Guerre en Ukraine : ce qu'il faut retenir au 253e jour de l'invasion russe
Au 253e jour de la guerre en Ukraine, sept cargos chargés de céréales ont quitté les ports ukrainiens, ce jeudi matin. Au total, 290.102 tonnes de céréales et de produits agricoles transitent actuellement par le couleur humanitaire sécurité en mer Noire.
Sept cargos chargés de céréales ont quitté jeudi matin les ports ukrainiens, après que la Russie eut repris sa participation à l'accord sur les exportations, estimant avoir reçu des garanties de Kiev sur la démilitarisation du couloir humanitaire sécurisé en mer Noire. Les bateaux vont emprunter ce corridor qui a déjà permis d'exporter 9,7 millions de tonnes de céréales et autres produits agricoles depuis l'Ukraine malgré le conflit, grâce à l'accord international signé en juillet sous l'égide de la Turquie et de l'ONU.
Entretemps, les pays du G7 devraient afficher leur soutien durable à l'Ukraine jeudi et renvoyer un message de fermeté face à la Russie lors d'une réunion ministérielle à Münster, en Allemagne. "Cette ministérielle du G7 arrive à un moment important pour nous", a assuré à des journalistes un diplomate américain de haut rang, soulignant que le groupe est "vital pour créer des mécanismes de coordination".
À la mi-journée, "sept cargos transportant un total de 290.102 tonnes de céréales et produits agricoles transitent par le couloir humanitaire en vertu de l'Initiative pour les céréales ukrainiennes en Mer Noire", a confirmé la délégation de l'ONU au Centre de coordination conjointe (JCC) à Istanbul, chargé de superviser l'accord international. Selon le ministère turc de la Défense cité par l'agence officielle Anadolu, 426 bateaux ont déjà suivi ce trajet sécurisé depuis le 1er août.
Les informations à retenir :
- L'Iran est ouvertement accusé par les Occidentaux de vendre des drones et missiles à la Russie
- L'AIEA n'a détecté aucun signe d'activités nucléaires non déclarées en Ukraine
- La Russie ayant repris sa participation à l'accord sur les céréales, sept cargos chargés de céréales ont quitté les ports ukrainiens
Conclusion de l'AIEA : "preuve irréfutable" de l'absence de "bombe sale", déclare Zelensky
La conclusion "évidente" de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) représente des "preuves claires et irréfutables" de l'absence de tous préparatifs d'une "bombe sale" en Ukraine, a déclaré jeudi le président ukrainien Voldymyr Zelensky. "Nous avons donné toute liberté d'action" à la mission d'inspection de l'AIEA et après sa conclusion, "nous avons des preuves claires et irréfutables que personne en Ukraine n'a créé ou n'est en train de fabriquer des +bombes sales+", a-t-il lancé dans son adresse quotidienne.
4,5 millions d'Ukrainiens privés d'électricité selon Zelensky
Près de 4,5 millions de consommateurs en Ukraine étaient plongés dans le noir jeudi soir, à la suite des récentes frappes russes contre des installations énergétiques du pays, a déclaré le président Volodymyr Zelensky. "Rien que ce soir, environ 4,5 millions de consommateurs ont été temporairement déconnectés" à Kiev et dans dix autres régions à travers le pays, a-t-il souligné dans son adresse du soir. Les Russes "ne peuvent pas vaincre l'Ukraine sur le champ de bataille, c'est pourquoi ils essaient de briser notre peuple" en se livrant à la "terreur énergétique", a-t-il accusé.
L'Ukraine ne participera pas au sommet du G20 si Poutine y prend part
L'Ukraine ne participera pas au sommet du G20 prévu mi-novembre en Indonésie si le président russe y prend part, a affirmé jeudi Volodymyr Zelensky lors d'une conférence de presse conjointe à Kiev avec son homologue grecque Katerina Sakellaropoulou. "Ma position personnelle et celle de l'Ukraine est que si le dirigeant de la Fédération de Russie y participe, (alors) l'Ukraine n'y participera pas", a déclaré le président ukrainien.
Vladimir Poutine , invité par le président indonésien Joko Widodo, n'a pas encore indiqué s'il avait décidé se rendre physiquement ou non au sommet prévu à Bali. "Voyons voir, il reste quelques jours", a poursuivi Volodymyr Zelensky face à la presse, alors que le sommet réunissant les dirigeants des 20 pays aux économies les plus développées doit se tenir mi-novembre.
