Sur les quatre datacenters strasbourgeois d'OVH, un a été entièrement détruit par l'incendie du 10 mars. 2:35
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Le 10 mars, un important incendie ravageait les datacenters strasbourgeois d'OVH, leader français de l'hébergement de sites Internet. Depuis, une centaine de techniciens travaillent jour et nuit pour sauver ce qui peut l'être et redémarrer les serveurs. Mais des entreprises ont perdu des données capitales et l'image d'OVH risque d'en pâtir. 

OVH à la relance. Douze jours après l’incendie qui a ravagé ses datacenters de Strasbourg, le leader français du cloud et de l’hébergement de sites web redémarre une grande partie de ses services lundi. Cet incident rarissime s'était déclenché dans la nuit du mardi au mercredi 10 mars dans un des quatre bâtiments du site alsacien, l'un des des plus importants d'OVH en France. Le sinistre, maîtrisé après plusieurs heures de lutte par une centaine de pompiers, avait affecté plus de 3,6 millions de sites Internet. Depuis, OVH a travaillé d'arrache-pied pour sauver ce qui pouvait l'être et repartir de l'avant.

Des serveurs rallumés au pas de charge...

Une fois les flammes éteintes et l'impressionnante colonne de fumée envolée, les techniciens de l'entreprise ont investi le site pour évaluer les dégâts. Sur les quatre datacenters de Strasbourg, un a été entièrement détruit dans l'incendie (SBG2). Un autre (SBG1) a subi des pertes avec quatre de ses douze salles détruites. Enfin, les deux derniers bâtiments (SBG3 et SBG4), eux, sont miraculeusement intacts.

L'incendie s'est déclenché dans la nuit du mardi au mercredi 10 mars sur le site d'OVH à Strasbourg.

© AFP PHOTO / SAPEURS-POMPIERS DU BAS-RHIN

Après avoir déblayé les ruines des serveurs détruits, les quelque 130 techniciens d'OVH dépêchés sur place ont démarré les opérations pour remettre les datacenters sauvés sur pied. Première étape : rebrancher l’électricité et raccorder la fibre optique. Les raccordements ont eu lieu, avec l'accord des assureurs, la semaine suivant l'incendie. Deuxième étape : rallumer les serveurs. C'est un travail de fourmi. Il faut inspecter chaque serveur pour savoir s’il est en état. Le moindre dépôt de suie peut retarder le redémarrage de plusieurs jours. Une tâche colossale quand on sait qu'il y avait 29.000 serveurs à Strasbourg avant l'incendie.

... mais éteints après de nouvelles fumées suspectes

Tout semblait en bonne voie, les serveurs de SBG1, SBG3 et SBG4 venait d'être redémarrés, quand un nouvel incident a mis un coup d'arrêt aux opérations. Vendredi soir, un dégagement de fumée a été signalé dans un local de batteries non raccordées du bâtiment SBG1. Appliquant le principe de précaution, OVH a immédiatement coupé l'alimentation électrique du datacenter, ainsi que celle de SBG4, le bâtiment mitoyen. Toutes les activités sur site ont été interrompues quelques heures.

"il n’y a pas eu d’incendie, mais beaucoup de fumée", a assuré sur Twitter le PDG d'OVH Octave Klaba. Deux employés présents dans la salle ont cependant été "incommodées" et ont été pris en charge par les secours. Une alerte qui a conduit OVH a prendre une décision radicale : le bâtiment 1 ne sera plus jamais utilisé. Les serveurs intacts seront déménagés à Roubaix et Gravelines et dans les autres datacenters strasbourgeois épargnés par les flammes. 

Des données définitivement perdues ?

Tout ce qui a pu être sauvé va donc redémarrer progressivement dans la semaine. Et c’est là qu'OVH va mesurer précisément l’étendue des dégâts. Une chose est sûre : toutes les données des serveurs brûlés sont perdues. Pour certains clients, les entreprises qui n’avaient pas de sauvegarde de leurs données dans un autre datacenter, le risque existe de tout perdre. Et puis, il y a aussi celles qui avaient des sauvegardes mais dont le site n’a toujours pas été rétabli. OVH déménage virtuellement ses clients sur ses centres de Roubaix et Paris mais plusieurs sites d’entreprises, de médias locaux ou d’associations, par exemple la Ligue nationale contre l’obésité, sont encore inaccessibles. 

