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Alors que la quatrième saison est diffusée à partir de jeudi sur OCS, la série "The Handmaid's Tale" est devenue, depuis 2017, l'une des fictions les plus politiques du petit écran. Au point que certains mouvements féministes en ont repris les codes, réutilisant notamment les costumes rouges et blancs des personnages.

En 2017, l'arrivée sur petit écran d'une nouvelle série faisait l'effet d'une bombe. Esthétique soignée et scénario dystopique glaçant, The Handmaid's Tale (La Servante Écarlate en VF) imagine le remplacement des Etats-Unis par une dictature après un coup d'État militaire mené par des chrétiens extrémistes. Dans cette République de Gilead, les femmes sont des Épouses, des Martha dévolues aux tâches ménagères, ou des Servantes, réduites à l'état d'objets sexuels afin de tenter de repeupler le pays, paralysé par une chute drastique de la natalité.

Derrière la fiction, la réalité des menaces sur les droits des femmes

Adaptée d'un roman écrit en 1985 par Margaret Atwood, la série expose, sous couvert de fiction, la réalité des menaces qui pèsent sur les droits des femmes. Impossible de ne pas voir dans ces religieux de Gilead qui ne jurent que par la maternité un miroir des anti-avortements, particulièrement virulents aux Etats-Unis. Le fait que les femmes soient interdites, quel que soit leur statut, de lire ou d'écrire, rappellera d'autres pays plus lointains.

La charge politique forte de The Handmaid's Tale explique en grande partie son succès. En 2017, Donald Trump, le président qui "attrape les femmes par la chatte" et coupe les subventions de l'équivalent américain du Planning familial, vient d'arriver au pouvoir. "Des inquiétudes vivaces se sont alors portées sur le droit à l'avortement aux États-Unis", rappelle l'enseignante-chercheuse Anne Besson, autrice de l'essai Les Pouvoirs de l'enchantement (éd. Vendémiaire), qui analyse les usages politiques des fictions. "Il est évident que l'impact de The Handmaid's Tale auprès du public est lié à cette capacité de lecture politique, d'application (de la série) à une situation vécue."

Le pouvoir évocateur de la dystopie

Pour l'enseignante, il n'est pas surprenant qu'une série dystopique ait autant de force politique. S'intéresser à un futur fictif introduit une distance bienvenue avec la réalité, quand bien même les sous-textes sont limpides. "Des œuvres qui décrivent de manière réaliste les problèmes vécues actuellement auront moins de portée auprès du public parce qu'elles pourront être ressenties comme de la propagande, et donc rejetées." Selon Anne Besson, le public "a envie de pouvoir décrypter des messages, pas qu'on les lui assène".

Cela se produit d'ailleurs souvent. "Interpréter un message politique dans les œuvres de fiction imaginaires est très ancien", poursuit Anne Besson. "On l'a toujours fait, par exemple, pour les films de zombies ou de Carpenter, qui étaient vus comme des dénonciations de l'american way of life." Ce qui est nouveau, en revanche, c'est le processus inverse : lorsque la fiction nourrit la politique bien réelle. Et c'est bien ce qui s'est passé avec The Handmaid's Tale.

Quand les féministes s'approprient les codes de la série

Dès janvier 2017, aux Etats-Unis, des manifestantes défilent vêtues de la longue robe rouge et de la cornette blanche que portent les Servantes de la série. Elles protestent alors contre Donald Trump et sa politique anti-avortement. Des marches qui se poursuivront tout au long du mandat du président républicain.

En février 2018, en Croatie, d'autres réclament dans le même costume la ratification d'un texte européen visant à prévenir et lutter contre les violences sexistes et sexuelles.

En Irlande ou en Argentine, deux pays dans lesquels le combat en faveur du droit à l'avortement a porté récemment ses fruits, les militantes ont là aussi adopté les codes de The Handmaid's Tale pour réclamer l'ouverture de ce droit. 

"Le costume créé pour la série a fait l’objet d'appropriation par des manifestantes un peu partout dans le monde", résume Anne Besson. "Donc effectivement, l’une des choses qui fait la popularité de cette série, ce sont ces appropriations politiques, c’est-à-dire la manière dont les Servantes sont sorties de l’écran pour se retrouver devant les tribunaux ou dans les rues face aux attaques qui portaient sur les droits des femmes."

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Une communication efficace

Et cela fonctionne. Chaque fois, les images font le tour du monde. Anne Besson note qu'"en portant ce costume, les militantes suscitent à l'esprit l'ensemble des émotions que les spectateurs et spectatrices auront ressenties" en voyant The Handmaid's Tale. Un "puissant" vecteur pour leur message politique. Visuellement, ce rouge et ce blanc tranchent facilement, attirent l'oeil. "Cela permet une communication efficace pour des combats qui, sinon, nous resteraient invisibles."

La force évocatrice de ces tenues s'apprécie d'autant plus que la série produite par Hulu n'a pas l'audience record, par exemple, de Game of Thrones. "En réalité, parce qu'elle est dure et disponible sur des petites plateformes, The Handmaid's Tale reste relativement confidentielle", note Anne Besson. "Pour autant, toutes les personnes un peu informées savent vaguement de quoi parle la série, et c'est sur cette connaissance minimale commune que se base l'appropriation militante." Mais c'est un cercle vertueux. Ce sont aussi ces costumes bien réels qui, en investissant l'espace public, "ont redonné un coup de projecteur à la série".