Avec Le Maire, le "renouveau, c'est Bruno" à Bercy

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Bruno Le Maire est nommé ministre de l'Économie. © JOEL SAGET / AFP
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avec Reuters , modifié à
Après avoir longtemps couru après un ministère de prestige, Bruno Le Maire a été nommé ministre de l'Économie d'Édouard Philippe. Au risque de se mettre à dos sa famille politique. 

Bruno Le Maire, qui s'était attiré  les foudres des Républicains (LR) en offrant ses services à Emmanuel Macron, scelle la rupture avec son camp en devenant ministre de l'Économie dans le gouvernement d'Edouard Philippe. L'ironie de l'histoire veut que ce poste lui ait échappé en 2011 à l'issue d'un âpre duel avec François Baroin. A 48 ans, le député de l'Eure devra partager la responsabilité de la citadelle Bercy avec un autre espoir de la droite, Gérald Darmanin, un proche du président de la région Hauts de France Xavier Bertrand nommé ministre de l'Action et des Comptes publics.

Ministre sous Sarkozy. Diplomate de formation grandi en politique à l'ombre de Jacques Chirac et Dominique de Villepin, Bruno Le Maire avait été un temps pressenti pour renouer avec le Quai d'Orsay, où il fut un conseiller influent durant la crise irakienne de 2003. Sa carrière ministérielle a débuté sous la présidence de Nicolas Sarkozy, d'abord comme secrétaire d'État aux Affaires européennes (2008-2009) puis ministre de l'Agriculture (2009-2012). Germanophone, européen convaincu, il est un grand défenseur convaincu du couple franco-allemand. Bercy fut en 2011 au cœur d'un âpre duel avec François Baroin, qui emporta finalement la succession de Christine Lagarde auprès de Nicolas Sarkozy.

Audace ou opportunisme ? Longtemps prisonnier de son image de premier de la classe, Bruno Le Maire s'est employé à casser son moule élitiste (normalien, premier à l'agrégation de lettres modernes, Sciences Po, ENA) avec l'ambition de briguer un jour la présidence de la République. Certains dans son camp parlent d'audace, d'autres d'opportunisme. Il est élu député de l'Eure pour la première fois en 2007, sans véritable expérience du terrain. Réélu en 2012, après la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, il tente de se lancer dans la course à la présidence de l'UMP mais n'obtient pas les parrainages nécessaires. Il récidive en 2014 et recueille contre toute attente 29,18% des voix face à Nicolas Sarkozy.

"Bruno le renouveau". Bruno Le Maire s'engage dès février 2016 dans la bataille pour la primaire de la droite et du centre sous le sceau du "renouveau". Il propose notamment la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la réduction des indemnités chômage, la création de "petits boulots" payés cinq euros l'heure pour les bénéficiaires de minima sociaux. L'"énarque défroqué" né dans une famille bourgeoise à Neuilly-sur-Seine promet de casser les codes pour présenter aux électeurs des idées neuves et "trancher enfin des questions que la droite a mises sous le tapis depuis des années." 

Féru de musique classique et de littérature, "l'école de la rébellion", écrivain lui-même, Bruno Le Maire, qui a démissionné de la fonction publique, juge que la France "crève de la domination des techniciens et des apparatchiks pour qui la politique est tout". Dans son ouvrage Ne vous résignez pas !, il fustige le déclassement français, "fruit de notre lâcheté collective", et invite à "faire confiance à la société". "Nous avons reculé devant les choix difficiles, dilué les décisions essentielles dans les décisions accessoires, perdu le sens de notre action", écrit-il notamment.

Soutien éphémère à François Fillon. "Bruno, le Renouveau" a finalement échoué à la quatrième place de la primaire, subissant le score humiliant de 2,4%. Dès le soir du premier tour de la primaire, il se rallie à François Fillon, dont il devient le conseiller pour les affaires internationales et européennes avec l'espoir de prendre les rênes du Quai d'Orsay en cas de victoire. Mais le 1er mars, il démissionne avec fracas de l'équipe de campagne, accusant l'ancien Premier ministre de trahir la parole donnée pour avoir maintenu sa candidature malgré l'imminence d'une mise en examen.

Raillé à droite. Après l'élimination du candidat de la droite et du centre au premier tour de la présidentielle, Bruno Le Maire est le seul à afficher clairement ses intentions, s'attirant les critiques des Républicains. Florence Portelli, porte-parole de François Fillon, raille le "Kouchner de droite". Dès l'élection d'Emmanuel Macron, le 7 mai, il avait multiplié les déclarations bienveillantes envers le nouveau président, se déclarant prêt à "travailler" avec lui. Un discours qui tranchait avec des propos tenus en février, quand il qualifiait Emmanuel Macron d'"homme sans projet et sans conviction".

Marié à une artiste-peintre, qui fut son assistante parlementaire de 2007 à 2013, père de quatre garçons, Bruno Le Maire dit porter en lui "toutes les droites, la droite orléaniste et libérale, la droite gaulliste et bonapartiste". Une ouverture qui paye aujourd'hui avec cette nomination au très convoité ministère de l'Économie. Mais il connaît aussi le revers de la médaille. Dans la foulée de l'annonce du gouvernement, le secrétaire général des Républicains Bernard Accoyer a annoncé l'exclusion du parti de Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. Ce a quoi le nouveau locataire de Bercy a répondu, sur Facebook : "La France vaut mieux que les partis. La France mérite mieux que les exclusions. La France attend de nous un engagement total, pour retrouver notre dignité et notre grandeur".