Européennes : Nathalie Loiseau, atout "charmant mais redoutable" de LREM

Nathalie Loiseau va prendre la tête de la liste LREM aux européennes.
Nathalie Loiseau va prendre la tête de la liste LREM aux européennes. © LUDOVIC MARIN / AFP
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Cette ancienne diplomate va quitter mercredi le ministère des Affaires européennes pour conduire la liste LREM aux européennes. Elle compte apporter son expérience des dossiers complexes.

Sa phrase n'avait pas manqué de théâtralité, provoquant le rire sonore de Marine Le Pen. Le 14 mars dernier, sur le plateau de L'Émission politique de France 2, Nathalie Loiseau, alors ministre des Affaires européennes, félicitait la présidente du Rassemblement national. "Je voulais vous dire bravo parce que vous avez réussi à me faire changer d'avis. Je suis prête à être candidate [aux élections européennes]", avait-elle lancé. "Je ne me défilerai pas." Et d'assurer qu'elle n'avait prévenu personne et ne savait donc pas ce qu'en pensait les décideurs de la majorité.

Du bien, visiblement, puisque mercredi, Nathalie Loiseau va quitter ses fonctions au gouvernement pour prendre les rênes de la liste LREM aux européennes. Un choix logique au vu du profil de cette femme de 54 ans, à la carrière brillante, sans accroc mais pas sans faits d'armes, et qui a peu à peu pris goût à la politique.

Une diplomate rompue aux dossiers difficiles…

Car avant d'entrer au gouvernement d'Édouard Philippe en juin 2017, pour remplacer une Marielle de Sarnez éclaboussée par l'affaire des assistants parlementaires de son parti, le MoDem, Nathalie Loiseau n'était pas une femme politique. Toute sa carrière, cette diplômée de l'IEP de Paris et de l'Inalco (institut national des langues et civilisations orientales) en chinois l'a faite dans la diplomatie. Le concours des affaires étrangères en poche à 21 ans seulement, elle enchaîne les postes en Indonésie, au Sénégal et au Maroc, avant d'atterrir, entre 2002 et 2007, à l'ambassade de France à Washington.

C'est là que cette femme rompue aux négociations compliquées -elle en avait menées notamment avec les Khmers rouges au Cambodge à la fin des années 1980- sort de l'ombre. Alors à la tête du service communication de l'ambassade, elle doit gérer le délicat épisode de la guerre en Irak, dans laquelle la France refuse de s'engager, ce qui déclenche une flambée de francophobie outre-Atlantique. Les professionnels de la com' conseillent d'attendre que l'orage passe. Elle et l'ambassadeur, Jean-David Levitte, refusent de se laisser faire, rédigent une lettre ouverte publiée dans le Washington Post. "Tout ce temps, elle est restée d'un calme et d'une sérénité à toute épreuve", racontera Jean-David Levitte neuf ans plus tard à Libération. "Elle a du sang-froid."

…et aux négociations bruxelloises

Ce n'est d'ailleurs pas la seule qualité qu'on reconnaît à la quinquagénaire. Après son annonce dans L'Émission politique, Édouard Philippe avait salué sur Europe 1 une "excellente ministre, qui connaît remarquablement bien ses dossiers", "une femme extrêmement déterminée et combattante". Dans L'Express paru la semaine dernière, les parlementaires LREM ne tarissent pas d'éloges. "Sa compétence et son engagement sur les sujets européens, loin des candidatures cosmétiques", font qu'elle "saura prendre le leadership à Bruxelles", "elle a le réseau et elle connaît les rouages", clament-ils. "Sa technicité serait très utile", abonde auprès d'Europe 1 un membre du gouvernement. Mais à LREM, certains s'inquiètent aussi d'un profil "trop techno" pour mener une campagne.

De fait, son poste de ministre des Affaires européennes en plein Brexit l'a menée dans des discussions complexes. Sans langue de bois, s'exprimant dans un anglais impeccable, Nathalie Loiseau a bluffé ses homologues et la presse britannique. Dans un portrait élogieux, le Times l'a surnommée "l'arme secrète du président Macron dans la bataille du Brexit". Et le journaliste de louer "une diplomate sans peur, linguiste, mère de quatre enfants […] charmante mais redoutable". Dernière corde d'un arc déjà bien fourni : elle "a écrit dans son pays une bible féministe", note le quotidien britannique.

Des idées de gauche et une carrière à droite

Dans Choisissez tout, publié en 2014 (éd. Lattès), Nathalie Loiseau encourageait les femmes à ne pas sacrifier leur vie professionnelle au détriment de leur vie privée, et vice-versa. Évoquait aussi ses doutes permanents, issus en partie d'une société qui modère l'ambition des petites filles. Ces principes, elle a tenté de les mettre en œuvre lorsqu'elle a été nommée, en 2012, à la tête de l'ENA. Deuxième femme seulement à occuper ce poste, elle avait alors lutté pour la féminisation des effectifs, en même temps que pour une réforme du concours d'entrée.

Le titre qu'elle avait retenu, Choisissez tout, est une formule empruntée à sainte Thérèse de Lisieux, Nathalie Loiseau étant catholique croyante et pratiquante. Ce qui ne l'empêche pas, dans La Croix, d'affirmer ses désaccords avec le pape. Ou encore de soutenir publiquement le mariage pour tous, puis la PMA et la "GPA éthique". "Tout son discours est de gauche. Mais sa carrière [diplomatique] est à droite. C'est très bizarre", notait l'un de ses amis dans Libération en 2012.

De fait, Nathalie Loiseau s'est rapprochée d'Alain Juppé en devenant la benjamine de son cabinet aux Affaires étrangères en 1993. À Washington, son ambassadeur Jean-David Levitte était le sherpa de Nicolas Sarkozy. Revenue au Quai d'Orsay en 2007, elle en avait été évincée avec l'arrivée de Laurent Fabius. Sans, pour autant, revendiquer une quelconque couleur politique. "Je ne suis pas une fonctionnaire de droite ou une fonctionnaire de gauche", assénait-elle au Monde en 2012.

Le goût de la politique

"Ni, ni", un poste dans un gouvernement macroniste lui semblait donc déjà tout indiqué. Un peu moins de deux ans après sa prise de fonction, Nathalie Loiseau fait partie des ministres issus de la société civile qui ont bien négocié leur virage. Édouard Philippe saluait sur Europe 1 il y a quelques semaines son "sens politique très fin". Pourquoi avoir finalement décidé de s'engager ? "Rejeter la politique en tant que tentative de poursuivre un idéal de vie dans la cité me paraît dramatique et dangereux", estimait l'ancienne diplomate dans La Croix au moment de sa nomination au gouvernement. La voilà désormais partie pour "poursuivre un idéal de vie" au niveau européen.