Fan de Margaret Thatcher, ministère dédié à l'immigration... Qui est Sanae Takaichi, la nouvelle Première ministre du Japon ?
Ce mardi, Sanae Takaichi a été nommée à la tête du gouvernement japonais. Présidente du Parti libéral-démocrate, elle devient la première femme de l'histoire de l’archipel à occuper cette fonction. Ses modèles ? Margaret Thatcher et Shinzō Abe. Sa priorité est de défendre les valeurs traditionnelles du Japon.
Elle est entrée "dans l'Histoire". Sanae Takaichi est devenue ce mardi la première femme nommée à la tête du gouvernement japonais. La nouvelle Première ministre du Japon est devenue au début du mois d'octobre 2025, la présidente du Parti libéral-démocrate (PLD). Inspirée par la "Dame de fer", la nationaliste Sanae Takaichi entend bien se confronter aux enjeux politiques, économiques et internationaux au pays du Soleil-Levant.
Margaret Thatcher, une "héroïne politique"
Alors qu'elle n'était pas destinée à la politique avec un père employé de bureau et une mère fonctionnaire de police, Sanae Takaichi commence à s’y intéresser durant ses études dans les années 1980, moment de tensions commerciales entre les États-Unis et le Japon. Elle effectue un stage d'assistante parlementaire auprès de la sénatrice démocrate du Colorado Patricia Schroeder.
Elle rejoint le parti PLD en 1996. Celle que l’on surnomme "La Talibane" (surnom donné par l'ex-premier ministre japonais Fumio Kishida, ndlr) pour son dogmatisme, gravit les échelons jusqu'à intégrer le gouvernement de Shinzō Abe, son mentor, en 2006 pour occuper plusieurs fonctions. En 2014, elle devient ministre des Affaires intérieures et des Communications. Elle est bouleversée par la fusillade dont est victime Shinzō Abe en juillet 2022 et promet de "travailler dur", l'un des mots forts de sa campagne, afin de ne pas avoir à "s'excuser auprès de lui".
Sanae Takaichi aspire à appliquer une politique intransigeante, qu'elle doit à son "héroïne politique" Margaret Thatcher, ancienne Première ministre britannique. "Mon objectif est de devenir la dame de fer", a-t-elle affirmé lors de sa campagne.
Le déclin démographique du Japon : un défi de taille ?
Si Sanae Takaichi est devenue la première femme à accéder à la tête du gouvernement, elle n'est toutefois pas du genre à tenir des positions féministes. Elle soutient une succession impériale réservée aux hommes et s'oppose notamment à la révision d'une loi datant de 1896 obligeant les couples mariés à porter le même nom de famille et empêchant les femmes de garder leur nom de jeune fille après le mariage.
Une prise de position qui, selon une étude, pourrait amener à ce que tous les Japonais portent le nom "Sato" d'ici 2531. Le Japon est le seul pays au monde à appliquer cette règle.
Malgré tout, la femme de 64 ans avait promis avant son élection un équilibre de genre au sein de son gouvernement, "à la scandinave". Parmi les 22 ministres, le gouvernement ne compte finalement que deux femmes : la ministre des Finances Satsuki Katayama et la ministre chargée de la Sécurité économique du Japon Kimi Onoda.
Originaire de Nara, Sanae Takaichi doit faire face à plusieurs défis de taille dont le déclin démographique du Japon. En 2024, le pays a perdu le nombre record de 900.000 habitants d'origine japonaise, selon le gouvernement. En dix ans, la population totale a reculé d'environ 4 millions de personnes. Autre pourcentage qui inquiète les autorités : les Japonais de 65 ans et plus représentent 29,58% de la population. Aussi, l'archipel a enregistré 686.061 naissances en 2024, soit 41.227 de moins qu'en 2023, toujours d'après le gouvernement.
Pour y remédier, et faire d'une pierre deux coups avec l'inflation, Sanae Takaichi veut soutenir le pouvoir d'achat grâce à une augmentation des dépenses publiques ou en baissant les impôts pour les ménages et les entreprises, notamment la suppression de la taxe sur la consommation alimentaire (actuellement de 10%, ndlr).
Création d'un ministère dédié à l'immigration
La Première ministre nipponne refuse de se servir de l'immigration pour relancer son économie. Elle a d'ailleurs axé sa campagne sur la défense nationale, la sécurité et la question migratoire. Elle tient des positions fermes sur l'immigration et les touristes étrangers, les accusant notamment de générer de la délinquance. En 2023, plus de 700.000 crimes et délits ont été commis au Japon, soit une hausse de 17% par rapport à 2022.
Sanae Takaichi a annoncé la création d'un poste ministériel chargé des étrangers. Le poste a également été confié à Kimi Onoda et plusieurs réformes ont déjà été annoncées. Convertir son permis de conduire étranger sera plus compliqué, seuls les résidents de long terme pourront le demander et l'examen écrit sera composé de cinquante questions, contre dix actuellement.
Les acquisitions de biens immobiliers ou de terres par des étrangers seront soumises à des contrôles renforcés. L'achat de terrains agricoles par des détenteurs de visas proches de l'expiration devrait être interdit.
Pour les visas de longue durée, le gouvernement nippon souhaite les lier davantage avec la régularité fiscale. Un étranger en défaut de cotisations sociales ou d'impôts demandant un renouvellement de son statut pourrait voir sa demande refusée. La part d'étrangers au Japon représente 3,2% de la population, soit près de 4 millions de personnes.
Sanae Takaichi espère limiter l'entrée de personnes qui ont une culture et des origines complètement différentes, tout en maintenant une main-d’œuvre assez conséquente pour les nombreuses entreprises japonaises en sous-effectif, victimes de la dénatalité du pays. Elle se prononce en faveur d'une "société de coexistence ordonnée avec les étrangers".
Un rapprochement avec la Chine et les États-Unis ?
Sur le plan international, Sanae Takaichi a annoncé vouloir des "discussions franches" avec Donald Trump lors de sa visite au Japon lundi. "Je souhaite établir des relations de confiance", porter vers "de nouveaux sommets" la relation entre Tokyo et Washington et qu'elle "reste la pierre angulaire de notre politique étrangère et de sécurité", a assuré la Première ministre du Japon.
Parmi les discussions, les contours encore flous des 550 milliards de dollars d'investissements sur le sol américain, envisagés par le Japon dans le cadre de son accord commercial conclu en juillet avec les États-Unis, permettant d'abaisser les surtaxes douanières imposées à l'archipel.
De son côté, le président américain souhaite que le Japon cesse d'importer de l'énergie russe et augmente ses dépenses de défense. Justement, Sanae Takaichi a fait de la refonte d'une armée nippone l'un des principaux chantiers de son mandat. Une décision jugée nécessaire avec la montée des tensions dans la région, comme les essais balistiques de la Corée du Nord, la position de la Russie et le renforcement militaire de la Chine.
Les relations entre l'Empire du milieu et le Japon ne devraient toutefois pas décliner. Sanae Takaichi a jugé par le passé que son pays devait "faire face à la menace sécuritaire" créée par Pékin, tout en appelant à coopération plus grande en matière de sécurité avec Taïwan. La semaine dernière, elle s'est abstenue de se rendre au sanctuaire Yasukuni, un symbole pour la Chine du passé militariste nippon, où reposent quatorze criminels de guerre.
Le ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a déclaré espérer que le Japon ferait "progresser pleinement les relations stratégiques et mutuellement avantageuses" avec la Chine.