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Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce mardi, il s'interroge sur le manque de diversité dans les "night session" de Roland-Garros sur Prime vidéo.

Tous les jours, Bruno Donnet observe la fabrique médiatique. Depuis le début du tournoi, il suit très attentivement les retransmissions des matches à Roland-Garros. Ce matin, il se pose une grande question : la télévision est-elle encore misogyne ?

Il s'est suis posé cette question-là hier soir. En regardant sur Prime Vidéo la fameuse « Night session ». Pourquoi ? Pour la troisième fois consécutive, il y a vu une victoire du joueur allemand Alexander Zverev :

Jusqu’ici, en effet, tous les matches de ce joueur ont été diffusé sur la plateforme payante d’Amazon. Et donc, si vous ne disposez pas de cet abonnement, si vous ne suivez le tennis que sur France Télévisions, et bien vous n’avez tout simplement pas pu voir le moindre match de ce joueur. Mais au fait, combien de match féminin Prime Vidéo a retransmis jusqu’ici ?

Et la réponse est simple : un seul !

C’est cocasse, mais Prime Vidéo n’a diffusé qu’un seul match féminin en huit jours de compétition, alors qu’elle promeut ses fameuses « Night sessions », en utilisant l’image et la notoriété d’une joueuse, la française Caroline Garcia.

L’année dernière et l’année d’avant, les choses s’étaient déroulées exactement de la même manière. Car en 2022 et en 2021, déjà, Prime Vidéo n’a diffusé qu’une seule rencontre opposant des femmes !

Qu’est-ce qui explique une telle disparité et qui décide de la programmation des matchs sur Prime Vidéo ?

L’explication c’est l’audience ! Les matches des hommes attirent davantage de téléspectateurs que ceux des femmes. L’année dernière par exemple, la finale « dames » de Roland-Garros, retransmise sur France 2, a attiré deux millions de téléspectateurs, alors que celle des hommes en a réuni plus du double.

Mais la bonne question, c’est "qui décide ?"

La réponse est assez complexe, puisqu’en théorie, l’arbitrage revient à une femme, à la patronne de Roland-Garros !

Elle s’appelle Amélie Mauresmo. Et elle fût une immense joueuse de tennis. Et elle a beaucoup milité pour le développement médiatique du tennis féminin. Mais dans la pratique, c’est bien sûr Amazon qui met la pression et qui insiste pour diffuser les matches des hommes, parce qu’ils durent plus longtemps et qu’ils lui permettent d’en avoir pour son argent.

Bref, les joueuses sont médiatiquement parlant, nettement moins bien traitées que les joueurs.

Toutefois, et pour mieux comprendre, il faut se souvenir d’où l’on vient.

En 2007, le journal de 20 heures cause tennis féminin et se félicite de l’élimination de la joueuse Maria Sharapova : « Car voici ce que nos oreilles n’auront plus désormais à subir». Et oui, il y a tout juste 16 ans lorsque la télévision parlait d’une joueuse de tennis, ça se passait comme ça. On compilait ses cris : « Cette année, un rugissement de Sharapova a même été mesuré à 101 décibels, plus bruyant qu’une tondeuse à gazon ! »

Alors voilà, en 2023, il n’est plus question de vocalises, ni de tondeuses à gazon, mais sur Prime Vidéo on a quasiment coupé le sifflet aux femmes.

Où l’on comprend qu’en matière de parité, les mutations sont souvent plus silencieuses que rapides.