Travaille-t-on vraiment moins de 35 heures à la SNCF ?

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FACT-CHECKING - Nicolas Sarkozy a dénoncé la grève en cours à la SNCF, une entreprise dans laquelle les cheminots "ne travaillent pas 35 heures".

Invité d’Europe 1 jeudi matin, Nicolas Sarkozy a eu des mots durs envers les grévistes opposés à la loi Travail. Mais l’ancien chef d’Etat s’en est pris plus particulièrement aux cheminots, accusés de s’opposer à toute réforme alors qu’ils ne "travaillent pas 35 heures". Cette prise de position est tout sauf une surprise lorsqu’on connaît les relations tumultueuses entre Nicolas Sarkozy et les syndicats de la SNCF, notamment lors de la réforme des retraites en 2010. Mais sur le fond, l’ancien président de la République dit-il vrai ?

Ce qu’a dit Nicolas Sarkozy. "Cette grève est un scandale, les Français ont été durement éprouvés par les inondations, les Français attendent avec impatience l’Euro et voilà que la CGT et un certain nombre de syndicats minoritaires décident de bloquer le pays pour des raisons corporatistes. Car il faut dire la vérité : la réforme conduite par Guillaume Pepy, le président de la SNCF, était une bonne réforme qui avait un objectif assez modéré qui consistait à demander aux conducteurs de train et aux cheminots de travailler 35 heures, parce qu’ils ne travaillent pas 35 heures", a déclaré l'ancien chef d'Etat.

Combien de temps travaille-t-on à la SNCF ? Les derniers chiffres fournis par la SNCF montrent que les employés de la SNCF font effectivement moins de 35 heures de travail par semaine. En effet, la semaine de 35 heures est synonyme de 1.607 heures de travail dans l’année. Or, le personnel roulant de la SNCF - les conducteurs et les contrôleurs notamment – effectue 1.568 heures par an.

Les cheminots travaillent donc moins de 35 heures par semaine en moyenne, mais du côté de la SNCF, on tient à rappeler que cette réduction du temps de travail est liée aux contraintes propres aux cheminots : horaires décalés, travail de nuit, week-ends travaillés ou encore nuits passées loin du domicile. Cet aménagement est même la norme pour les métiers synonyme de contraintes très spécifique. Ainsi, si les policiers effectuent 1.655 heures par an, ceux qui travaillent en régime cyclique, c’est-à-dire avec des journées atypiques, n’effectuent que 1.536 heures de travail par an, selon un rapport de la Cour des comptes de 2010.

Un sujet qui préoccupe la SNCF. Bientôt confrontée à une concurrence privée, la SNCF estime que cette organisation du temps du travail lui coûte cher, tant d’un point de vue pécunier qu’en termes de flexibilité. Guillaume Pepy, le PDG de la SNCF, comptait donc beaucoup sur la révision de la convention d’entreprise et de la convention de branche pour modifier la donne. La SNCF doit "se réinventer", "faire tomber un certain nombre de tabous et, parmi ces tabous, il y a le fait que l'organisation du travail serait figée, qu'on ne pourrait pas réformer la SNCF", déclarait-il le 20 décembre 2015. Et ce dernier d’ajouter : "nous avons à renégocier à la SNCF la façon de faire les 35 heures pour que nos 35 heures soient plus efficaces. Plus efficaces dans l'intérêt des clients, pour avoir des trains plus à l'heure, plus fiables, moins chers. Il n'y a pas d'autre stratégie possible que de faire baisser les coûts".

Une tendance qui ne va pas s’arranger. La SNCF a donc renégocié cet accord d’entreprise jusque fin mai, mais la loi Travail est passée par là : pour éviter de devoir reculer sur ce texte, le gouvernement a poussé la SNCF à lâcher du lest dans ses négociations internes. Résultat, le projet d'accord sur le temps de travail prévoit le maintien des règles internes actuelles (RTT, repos) et améliore celles sur le travail de nuit. Si ce texte est signé par les syndicats, il faudra alors cumuler 300 heures – contre 330 auparavant – pour bénéficier du statut de "travailleur de nuit" et des compensations que cela implique, notamment en termes des jours de repos compensateurs. Les cheminots entrant dans ce régime risquent donc d’être plus nombreux et donc d’effectuer moins d’heures de travail dans l’année, ce qui n’était pas vraiment l’objectif de la compagnie ferroviaire.