ÉDITO - SNCF, syndicats… Qui paie les grévistes ?

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Nicolas Beytout
Dans son édito sur Europe 1, le directeur de la rédaction du journal "L'Opinion" Nicolas Beytout réclame de savoir comment sont financées les cagnottes des syndicats à destination des grévistes. Il craint que ça soit l'État qui paye les personnels mobilisés contre la réforme des retraites.
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Pour la troisième fois en moins de 15 jours, il y aura du monde dans les manifestations, mardi, pour une journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites. Dans son édito, Nicolas Beytout se penche sur la rémunération des grévistes depuis deux semaines. Chez les syndicats, les cagnottes permettent de compenser les pertes liées aux grèves pour les grévistes, mais le directeur de la rédaction de L'Opinion demande la "transparence" sur ces dispositifs, pour savoir si l'État ne finance pas indirectement les grévistes.

"Pour les grévistes, la règle, c’est : pas de travail, pas de salaire. Mais c’est vrai que, pendant des décennies, cette règle a été battue en brèche, en particulier dans les entreprises publiques. Cela faisait partie des protocoles classiques de sortie de crise, et l'État lâchait chaque fois que derrière la crise sociale se jouait une crise politique.

L'État a donc longtemps payé les grévistes. Ce n’est plus le cas. Par exemple, à la SNCF, c’est Louis Gallois qui a supprimé cette pratique que son successeur, Guillaume Pepy, a même durcie puisqu'il a supprimé l’étalement des retenues de salaires. Ça se faisait jusque-là : pour ne pas trop impacter les fins de mois des grévistes, la direction acceptait, en sortie de crise, de lisser sur plusieurs mois les pertes de pouvoir d’achat. Mais ça, me dit-on, c’est terminé : 'La maison ne fait plus crédit', disait drôlement Guillaume Pépy à ses troupes. De même que les jours de grève ne peuvent plus être transformés en RTT. Et que l’entreprise ne règle plus non plus les cotisations-retraite de tous ces grévistes."

Sauf qu’il semble que les agents SNCF aient touché un treizième mois, fin novembre ?

"Oui, enfin, pas tout à fait. Leur statut prévoit qu’ils touchent une PFA (une prime de fin d’année), qui correspond grosso modo à un mois de salaire. Jusque-là, rien à redire. Le problème, c’est que cette prime est versée aux alentours du 15 décembre. En ce moment, en pleine grève ! Bonjour le signal. Les grévistes qui plantent les transports depuis près de 15 jours reçoivent ces jours-ci une prime. Et sans la moindre retenue. C’est assez irréel."

Et les syndicats : ils puisent dans une cagnotte de grève ?

"Oui, ces cagnottes existent, comme il en existe d’autres qui ont été lancées par les piquets de grève ou sur Internet. C’est la CFDT qui a la plus ventrue (on dit qu’elle dépasse les 120 millions, ce qui est considérable). La CGT est beaucoup moins riche (elle appelle plus souvent à la grève, et elle défraye donc davantage ses adhérents). En théorie, il y a une charte qui règle la distribution de la cagnotte aux grévistes. C’est assez cadré à la CFDT, et très flou à la CGT. Et justement, on aimerait bien savoir précisément d’où vient tout cet argent."

Ce ne sont pas les cotisations des adhérents ?

"C’est ce qu’assure la CFDT, par exemple. Admettons. Sauf que normalement, ces cotisations qui alimentent la cagnotte des grévistes, elles devraient servir aux dépenses de fonctionnement du syndicat. Dès lors, qui paye ce que les adhérents ne payent pas ? L’Etat, qui a versé 85 millions d’euros aux syndicats l’an dernier. L’Etat, c’est-à-dire nous. On a exigé, à juste titre, une transparence absolue de Jean-Paul Delevoye sur ses rémunérations. J’aimerais beaucoup qu’on ait la même exigence à l’égard des syndicats. Pour être certain que ce n’est pas l’État, que ce n’est pas nous qui payons les grévistes qui nous empêchent de circuler."