Volodymyr Zelensky a été invité au sommet par l'Indonésie, même si l'Ukraine n'est pas membre du G20, et avait jusqu'alors indiqué qu'il y assisterait, du moins virtuellement. Jakarta a de son côté été soumise à des pressions occidentales pour exclure Vladimir Poutine de l'événement après avoir annoncé en avril qu'il était invité mais a, à ce stade, conservé une attitude de neutralité concernant le conflit en Ukraine.
La semaine dernière, le président américain Joe Biden avait déclaré n'avoir "aucune intention" de conduire lors de ce sommet un entretien bilatéral avec Vladimir Poutine, dont la Russie est devenue un paria sur la scène internationale depuis son invasion de l'Ukraine fin février.
"Aucun signe d'activités nucléaires non déclarées"
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a affirmé jeudi n'avoir décelé à ce stade "aucun signe d'activités nucléaires non déclarées" dans trois lieux inspectés à la demande de Kiev, accusé par Moscou d'avoir effacé les preuves de préparation d'une "bombe sale". "Notre évaluation technique et scientifique des résultats que nous avons jusqu'à maintenant n'a montré aucun signe d'activités nucléaires ou de matériels non déclarés à ces trois endroits", a affirmé le patron de l'AIEA Rafael Grossi, dans un communiqué.
"Nous rendrons compte des résultats de l'échantillonnage environnemental dès que possible", a ajouté M. Grossi, faisant référence aux échantillons prélevés par les inspecteurs de l'AIEA. Les inspections à l'Institut de recherche nucléaire de Kiev, dans une usine d'exploitation minière de Jovti Vody et dans une usine à Dnipro ont fait suite à une demande écrite de l'Ukraine d'envoyer des équipes de l'AIEA . "Ces derniers jours, les inspecteurs ont pu mener à bien les activités prévues par l'AIEA et ont pu, sans entrave, accéder aux sites", a indiqué le communiqué de l'agence onusienne.
La Russie a accusé l'Ukraine de se préparer à utiliser des "bombes sales" contre ses troupes, mais Kiev soupçonne la Russie de vouloir utiliser elle-même une telle bombe et de tenter de lui en faire porter la responsabilité, en vue de justifier ensuite l'emploi d'armes nucléaires par Moscou, dont les troupes perdent du terrain dans l'Est et le Sud de l'Ukraine. Une "bombe sale" est une bombe conventionnelle entourée de matériaux radioactifs, biologiques ou chimiques qui sont répandus lors de l'explosion. Le président russe Vladimir Poutine avait demandé la semaine dernière à l'AIEA d'inspecter les sites nucléaires ukrainiens "aussi vite que possible".
La Suisse interdit à l'Allemagne de transmettre des munitions suisses à l'Ukraine
La Suisse a interdit mercredi à l'Allemagne d'envoyer en Ukraine les munitions de fabrication suisse destinées aux chars de défense antiaérienne que Berlin veut livrer à Kiev, qui dit en avoir cruellement besoin. "Il n'y a toujours pas lieu de répondre favorablement à la demande de l'Allemagne de transmettre du matériel de guerre suisse à l'Ukraine" au nom du droit de la neutralité et de la législation suisse sur le matériel de guerre, explique Guy Parmelin, le ministre de l'Economie dans un courrier à la ministre de la Défense allemande, Christine Lambrecht.
Microsoft va continuer à aider l'Ukraine à hauteur de 100 millions de dollars
Microsoft va fournir à l'Ukraine un soutien technologique additionnel à hauteur de 100 millions de dollars pour 2023 afin d'aider à protéger le pays, a indiqué jeudi le vice-président de Microsoft Brad Smith, lors d'une conférence de presse à Lisbonne. L'Ukraine pourra utiliser les services cloud et d'intelligence artificielle de Microsoft ainsi que ses centres de données à travers l'Europe, a-t-il expliqué, à l'occasion du Web Summit, grand-messe de la tech en Europe, où il était invité à s'exprimer aux côtés du vice-premier ministre ukrainien Mykhaïlo Fedorov.
L'aide totale apportée par le géant américain à l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe atteint ainsi 400 millions de dollars, a-t-il précisé. L'Ukraine a largement recours aux outils technologiques pour soutenir son effort de guerre, garantir la cybersécurité et assurer la continuité de ses services numériques, de l'éducation à la santé.
"Cette guerre a montré en partie la nécessité de déplacer les services vers le cloud en temps de guerre pour assurer leur résilience et leur sécurité", a déclaré Brad Smith.