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© PATRICK HERTZOG / AFP

"Il n'y a rien qui fonctionne. On perd des dizaines de milliers d'euros. Notre site propre compte pour 35% de notre chiffre d'affaires", soupire David Monteiro, directeur général d’Homifab, une entreprise de vente de meubles en ligne. Il regrette le manque de réactivité d'OVH : "On est dans le flou le plus total, on n'a aucune information sur l'état de notre back-office. Nous n'avons reçu aucune réponse personnalisée, uniquement les communications globales envoyées à tous les clients".

Surtout, le chef d'entreprise s'interroge sur la gestion de ses données. "Nous avons souscrit une offre avec trois sauvegardes automatiques de notre site dans trois endroits différents. Malgré cela, nous n'avons toujours pas accès à nos sauvegardes. OVH est incapable de nous dire où elles sont, ce qui nous laisse penser que toutes nos sauvegardes étaient en réalité sur le site de Strasbourg", explique David Monteiro. "On se sent floué, le service n'est pas assuré. Mais le vrai problème; c'est que tout notre business peut s'effondrer du jour au lendemain", s'inquiète-t-il.

Une image de marque à reconstruire

La survie de la pépite française n’est pas en jeu mais cet événement est un sévère coup d’arrêt pour les ambitions du groupe qui espérait entrer en bourse prochainement. Au-delà de ses serveurs détruits, c'est aussi une image de marque qu'il va falloir reconstruire pour OVH. "On les avait choisis parce qu'ils avaient une bonne réputation et aussi parce que c'est une entreprise française. Maintenant, c'est clair qu'on ne va plus faire confiance à 100% à OVH. On va se prémunir de ce genre d'incident avec des sauvegardes sur d'autres serveurs que les leurs", affirme le directeur général d'Homifab. 

Pour rassurer les clients en colère, Octave Klaba, le fondateur d'OVH, ne ménage pas ses efforts. Les yeux marqués par les cernes qui trahissent le manque de sommeil, il s’est exprimé à deux reprises dans de longues vidéos publiées sur Twitter, son canal de communication quotidien depuis le début de la crise. Des prises de parole détaillées pour faire le point sur la situation de chaque datacenter endommagé. "On joue la transparence totale", fait-on savoir chez OVH. Octave Klaba a également précisé que les clients affectés allaient bénéficier de gestes commerciaux.

Le patron d'OVH a par ailleurs annoncé l'ouverture d'une nouvelle ligne de production dans l'usine de Croix, près de Roubaix, pour remplacer les serveurs brûlés. "On a sécurisé l'approvisionnement de pièces pour fabriquer 10.000 serveurs qui vont être produits dans les 2-3 prochaines semaines et on travaille sur la sécurisation de 5.000 serveurs supplémentaires. L'objectif est de produire 15.000 serveurs en mars et sur les premiers jours d'avril", a-t-il détaillé.

L'enquête sur l'incendie avance

En parallèle, OVH enquête pour déterminer ce qui a déclenché l'incendie du 10 mars. Les images des 300 caméras de surveillance du site de Strasbourg sont actuellement passées au peigne fin et l'entreprise s’est engagée à faire toute la transparence sur les résultats des investigations. La piste actuellement privilégiée est celle d’un onduleur, un amplificateur de courant électrique, qui aurait pris feu. Or, cet équipement avait fait l'objet d'une opération de maintenance la veille du sinistre. Une négligence humaine n'est donc pas à exclure.

Par ailleurs, le bâtiment 2, entièrement ravagé par les flammes, avait été construit en 2011 avec des planchers en bois. Pas idéal en cas de départ de feu. Enfin, bien que le système anti-incendie se soit déclenché en quelques secondes, il n'a pas permis de stopper l'incendie naissant, ni même de le contenir puisqu'il s'est propagé au bâtiment 1. En réponse aux critiques, Octave Klaba a d'ores et déjà indiqué qu'OVH allait relever ses standards en matière de sécurité.