Quel verdict pour Bernadette Dimet, jugée pour avoir tué son mari violent ?

© AFP
  • Copié
avec Rémy Pierre , modifié à
Bernadette Dimet comparaît pour l’assassinat de son mari qui l’a persécutée durant plus de 40 ans. Huit ans de prison ont été requis.

Comme Jacqueline Sauvage, son cauchemar conjugal a duré près de 40 ans. Comme elle, Bernadette Dimet a mis fin au calvaire en tirant sur son mari violent, tué le 12 janvier 2012, dans la clairière du château d'eau de Parmilieu, non loin de sa maison. Dominique Dimet comparaît depuis jeudi devant la cour d’assises de l’Isère, à Grenoble, pour l’assassinat de son mari qui l’a persécutée au quotidien. Huit ans de prison ont été requis à l'encontre de la sexagénaire qui a déjà effectué dix mois de détention provisoire de janvier à novembre 2012. Le verdict est attendu vendredi.

La grâce présidentielle partielle accordée à Jacqueline Sauvage, condamnée initialement à dix ans de prison, est dans toutes les têtes. La défense ne compte toutefois pas plaider la légitime défense comme les avocates de Jacqueline Sauvage, mais demander une peine clémente aux jurés, horrifiés par le récit de Jacqueline Sauvage.

"Il m’attrapait souvent par les cheveux". Un récit de 39 ans de terreur, livré par cette petite femme fluette, les traits tirés derrière de petites lunettes, qui porte aujourd’hui les cheveux courts, car, a-t-elle expliqué, "il m’attrapait souvent par les cheveux". Des humiliations et des violences verbales quotidiennes, parfois des coups, des rapports sexuels imposés. Et ce très lourd secret de famille : le viol de sa sœur Christiane qui se retrouve enceinte de son beau-frère. "Il m'a violée plusieurs fois, après avoir essayé de me séduire (...) J'étais sous son emprise. Il a essayé de m'étrangler plusieurs fois ou de m'écraser avec sa voiture", a témoigné Christiane Dimet, 59 ans, évoquant un calvaire de "plusieurs années."

Partie dans la clairière pour se suicider. Le 12 janvier 2012, c’est dans l’intention de se suicider que Bernadette Dimet se rend dans la clairière de son enfance, à 200 mètres de sa maison. Elle est armée d’un fusil de chasse.

Le matin même, son mari l’avait réveillée en lui sautant dessus. Il avait hurlé, tout en lui tirant les cheveux : "tu fermes ta gueule, tu restes". Quelques jours plus tôt, Bernadette avait quitté son mari, avant que ce dernier l’implore de revenir, en signant "un bon pour accord", dans lequel il promettait "de la laisser tranquille", de "ne pas la tuer". Soumise même dans la rupture, Bernadette a cédé, avant de regretter amèrement.

"Oui, j’ai tiré deux fois". C’est donc avec la détermination de mettre fin à ses jours qu’elle s’est engouffrée dans le sous-bois, suivie de près par son mari goguenard. "J’ai pris le fusil et je suis partie. Il se moquait de moi, me disant que je n’étais bonne à rien, que je ne saurai pas m’en servir. Ensuite, il m’a rattrapé, j’ai vu ses yeux méchants. Je lui ai dit de me laisser tranquille mais il rigolait", se souvient la prévenue dans le grand box de la cour d’assises. Silence. Puis Bernadette reconnaît : elle a alors logé deux balles dans le corps de son mari. "Oui, j’ai tiré deux fois. Il est tombé, je croyais qu’il faisait semblant", rapporte-t-elle. Les analyses post-mortem montreront que l’individu a succombé au projectile reçu près du cœur.

"Incapable de se défendre et de le quitter". Les témoins se succèdent ensuite à la barre pour dresser un portrait analogue du mari. Celui d’un tyran, rustre, violent et sardonique. Un portrait apporté avec force et détails par le comité de soutien de la sexagénaire, composé d’environ 200 personnes, des amis et des voisins. "J’espère vraiment que l’on prendra conscience de toute cette souffrance. Parce qu’on l’a vu son mari était violent manipulateur. Elle était sa chose. Jamais elle n’est jamais parvenue à se libérer de ça. Mais personne ne l’a aidée non plus. C’est pour ça que l’on se sent un peu responsable", confie Chantal Jarjaille, la présidente du comité de soutien de Bernadette Dimet, interrogée par Europe 1.

L’expert psychologue a confirmé à la barre que Bernadette Dimet était "incapable de se défendre et de le quitter". Il décrit une "femme simple, discrète et réservée", "fascinée par Bernard Bert. "Je n'ai jamais osé me plaindre car j'avais trop honte. C'était sans arrêt des violences physiques et des menaces", a confié celle qui n'a jamais voulu se confier à ses cinq sœurs. Quant aux deux fils du couple, ils renvoient leurs parents dos à dos. "Ils ont foutu en l’air notre famille", lâche à la barre l’un d’entre eux d’une voix blanche.

"Pas de préméditation". S’il y a une étrange similitude avec l’affaire Jacqueline Sauvage, l’avocat de Bernadette Dimet ne compte pas plaider la légitime défense différée, mais tentera de démontrer qu'il n'y avait "pas préméditation". "On est dans un homicide volontaire. Ce qui est à la clé de la justice aujourd’hui, c’est la peine, avec la question sous-jacente : jusqu’où les juges peuvent-ils aller ? Cette femme est libre, elle va avoir soixante ans, il ne serait pas juste que la réponse passe par une nouvelle incarcération", estime l’avocat veut simplement "obtenir une peine juste qui tiendrait compte des conditions d'existence" de sa cliente qui encourt la perpétuité.

Elle s'écroule dans le box en écoutant les réquisitions. Mais les réquisitions de l'avocate générale ne semblent pas aller dans ce sens. Huit ans de prison ont été requis à l'encontre de Bernadette Dimet. "Ne pas renvoyer Bernadette Dimet en prison serait dénier à Bernard Bert, sa qualité d'humain", a lancé l'avocate générale, Thérèse Brunisso, dans son réquisitoire. Cette dernière a contesté la version de l'accusée, soulignant qu'elle n'avait pas besoin de se munir de quatre cartouches si elle voulait se suicider et qu'elle avait dû appuyer à deux reprises sur la gâchette avec "une force importante".

"Elle ne tire pas pour lui faire peur. Sinon, elle aurait tiré en l'air ou dans les jambes", a-t-elle accusé. En outre, "il est très improbable que Bernard Bert ait suivi son épouse, avec qui il était en conflit, dans une clairière où il lui était impossible de se protéger, alors qu'il la savait armée d'un fusil chargé", a estimé l'avocate générale. "Il est beaucoup plus probable qu'elle ait proposé à Bernard Bert de le rejoindre", a-t-elle ajouté. A l'issue des réquisitions, l'accusée s'est écroulée en sanglots silencieux, disparaissant derrière le box des accusés.