Sanctions contre l'Iran
L'Iran est ouvertement accusé par les Occidentaux de vendre à la Russie ses drones voire ses missiles, des allégations parfois prouvées, parfois spéculatives, mais qui renvoient à une stratégie conforme en bien des points aux intérêts de Téhéran. Déjà lourdement sanctionnée par la communauté internationale pour son programme nucléaire, violemment critiquée pour la répression de manifestations, la République islamique se défend de soutenir Moscou. Le rapprochement bilatéral semble pour autant concret.
Kiev affirmait la semaine dernière qu'environ 400 drones iraniens avaient déjà été utilisés contre sa population civile et ses infrastructures majeures, ajoutant que Moscou en avait commandé 2.000. Et le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, a demandé à son homologue iranien d'arrêter "immédiatement" de fournir des armes à Moscou.
Les États membres de l'UE ont pour leur part pris mi-octobre des sanctions contre trois Iraniens, ainsi qu'une entité, accusés des mêmes faits. Mardi, la Maison Blanche s'est dite par ailleurs "préoccupée" par d'éventuelles livraisons de missiles sol-sol iraniens à Moscou. "Nous ne l'avons pas vu se confirmer jusqu'ici, mais cela reste une préoccupation", a ajouté John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale.
Certaines accusations sont soutenues par l'opposition iranienne. Le mouvement des Moudjahidines du Peuple (MEK), honni par Téhéran, affirme ainsi que les cargaisons de drones partent chaque semaine d'une base du corps des gardiens de la Révolution, armée idéologique de l'Iran, "par des avions cargos militaires russes".
Ils sont notamment fabriqués, selon un communiqué envoyé à l'AFP, dans des usines de l'Association iranienne de l'aviation et des industries de l'espace (IASIA), que le MEK accuse de "contourner les sanctions et d'importer des technologies interdites". Affirmations non vérifiées par l'AFP. Mais les drones iraniens ont à l'évidence permis à Moscou de retrouver une dynamique militaire qui appartenait depuis fin août aux seuls Ukrainiens.
Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a jugé "inacceptable" la fourniture de drones et celles d'éventuelle missiles par l'Iran à la Russie. "Nous voyons l'Iran proposer des drones et envisageant des livraisons de missiles balistiques à la Russie", a déclaré M. Stoltenberg lors d'une conférence de presse à Istanbul. "C'est inacceptable. Aucun pays ne devrait fournir un soutien à Moscou dans cette guerre illégitime", a-t-il ajouté.
Contreparties militaires
Les analystes occidentaux rappellent l'ancienneté de leur coopération militaire. Depuis 2016, les deux pays "ont discuté d'une modernisation majeure de l'arsenal conventionnel iranien", explique à l'AFP Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Group, institut privé de renseignement et de sécurité américain.
Aucun accord n'a été scellé depuis, sinon quelques batteries anti-aériennes S-300 russes cédées à l'Iran en vertu de leur fonction uniquement défensive. Et vu les immenses besoins russes en armes actuellement, un accord rapide "semble incertain", estime l'expert. En septembre, des médias russes citaient pourtant l'agence de presse iranienne Borna News, selon laquelle Téhéran envisageait l'achat d'avions de chasse Sukhoi-35. Rien de surprenant, au regard du nombre d'accidents déplorés dans une flotte datant d'avant la révolution islamique de 1979.
"L'armée iranienne est dans un état pathétique", résume Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES). Ayant pour partie connu la guerre Iran-Irak, "ce sont des matériels de guerre qui ont en moyenne 50 ans. Tout ce qui est matériel classique est hors d'âge".
L'armée iranienne doit donc se moderniser mais est éreintée par les sanctions. "Le système, c'est de faire du troc", ajoute-t-il: drones contre chasseurs, avec à chaque fois une formation ad hoc.
Messages forts
Au-delà de la possible acquisition de Sukhoi, Téhéran a beaucoup à gagner à déployer ses armes en Ukraine. Après les avoir disséminées via les groupes armés alliés au Moyen-Orient, elle trouve dans le théâtre ukrainien un banc d'essai unique. "C'est une excellente publicité" pour des clients potentiels, constate Eric Brewer, directeur de l'ONG Nuclear Threat Initiative (NTI). "Quel meilleur argument que de démontrer vos capacités dans une vraie guerre ?"
L'Iran saisit de surcroît l'opportunité de la guerre en Ukraine pour "frapper l'Occident dans son arrière-cour". Et rappelle "aux Etats-Unis, à Israël et aux pays du Golfe ce qu'il pourrait faire s'ils venaient à le frapper. Cela renforce la dissuasion de Téhéran de façon visible".
