Esther Duflo, en 2019, et Jean Tirole, en 2014, ont permis à la France de s'adjuger deux Prix Nobel d'Économie ces dernières années. 1:25
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Lundi, l'Académie royale des sciences de Suède remet à un ou plusieurs chercheurs le prix Nobel d'Économie. Lors de la dernière décennie, la France en a glané deux grâce à Jean Tirole, en 2014, puis Esther Duflo, en 2019. Deux récompenses qui ont couronné leur carrière et ont forcément changé leur vie.

C'est une coïncidence mathématique qui sied à la discipline : la France a remporté quatre prix Nobel d'Économie et à chaque fois, ils sont venus par deux, à cinq ans d'intervalle. Il y avait eu Gérard Debreu en 1983 et Maurice Allais en 1988 puis il fallu attendre un quart de siècle avant une nouvelle paire : Jean Tirole en 2014 et Esther Duflo en 2019. Lundi, on saura si un Français est capable de briser cette "loi" statistique lors de l'annonce du nouveau lauréat par l'Académie royale des sciences de Suède. L'occasion de se pencher sur ce que sont devenus Jean Tirole et Esther Duflo et de voir ce que le prix Nobel a changé pour eux.

Esther Duflo : un livre, des critiques et un retour en France

Commençons par la plus récente des deux : Esther Duflo. Plus jeune lauréate du Prix Nobel d'Économie, qu'elle a reçu à 46 ans, la franco-américaine ne s'est pas reposée depuis un an. Elle a continué d’enseigner au prestigieux MIT, avec son mari Abhijit Banerjee, également récompensé par l'Académie. Ce qui a changé pour elle ? "Tout le monde veut avoir notre avis sur ce qui va se passer avec la crise du Covid", expliquait-elle au Journal du Dimanche en mai. En parallèle, Esther Duflo, spécialiste des questions de développement et de pauvreté, a publié un nouveau livre, le premier depuis huit ans : Économie utile pour des temps difficiles, toujours avec Abhijit Banerjee.

Esther Duflo a également pris une année sabbatique au MIT pour venir enseigner en France avec son mari, une première. Elle a accepté un poste de professeure invitée à l’École normale supérieure, au sein du pôle universitaire PSL-Paris Sciences et Lettres. Elle mènera de front travaux de recherche et cours aux étudiants. "La présence d’Esther Duflo et d’Abhijit Banerjee au sein de notre communauté d’enseignement et de recherche, est une chance formidable pour notre institution, les étudiants et les chercheurs", s'est réjoui Jean-Olivier Hairault, directeur de la Paris School of Economics, à laquelle la prix Nobel sera rattachée.

Plutôt avare de sorties médiatiques, Esther Duflo avait néanmoins taclé Emmanuel Macron dans le Journal du Dimanche. "Selon moi, l'ISF n'aurait pas dû être supprimée. S'il y a une possibilité de le rétablie, faisons-le", a-t-elle affirmé. "C'est un outil qui ne me paraît ni révolutionnaire ni radical. Même si je reconnais que ça ne résoudrait pas tous les problèmes du monde […] ça réduirait les inégalités." Dernièrement, elle a plaidé, dans une tribune publiée dans Le Monde, pour un reconfinement préventif avant Noël, afin de sauver la période des fêtes

Jean Tirole : fidélité à Toulouse et travail pour Emmanuel Macron

Jean Tirole a un peu plus de recul sur son Prix Nobel, reçu en 2014. À l’époque, il avait déclaré vouloir ne pas trop changer. En dehors de quelques cours dispensés à l'étranger, notamment au MIT, il est donc resté en France, à la Toulouse School of Economics, dont il est le président d’honneur, et où il continue d’enseigner. "Il est très attentif aux jeunes et aux étudiants", loue Stéphane Gregoir, doyen de la "TSE". "Il est toujours présent pour les cours au niveau doctoral, pour  des choses assez pointues. Mais il a accepté de donner des cours en licence et en master, ouverts à tous les étudiants, pour présenter les grandes questions économiques."

Publiquement, Jean Tirole commente régulièrement la politique économique du gouvernement et partage ses vues sur la situation du monde. "Il faut moins de court-termisme, envisager l'avenir plutôt que de consommer. On le voit sur le climat par exemple. Il faut changer les mentalités", affirmait-il sur Europe 1 au début de la crise du coronavirus. Le prix Nobel, qui voit d'un bon œil l'action d'Emmanuel Macron, pilote depuis mai un groupe de 26 économistes installé par le chef de l'État pour réfléchir à trois "grands défis" : le climat, les inégalités et la démographie. Cette commission rendra un rapport au gouvernement en décembre dans le but de présenter des mesures concrètes.