Guerre en Ukraine : ce qu'il faut retenir au 375e jour de l'invasion russe

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Malgré les fortes tensions entre Wagner et l'armée, les forces russes ont progressé ces derniers jours autour de Bakhmout. © Marek M. Berezowski / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP
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avec AFP , modifié à
Au 375e jour de l'invasion russe, la pression russe sur l'armée ukrainienne s'intensifie à Bakhmout. Dimanche, l'Institut pour l'étude de la guerre (ISW), un groupe d'experts américains, a estimé que les forces ukrainiennes étaient "vraisemblablement en train d'effectuer une retraite tactique d'ampleur limitée" à Bakhmout.
L'ESSENTIEL

L'armée ukrainienne a annoncé lundi son intention de "renforcer" ses positions à Bakhmout, épicentre des combats dans l'est du pays, réfutant les spéculations sur un retrait face aux troupes russes qui tentent d'encercler cette ville symbole. Cette annonce intervient au moment où le patron du groupe paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, s'est une nouvelle fois plaint d'un manque de munitions pour ses hommes, en première ligne dans cette bataille qui dure depuis l'été.

Les principales informations à retenir :

  • L'Ukraine va renforcer ses positions à Bakhmout
  • Wagner se plaint d'un manque de munitions
  • L'armée de l'air ukrainienne a indiqué avoir abattu 13 drones explosifs de fabrication iranienne sur 15 lancés par la Russie

Le président ukrainien demande à l'armée de "trouver les forces" pour défendre Bakhmout

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé lundi avoir demandé à ses commandants militaires de "trouver les forces" pour défendre Bakhmout, épicentre des combats dans l'est du pays, autour de laquelle les troupes russes ont resserré leur étau. "J'ai dit à l'état-major de trouver les forces appropriées pour aider les gars à Bakhmout", a déclaré le président ukrainien dans une vidéo, affirmant "qu'aucune partie de l'Ukraine ne peut être abandonnée" aux Russes.

Kiev réclame une enquête après l'exécution présumée d'un prisonnier de guerre ukrainien

Le chef de la diplomatie ukrainienne a réclamé lundi une enquête de la Cour pénale internationale (CPI) après la diffusion d'une vidéo montrant, selon lui, un prisonnier de guerre ukrainien exécuté par des soldats russes. "Horrible vidéo d'un prisonnier de guerre ukrainien désarmé exécuté par les forces russes pour avoir simplement dit 'Gloire à l'Ukraine'. Une autre preuve que cette guerre est génocidaire", a commenté Dmytro Kouleba sur Twitter. "Il est impératif que (le procureur de la CPI) Karim Khan lance une enquête immédiate sur ce crime de guerre odieux", a-t-il ajouté. "Les auteurs de ces actes doivent être traduits en justice".

Dmytro Kouleba faisait référence à une vidéo amateur circulant lundi sur les réseaux sociaux, montrant ce qui semble être un soldat debout dans une tranchée en train de fumer une cigarette et abattu avec une arme automatique après avoir dit "Gloire à l'Ukraine". L'AFP n'a pas pu vérifier de manière indépendante où et quand les images ont été filmées, ni si elles montraient, comme l'affirment les responsables ukrainiens et les utilisateurs des médias sociaux, un prisonnier de guerre ukrainien.

La phrase "Gloire à l'Ukraine" était répétée sur les réseaux sociaux en Ukraine lundi, tandis que plusieurs responsables appelaient à une enquête et réclamaient justice. Moscou et Kiev se sont à plusieurs reprises mutuellement accusé d'avoir tué des prisonniers de guerre depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Poursuite de l'opération défensive ukrainienne à Bakhmout

Loin de reculer, alors que les rumeurs d'un retrait vont bon train depuis une semaine, les commandants en chef des forces armées ukrainiennes "se sont prononcés en faveur de la poursuite de l'opération défensive et d'un renforcement de (leurs) positions à Bakhmout", lors d'une réunion lundi avec le chef de l'Etat Volodymyr Zelensky, a indiqué la présidence ukrainienne. L'Institut pour l'étude de la guerre (ISW), un centre de réflexion américain, avait pour sa part estimé dimanche soir que l'armée ukrainienne était "vraisemblablement en train d'effectuer une retraite tactique d'ampleur limitée" à Bakhmout.

