Philippe Aghion 5:15
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Romain David , modifié à
Invité d'Europe Matin lundi, l'économiste Philippe Aghion, professeur au Collège de France, ne croit pas que la crise du Covid-19 oblige nécessairement à repenser nos modèles économiques sous l'angle du protectionnisme. Il estime toutefois qu'elle invite à investir massivement pour une innovation verte.
INTERVIEW

Les prévisions économiques pour 2021, dans la foulée de la crise sanitaire déclenchée par le Covid-19, sont particulièrement sombres. De 33.000 faillites d'entreprises en 2020, la France pourrait en connaître plus de 50.000 en 2021, et plus de 60.000 en 2022. Le chômage devrait quant à lui se situer à 11% au cours du premier semestre de l'année prochaine. La crise a-t-elle définitivement mis à bas notre modèle économique et tué la mondialisation ? L'économiste Philippe Aghion, professeur au Collège de France, et invité lundi d'Europe matin, veut se montrer optimiste. À ses yeux, la crise du coronavirus n'a pas détruit notre modèle, mais elle invite à en repenser les priorités.

"Ça ne va pas être la fin de la mondialisation. Je crois que nous aurons toujours des échanges commerciaux. Nous aurons toujours une division internationale du travail", explique Philippe Aghion. Mais le Covid-19 a été le révélateur de problèmes profonds des économies occidentales. "Il y a eu une prise de conscience que la France a trop désindustrialisé depuis le début des années 2000. On s'est rendu compte de cela avec des produits comme les respirateurs, certains principes actifs ou les masques. Et l'on s'est rendu compte que ce n'était pas seulement vrai dans ces secteurs-là mais aussi dans d'autres, comme la fabrication de médicaments où nous étions leaders mondiaux, et dans lesquels nous avons perdu un peu de notre leadership", constate notre économiste.

"À part le nucléaire et l'aéronautique, dans la plupart des secteurs, la France a perdu son leadership, et en particulier parce qu'elle n'a pas assez investi dans l'innovation." 

Concentrer les investissement vers "l'innovation verte"

"L'idée n'est pas de fermer des usines qu'on a délocalisées en Chine et de les rapatrier, poursuit Philippe Aghion. Il s'agit plutôt, dans des domaines clés, comme le digital, la biologie ou l'énergie, de reprendre ou de prendre le contrôle des chaînes de valeur, davantage à travers une politique de création d'entreprises et d'innovation", détaille-t-il.

Mais comment sauver notre modèle de croissance et des emplois à court terme, tout en gérant, sur le long terme, la crise climatique et environnementale ? "La réponse est l'innovation verte, c'est-à-dire qu'il faut continuer d'avoir des firmes innovantes, mais il faut que l'innovation aille vers les technologies propres", soutient Philippe Aghion. "L'idée n'est pas de produire plus, c'est d'améliorer notre qualité de vie." À ses yeux, l'Etat et la société civile devront conjointement aiguillonner le développement économique en ce sens dans les années à venir. "Les consommateurs pousseront les entreprises à produire vert", prédit notamment Philippe Aghion.