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Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce jeudi, il s'intéresse au piège dont a été victime un journal irlandais qui a publié un article dont l'auteur n'existe pas réellement.

Tous les jours, Bruno Donnet observe la fabrique médiatique. Ce matin, il nous raconte l’histoire d’un journal irlandais qui s’est fait totalement piéger par un article dont l’auteur est un bien curieux personnage.

C'est Eric Albert, qui est le correspondant du journal Le Monde au Royaume-Uni qui vient tout juste de révéler cette affaire édifiante.

L’histoire a commencé il y a tout juste deux semaines, le jeudi 4 mai.

Ce jour-là, une certaine Adriana Acosta-Cortez envoie un mail au service « Opinion » de l’Irish Times qui est l’un des plus grands quotidiens irlandais.

Elle se présente comme une Equatorienne qui vit à Dublin depuis huit ans et elle propose une tribune consacrée aux dangers des crèmes auto-bronzantes que nombre d’irlandaises utilisent.

Quatre jours se passent et l’une des rédactrices en chef du journal lui répond.

Elle lui écrit que son papier est « très original », qu’il fait « réfléchir », mais elle lui suggère tout de même une ou deux modifications.

Adriana Acosta-Cortez modifie donc très légèrement son texte et la rédactrice en cheffe lui dit : « ok, nous sommes d’accord pour le publier ».

Elle lui demande de lui envoyer une photo, ainsi qu’une courte biographie.

Adriana Acosta-Cortez s’exécute, elle envoie la photo d’une jeune femme de 29 ans, aux cheveux teints en bleu et se présente comme « administratrice dans les services de santé, habitant le nord de Dublin et maman d’un chat. »

Jeudi dernier, sa tribune est donc publiée dans les colonnes du journal.

Elle est extrêmement lue, au point que deux stations de radios contactent même l’Irish Times pour obtenir les coordonnées d’Adriana Acosta-Cortez.

C’est à ce moment-là  que l’histoire se gâte.

Le journal transmet alors la demande des radios à Adriana qui répond, quasi instantanément, en donnant le numéro de téléphone d’un clown qui propose ses services aux irlandais en mal de distraction.

Car la jeune Adriana Acosta-Cortez n’existe pas !

Et elle n’a pas, non plus, rédigé le moindre mot du papier qu’elle a envoyé.

La personne qui est derrière cette gigantesque supercherie, et dont on ne sait toujours absolument rien de l’identité réelle, s’est en fait contentée d’utiliser un programme d’Intelligence Artificielle pour créer ce texte de toutes pièces !

Bref, l’Irish Times s’est fait empapaouter dans les grandes largeurs.

Alors le journaliste du Monde, Eric Albert, a pris contact, via Twitter, avec l’auteur de cet énorme canular.

Il ou elle, on ne sait pas, n’a pas accepté de lui parler au téléphone mais a bien voulu lui répondre par écrit.

Il ou elle, explique avoir tout simplement demandé au robot conversationnel Chat GPT, (on comprend mieux la formule « maman d’un chat »), de rédiger « une tribune de mille mots » sur les dérives du bronzage artificiel, afin de duper le journal et de montrer que n’importe qui, pouvait faire publier n’importe quoi.

Opération réussie.

Et dire qu’il eut suffit pour se prémunir de cet énorme gag, autour de l’intelligence artificielle, qu’une intelligence humaine prenne quelques toutes petites minutes pour parler, réellement, concrètement, avec la prétendue Adriana Acosta-Bidule.

Nous vivons, cher Philippe, une époque virtuelle.