Que sait-on vraiment des deux Français derrière les casques de "Daft Punk" ?

En 1995, les deux membres du groupe ont donné l'une de leurs rares interviews à visage découvert.
En 1995, les deux membres du groupe ont donné l'une de leurs rares interviews à visage découvert. © Capture d'écran Youtube
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Margaux Lannuzel, avec AFP , modifié à
Après avoir connu un succès planétaire, le mystérieux duo de musique électronique Daft Punk a annoncé sa séparation, lundi, au terme de plus de 25 ans de carrière. Mais que sait-on vraiment de Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, les deux Français casqués qui ont fait de chacune de leurs (rares) apparitions un événement ? Europe 1 fait le point. 

"J'ai enregistré les morceaux dans notre studio, je les ai fait graver à Londres, dans de bons studios de gravure. J'ai fait imprimer des pochettes et je les vends à des distributeurs en France, qui les dispatchent à des distributeurs à l'étranger." Le fastidieux procédé est décrit en 1995 par Thomas Bangalter dans une interview télévisée, au côté de son compère Guy-Manuel de Homem-Christo. Face caméra, les deux hommes au visage juvénile ont tout juste la vingtaine. Depuis deux ans, ils forment un duo de musique électronique baptisé Daft Punk, rafraîchissant mais pas encore légendaire. Un duo qui a tiré sa révérence, lundi.

Un anonymat devenu running-gag dans un film

Plus de 25 ans plus tard, ces images font figure d'archives rarissimes. Car le groupe, qui a annoncé sa séparation via une vidéo Youtube intitulée "Épilogue", ne s'est plus - ou presque - montré à visage découvert, faisant de la rareté et du mystère un argument marketing. Lors de leurs premiers concerts, les deux amis de lycée ont parfois porté sur la tête des masques de Halloween, ou des sacs en plastique. Et puis très vite, ils sont devenus les fameux "Robots" désormais célèbres à travers le monde, avec des casques rutilants, fabriqués en Californie.

Pour le public, il est donc difficile, voire impossible, de savoir à quoi ressemblent les deux hommes, aujourd'hui âgés de 46 et 47 ans - même si Thomas Bangalter a fait une très brève apparition en tant que figurant dans le film Réalité, de Quentin Dupieux, en 2015, comme le relèvent Les Inrocks. Leur anonymat avait d'ailleurs été érigé au rang de running-gag dans le film Eden, de Mia-Hansen Love, sorti en 2014. Dans le long-métrage, deux jeunes hommes, dont les disques sont diffusés partout, ne peuvent rentrer dans les soirées parisiennes où ils sont invités, car les physionomistes à l'entrée ne connaissent pas leurs traits.

Derrière le nom du groupe, une critique assassine

Alors, que sait-on vraiment des Daft Punk ? D'après Paris Match, ses deux membres, nés en région parisienne, ont connu une enfance plutôt bourgeoise. Le père de Thomas Bangalter, producteur, est à l'origine des paroles de grands tubes de La Compagnie créole, comme C'est bon pour le moral. Fils de dirigeants d'une agence de publicité, Guy-Manuel de Homem-Christo descend, lui, d'une famille aristocrate du Portugal. 

Au lycée, les deux garçons se rêvent au départ en groupe de rock, sous le nom de Darlin', en compagnie du futur guitariste du groupe Phoenix. Mais la critique assassine d'un magazine anglais qualifiant leur première chanson de "punk idiot" met fin à ce rêve… Et inspire aussi le nom de leur nouveau projet électronique, "Daft Punk", au début des années 1990. Les succès s'enchaînent alors : premiers pas dans un label écossais pointu (Soma), signature chez la major Virgin, premier album "Homework" (1997) dopé aux tubes (dont Around the World et son clip signé Michel Gondry) puis un deuxième ("Discovery", en 2001) qui impose le groupe aux Etats-Unis. 

"Bizarrement, l'invention des robots, c'est ce qui leur a permis de rester humains, de rester complètement libres. C'est à ce prix-là qu'ils on acheté leur liberté, en envoyant les robots faire le sale boulot pour eux", analysait en 2015 le rédacteur en chef des Inrocks, Jean-Daniel Beauvallet, dans le documentaire Daft Punk Unchained, diffusé sur Canal+.   

Installés entre Paris et Los Angeles

Héraults de la "French touch", les Daft Punk se sont pourtant rapidement projetés loin des frontières de l'Hexagone. Depuis 2001, ils vivent la moitié de l'année à Los Angeles - bien que leurs enfants, deux chacun, soient scolarisés en France. Et si Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo portaient des costumes Yves Saint-Laurent en concert, ils ont toujours "fait chanter" en anglais et ont refusé plusieurs distinctions nationales. L'accession au rang de chevaliers de l'Ordre des Arts et lettres, en 2005, ou encore une nomination aux Victoires de la musique, dix ans plus tard, après un carton aux Grammy Awards américains

Dans une rare interview, toujours dans Paris Match, Thomas Bangalter s'agaçait alors qu'on lui reproche un marketing oubliant un peu la France: "Je n'accepte pas que vous sous-entendiez que (…) nous faisons de la musique pour vendre des disques. C'est vraiment un esprit français de penser ainsi. (…) Nous n'avons pas surfé sur la vague. En France, il y a toujours un tel cynisme…"

Au cours de leur carrière, les deux amis ont toutefois gardé quelques liens avec leur pays d'origine. Ces dernières années, ils ont collaboré avec le groupe australien Parcels ou le chanteur canadien The Weeknd, mais aussi la Française Charlotte Gainsbourg, pour un titre intitulé Rest. Récemment, un incroyable hasard a rappelé les racines du duo, quand un set inédit de ses premières années, enregistré sur deux banales cassettes audio oubliées au fond d'une boîte à chaussures, près d'Avignon, a été retrouvé 25 ans après. Et en 2015, c'est un sculpteur français, Xavier Veilhan, qui était parvenu à convaincre les Daft Punk de poser pour lui, le visage dissimulé derrière de simples lunettes de soleil. Sans casque.