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Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce vendredi, il revient sur une grande enquête journalistique qui sème le trouble sur les responsabilités de l’armée française dans l’enlèvement du journaliste Olivier Dubois.

Tous les jours, Bruno Donnet observe les opérations médiatiques. Ce matin, il a choisi de pointer son télescope sur une grande enquête journalistique qui sème le trouble sur les responsabilités de l’armée française dans l’enlèvement du journaliste Olivier Dubois.

Olivier Dubois c’est ce journaliste français, pigiste pour Libération qui a été retenu en otage, au Mali, durant 711 jours.

Il a été libéré le 20 mars dernier, et, ce jour-là, en pleine Assemblée nationale, la ministre des Affaires étrangères, a poussé, publiquement, un grand ouf de soulagement : « Olivier Dubois est de retour. Enfin. Enfin ! »

Catherine Colonna se disait soulagée et devant les caméras, elle assurait que la France avait été extrêmement préoccupée par son cas : « Il était otage d’un groupe jihadiste depuis le 8 avril 2021 et, depuis le 1er jour, sa libération était une priorité de la France. »

Et pourtant, une grande enquête, menée conjointement par nos confrères de Libération, du Monde, de RFI et de TV5 Monde, interroge, justement, sur les responsabilités de la France et plus précisément de son armée, dans l’enlèvement d’Olivier Dubois.

Journaliste à Libération, l’un des auteurs de cette longue enquête, Célian Macé, s’est posé une question : « Que s’est-il passé le 8 avril 2021 à Gao, le jour de l’enlèvement d’Olivier Dubois ? »

Pourquoi l’interview qu’Olivier Dubois avait prévu avec un cadre de l’organisation terroriste Al Qaida, et qui devait théoriquement durer 45 minutes, a-t-elle finalement duré 711 jours ?

D’après les enquêteurs, Olivier Dubois avait planifié cet entretien dans la plus grande discrétion. Il croyait son travail strictement confidentiel, seulement voilà, comme l’affirme Célian Macé, il était en réalité pisté, suivi à la trace et marqué à la culotte par l’armée française : « Les auditions des officiers français révèlent que l’armée française était au courant du projet d’interview à Gao. »

Pourquoi l’armée française suivait-elle Olivier Dubois ?

Tout simplement parce que le fixeur du journaliste, celui qui lui servait de relai et de traducteur, au Mali, travaillait également, et secrètement, pour l’armée française.

Il la tenait au courant de tous les faits et geste du journaliste et il avait renseigné les officiers de la force Barkhane du projet d’interview d’Olivier Dubois.

Que reproche-t-on exactement à l’armée française ?

D’après les auteurs de l’enquête, si l’armée française suivait Olivier Dubois, c’est qu’elle projetait de se servir de lui et de son interview programmée, pour localiser et capturer l’émir d’Al Qaida.

Car comme l’a dit, avant-hier, le responsable « Afrique » de Reporters Sans Frontières, Arnaud Forger, cette méthode-là ne pose pas de problème à l’armée : « il n’est pas considéré comme non-éthique ou comme illégal, le fait d’utiliser un journaliste français comme cheval de Troie pour récupérer des informations sur un théâtre de guerre. »

Olivier Dubois aurait donc été utilisé par une armée, pas très à cheval sur les principes.

C’est un problème qui interroge la déontologie mais ce qui est nettement plus problématique, c’est que d’après les révélations de l’enquête, l’armée française aurait finalement renoncé à ses ambitions de capturer le chef terroriste, jugeant la mission beaucoup trop dangereuse.

Néanmoins, c’est toujours Célian Macé qui l’affirme, les militaires auraient été informés des intentions des djihadistes, d’enlever Olivier Dubois et ils l’auraient donc laissé se jeter dans la gueule du loup, sans jamais le mettre en garde et sans intervenir : « Ils ont suivi, étape par étape, l’organisation de la rencontre quasiment en temps réel, jusqu’au jour du rapt et sans jamais la stopper. »

Alors voilà, l’enquête qui vient tout juste de paraitre a duré un an et demi. Elle a commencé pendant la captivité d’Olivier Dubois mais ses auteurs ont tenu à la garder strictement confidentielle, jusqu’à son retour, pour de ne pas contrarier sa libération.

Elle est aujourd’hui disponible sur quatre grands médias et constitue un gros caillou dans la chaussure de l’armée française qui, pour l’instant, n’a pas souhaité répondre aux questions des journalistes qui lui ont pourtant demandé de nécessaires éclaircissements.