide absolu, une non-campagne présidentielle.

Un manque de confiance ? Deuxième constat : le débat d’idées a été abordé au moment des primaires. L’identité heureuse contre le redressement, le revenu universel contre la gauche de responsabilité. Mais depuis, plus rien. Ce débat, les candidats l’ont aussitôt enterré, oublié. Personne n’assume par peur, par manque de confiance, comme si aucun ne croyait vraiment en son projet, et c’est sans doute ce qu’il y a de plus inquiétant pour les citoyens que nous sommes.