Rapprochement prudent
Enfin, l'Iran entreprend un rapprochement opportuniste avec Moscou au moment où l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien (dit JCPOA) est moribond et écarte pour longtemps une levée des sanctions américaines. "Il n'y a pas de doutes que les industries aériennes de l'Iran et de la Russie vont se rapprocher, un processus que la guerre a accéléré", assure à l'AFP Ivan Klyszcz, chercheur pour l'Institut de politique étrangère de Tallinn, en Estonie.
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"Aucun des deux pays n'a d'espoir d'acquérir de la technologie en Occident - y compris en Turquie - et il y a des limites à ce que la Chine peut offrir", ajoute-t-il. Les officiers à Téhéran défendent ouvertement la robustesse de l'armement russe, confirme Pierre Razoux. Reste le risque pour les Iraniens de trop dépendre de Moscou. "Ils détestent mettre tous leurs œufs dans le même panier", prévient-il. "Ils comprennent que Moscou peut perdre (la guerre) et ne voudront pas être du côté du perdant".
De quoi fragiliser cette prudente convergence des intérêts stratégiques bilatéraux.
Des "progrès" sur les exportations d'engrais
Les négociations pour débloquer les exportations d'engrais russes ont fait "d'importants pas en avant", a déclaré jeudi l'une des principales négociatrices de l'ONU, tout en reconnaissant qu'il restait du chemin à parcourir avant de lever tous les obstacles. C'est le second des deux accords conclus entre la Russie et l'Ukraine en guerre sous l'égide des Nations unies et de la Turquie. Le premier, qui permet d'exporter des céréales ukrainiennes, arrive à expiration le 19 novembre, mais Rebeca Grynspan, haute responsable de l'ONU très impliquée dans les négociations, a dit son "espoir" qu'il sera prolongé.
Moscou se plaint que ses exportations de produits alimentaires et d'engrais, un produit de première nécessité pour l'agriculture mondiale, sont de facto bloquées bien qu'elles ne soient en principe pas concernées par les sanctions imposées par les pays occidentaux depuis l'invasion de l'Ukraine. "Nous travaillons très dur pour mettre cela en œuvre et nous avons des résultats concrets. Nous avons fait d'importants pas en avant mais il reste encore du chemin à faire", a expliqué Mme Grynspan, qui dirige la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), lors d'un point de presse à Genève.
"Nous avons procédé à des clarifications et des discussions avec l'UE, les États-Unis et le Royaume-Uni pour résoudre les problèmes et je crois que nous avons fait des progrès", a-t-elle souligné, tout en tempérant: "Pas autant de progrès que j'aurais aimé en voir mais c'est un problème difficile, un écosystème complexe". "Nous allons essayer d'avancer nettement dans cette direction et je l'espère avant la date butoir" pour l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes ou "Black Sea Grain Initiative".
La Russie refuse pour l'instant de dire si elle acceptera la prolongation de l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes. Une avancée sur le dossier des engrais pourrait sans doute faciliter les choses.
Une "expulsion des citoyens" ukrainiens
L'Ukraine "condamne fermement" les "déplacements" d'habitants des régions de Zaporijjia et surtout de Kherson où la Russie procède à des "déplacements de masse forcés", a affirmé jeudi le ministère ukrainien des Affaires étrangères. "L'administration d'occupation russe a commencé des déplacements de masse forcés d'habitants" de la région de Kherson, plus particulièrement de Skadovsk et Kakhovka, vers la Crimée ou vers la Russie, a affirmé le ministère, dans un communiqué.
"Des déplacements similaires sont aussi menés par la Russie dans les régions de Zaporijjia, Lougansk et Donetsk, ainsi qu'en Crimée", ajoute le ministère. Ces déplacements sont accompagnés "de pillages par les occupants russes d'établissements industriels, culturels, éducatifs et médicaux, ainsi que de maisons et d'appartements privés", affirme le ministère ukrainien. Il affirme que "des informations alarmantes circulent également sur les troupes russes qui minent la centrale hydroélectrique de Kakhovskaya, dont l'explosion pourrait provoquer une catastrophe humaine et humanitaire à grande échelle".
Ces "déplacements forcés" violent "gravement le droit international", dénonce le ministère, citant l'article 49 de la Convention de Genève de 1949. Il appelle la communauté internationale à condamner la Russie, a décidé de nouvelles sanctions et à accroître l'aide militaire pour aider l'Ukraine à reprendre "les territoires occupés" par la Russie.