La décision d'Edouard Philippe de prendre la tête du gouvernement divise à droite. AFP 1:49
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Thibaud Le Meneec , modifié à
La nomination d’Edouard Philippe à Matignon suscite des réactions très partagées chez Les Républicains, fracturés autour du cas d’Emmanuel Macron.

Chez les Républicains, on redoutait la nouvelle depuis plusieurs jours, à mesure que la rumeur s’amplifait. C’est désormais acté : le nouveau Premier ministre est issu des rangs de la droite, en la personne d’Edouard Philippe, 46 ans et nommé lundi après-midi par Emmanuel Macron. Une décision critiquée par de nombreux responsables du parti de la droite, réticents à tout rapprochement avec Emmanuel Macron. Mais 22 cadres LR et UDI se réjouissent au contraire de cette "main tendue" et demandent à leur famille politique "d’être à la hauteur" de cet "acte politique de portée considérable", dans un communiqué publié lundi en fin d’après-midi. Parmi les signataires, plusieurs ténors, loin d’être majoritaires rue de Vaugirard : Bruno Le Maire, Nathalie Kosciusko-Morizet, Gérald Darmanin, Thierry Solère, Christian Estrosi...

Le Maire et ses proches satisfaits. Bon nombre d’entre eux s’étaient déjà dit en désaccord avec la ligne officielle des Républicains, qui consiste à rester dans l’opposition au chef de l’Etat. C’est le cas de Bruno Le Maire, qui veut "dépasser les vieux clivages" et qui avait conditionné son soutien à Emmanuel Macron à la nomination d’un Premier ministre de droite. L’ancien ministre et ses proches sont d’ailleurs régulièrement cités comme potentiels ministres, comme les députés Benoist Apparu, Sébastien Lecornu ou Arnaud Robinet.

Juppé dans l’entre-deux. Le nouvel hôte de Matignon a également reçu les félicitations d’Alain Juppé, ancien Premier ministre dont il fut l’un des très proches depuis 2002. "Edouard Philippe est un ami, un homme de grand talent. (...) Il a toutes les qualités", a-t-il expliqué, tout en indiquant qu’il continuerait malgré tout à soutenir les candidats investis par LR et l’UDI pour les législatives. Dominique Bussereau est sur la même ligne. "Je ne suis pas En Marche!, je continue de courir pour ma famille politique. Simplement, je veux être bienveillant, sympathique, et pas être un opposant systématique", a-t-il expliqué à Europe 1.

"Décision individuelle". Pour contrer la nomination de ce Premier ministre qui s’est réaffirmé lundi "homme de droite", certains cadres parlent d’un "débauchage" qui ne reflète pas la ligne officielle du parti. "Edouard Philippe rejoint En Marche!. C'est son droit. Notre projet c'est celui des Républicains, notre chef de file François Baroin", estime Daniel Fasquelle, trésorier du parti de droite. Le secrétaire général Bernard Accoyer dresse le même constat, parlant d’une "décision individuelle" l’appelant à sortir de l’ambiguïté : "Ce Premier ministre soutiendra-t-il les candidats En Marche!, du président de la République qui vient de le nommer, ou soutiendra-t-il les candidats LR-UDI, ceux de sa famille politique ?"

"C'est un peu étonnant de sacrifier ses convictions comme le fait Edouard Philippe pour un poste", s'insurge Nadine Morano. "Il a choisi maintenant d'aller soutenir un programme qu'il combattait il y a encore quelques semaines et une personnalité dont il disait pis que pendre sur certains plateaux", ajoute-t-elle.

Certains dénoncent une "opération de déstabilisation". Mais la droite avait déjà anticipé cette nouvelle, à l’image du sénateur LR Roger Karoutchi : "il n’est pas au cœur du dispositif politique des Républicains. Il y a des noms qui auraient été plus diviseurs pour nous", avait-il minimisé lundi matin. D’autres responsables du parti y voient en tout cas une manœuvre claire : "une feuille de route simple pour Edouard Philippe : essayer de fragmenter la droite pour rendre impossible l'alternance", critique le député de la Manche Philippe Bas, rejoint par son collègue à l’hémicycle Philippe Gosselin, selon qui la nomination du maire du Havre à Matignon "brouille des pistes pour beaucoup et pas que à droite et au centre". Pour le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, partisan d’une frontière claire entre Emmanuel Macron et Les Républicains, la décision d’Edouard Philippe relève purement de la stratégie.

Baroin confiant. Une stratégie qui devrait mener à l’échec, prédit François Baroin. Le meneur des Républicains pour la campagne des législatives se montre confiant : "On n’est pas face à une grande coalition à l’Allemande ni à une position gouvernementale. C’est une tactique, un débauchage à l’ancienne, qui fleure bon les chrysanthèmes de la IVe République. Si le président de la République prend un premier ministre de droite, c’est donc qu’il veut une politique de droite ! Alors autant faire le choix de la majorité à l’Assemblée !", a-t-il expliqué à L’Est Eclair, les yeux déjà rivés sur la prochaine manche des législatives, les 11 et 18 juin prochains. Sur France 2, lundi soir, le maire de Troyes a voulu apaiser les choses en refusant de parler d'une "exclusion" possible d'Edouard Philippe des Républicains, disant simplement "regretter" son choix de s'installer à Matignon.