Ville de quelque 70.000 habitants avant la guerre, Bakhmout est devenue, du fait de la longueur de la bataille et des lourdes pertes subies par les deux camps, le symbole de la lutte entre Russes et Ukrainiens pour le contrôle de la région industrielle du Donbass. Les troupes russes ont progressé ces dernières semaines au nord et au sud de la ville, coupant trois des quatre routes d'approvisionnement ukrainiennes et ne laissant plus que celle menant plus à l'ouest vers Tchassiv Iar comme voie de sortie.

"On est presque encerclé", dit un soldat ukrainien à Bakhmout

Près de Tchassiv Iar, assis à l'intérieur de son véhicule de combat BMP-2, le visage marqué par la fatigue, un soldat ukrainien a raconté à l'AFP qu'il venait de passer un mois à Bakhmout et devait faire des réparations sur son blindé. "Bakhmout va tomber. On est presque encerclés. Les unités se retirent progressivement par petits groupes", lâche le militaire qui a voulu conserver l'anonymat. Il souligne que l'unique chemin pour quitter Bakhmout passe sur des pistes en terre, et si des blindés s'embourbent, "ils sont la cible des tirs d'artillerie" russes.

Malgré la menace d'un encerclement et l'importance stratégique limitée de la ville, les Ukrainiens continuent de défendre avec acharnement Bakhmout, où le président Zelensky s'était rendu en décembre et a juré de tenir "aussi longtemps que possible". Alors que certains analystes s'interrogent sur l'intérêt pour les Ukrainiens de s'accrocher à cette ville aujourd'hui dévastée, l'ISW a estimé dans une note que la défense de Bakhmout restait "stratégiquement sensée", car elle "continue d'épuiser les effectifs et les équipements russes".

Wagner estime que l'armée russe ne lui envoie pas assez de munitions

Côté russe, Evguéni Prigojine, le patron de Wagner, a accusé, pour la deuxième fois en moins de deux semaines, l'armée russe de ne pas envoyer suffisamment de munitions à ses mercenaires. Il a évoqué deux raisons possibles pour expliquer ce retard: "la bureaucratie ordinaire ou une trahison". Il a assuré dans un deuxième message "frapper à toutes les portes et tirer la sonnette d'alarme". "L'armée ukrainienne se battra pour (Bakhmout) jusqu'à la fin", a-t-il estimé.

Le mois dernier, Evguéni Prigojine avait multiplié les critiques virulentes à l'adresse du commandement russe. Signe que les tensions persistent, dans une vidéo publiée pendant le week-end, Evguéni Prigojine a semblé mettre en garde l'armée russe en affirmant que "si Wagner se retire maintenant de Bakhmout, c'est le front tout entier qui s'effondrera".

Un ministre russe à Marioupol

Selon le service de presse de l'armée ukrainienne, le commandant des forces terrestres Oleksandre Syrsky s'est rendu dimanche à Bakhmout et y a constaté des combats d'une grande intensité. "L'ennemi a envoyé des forces Wagner supplémentaires dans la bataille. Nos soldats défendent courageusement leurs positions au nord de Bakhmout, essayant d'empêcher l'encerclement de la ville", a-t-il dit, cité par le service de presse sur Telegram.

Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou s'est lui rendu dans la ville martyre de Marioupol, dévastée par un siège destructeur mené par son armée au printemps dernier. Selon l'armée russe, il a inspecté des travaux de reconstruction dans la cité portuaire. Pour cette troisième visite dans la zone du conflit, Sergueï Choïgou a notamment visité un centre médical, un autre de secours et un nouveau quartier résidentiel comprenant 12 immeubles.

Le gouvernement russe a présenté un plan l'été dernier pour reconstruire Marioupol en trois ans, un objectif qui semble ambitieux, compte tenu de l'ampleur des destructions. Dans la nuit de dimanche à lundi, l'armée de l'air ukrainienne a indiqué avoir abattu 13 drones explosifs de fabrication iranienne sur 15 lancés par la Russie. Elle n'a pas fait état de pertes humaines ou de dégâts matériels.

La semaine dernière, la Russie avait relaté plusieurs attaques ukrainiennes aux drones sur son territoire et en Crimée annexée. Elle avait aussi dénoncé une incursion de "saboteurs" ukrainiens dans la région de Briansk, frontalière de l'Ukraine.