Chômage : à quand un "effet Macron" ?

Emmanuel Macron doit encore s'attaquer frontalement au chômage.
Emmanuel Macron doit encore s'attaquer frontalement au chômage. © LUDOVIC MARIN / AFP
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En 2017, la baisse du nombre de demandeurs d’emploi a été moins forte que l’année précédente. Sur le front du chômage, l’action d’Emmanuel Macron se fait encore attendre.

3.451.400. C’est le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité inscrits sur les listes de Pôle emploi fin décembre. Soit à peine moins qu’un an plus tôt. Si l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron attise la curiosité des investisseurs du monde entier et redonne confiance aux entreprises tricolores, elle n'a logiquement pas encore eu d'effet sur le chômage. Un défi auquel le président s'atèle petite touche par petite touche.

Pâle année 2017. En attendant le taux de chômage au 4ème trimestre qui sera publié par l’Insee mi-février, plus fiable, il faut se contenter des données de Pôle emploi. Selon le dernier relevé publié mercredi, il y avait donc 3,45 millions de demandeurs d'emploi sans aucune activité, un chiffre en baisse de 0,45% sur un an. Mais, en réalité, tous ces chômeurs sans aucune activité sont restés dans le giron de Pôle emploi en enchaînant les contrats courts : l'an dernier, le nombre d'inscrits dans les catégories A, B et C réunies a augmenté de 148.500 personnes. La courbe s'est inversée, mais la pente est encore très faible.

Une réforme qui facilite les licenciements. Il faut dire que si Emmanuel Macron et son gouvernement ont lancé de nombreux chantiers de réforme au cours des sept premiers mois du quinquennat, ils ne concernaient pas vraiment la lutte contre le chômage. Seules les ordonnances Pénicaud visant à réformer le code du travail ont visé le marché de l’emploi. Mais les principales mesures ont surtout pour effet d’apporter de la souplesse aux entreprises, notamment en matière de licenciements.

Parmi les points qui favorisent les licenciements, on peut noter le plafonnement des indemnités prud’homales, le fait qu’un employeur ne pourra plus être condamné sur la forme si les prud'hommes lui donnent raison sur le fond ou encore la création d’un dispositif de rupture conventionnelle collective qui rend possible la définition d’un cadre commun de départs volontaires. A terme, ces mesures doivent flexibiliser le marché du travail dans son ensemble et faciliter les embauches.

"Il ne faut pas attendre des ordonnances la solution du chômage massif en France", prévenait sur Europe 1 Gilbert Cette, professeur à l’Université d’Aix, lors de la ratification des textes. "Cette réforme est seulement un des éléments de la solution, parmi beaucoup d’autres : réforme sur le marché des biens, sur le marché du travail de la formation professionnelle, de la fiscalité, qui est très dissuasive à l’investissement et surtout à l’investissement innovant", précisait-il.

Pas d’avancée significative avant 2019 ? Faute de réforme qui s’attaque frontalement au chômage, difficile pour donc pour l’exécutif de peser en si peu de temps. François Hollande en sait quelque chose, lui a désespérément attendu son "inversion de la courbe", arrivée en toute fin de son mandat. Emmanuel Macron l’a d’ailleurs reconnu lui-même fin décembre dans les colonnes du quotidien espagnol El Mundo, en disant attendre "des résultats significatifs au bout de 18 à 24 mois" sur le front du chômage. Un temps nécessaire à l’infusion des nouvelles règles du code du travail dans les entreprises.

D’ici là, 2018 s’annonce déjà comme une année de transition. "Il y a de grandes chances pour que le chômage baisse moins vite en 2018", prévient Éric Heyer, économiste à l’OFCE. "La fin de la prime à l'embauche, la réduction des contrats aidés et la baisse du niveau du CICE devraient détruire 120.000 emplois, selon nos estimations, soit à peu près au même niveau que l'augmentation de la population active." Résultat, il faut attendre environ 200.000 emplois créés cette année, contre 250.000 en 2017.

Des réformes clés en préparation. Mais 2018 verra aussi naître, si tout se passe comme le prévoit le gouvernement, un paquet de réformes avec un réel impact sur le marché du travail. En effet, les consultations lancées avec les partenaires sociaux en fin d’année dernière sur l’assurance-chômage, la formation professionnelle et l’apprentissage doivent aboutir au printemps à un projet de loi, seconde étape de la refonte du modèle social français imaginée par Emmanuel Macron. Objectif : apporter des protections supplémentaires aux salariés pour contrebalancer les ordonnances Pénicaud.

Les conséquences seront très concrètes pour les Français : meilleure orientation des jeunes apprentis dès le lycée, accès simplifié à la formation en cours de carrière, extension de l’assurance-chômage aux indépendants et aux démissionnaires… Autant de mesures qui doivent contribuer à adapter les compétences des travailleurs aux évolutions du marché de l’emploi. A condition que le chef de l’État tienne ses promesses de campagne, ce qui est loin d’être acquis au vu des premières négociations, qui font état de concessions, notamment sur l’assurance-chômage. Quoi qu’il en soit, les effets de ces réformes ne se feront pas sentir immédiatement, plutôt l’an prochain. L’Insee prévoit d’ailleurs un taux de chômage à 9,4% mi-2018, stable par rapport aux derniers mois.