"Les théories du complot peuvent mettre à mal la confiance nécessaire pour que les gens respectent les politiques publiques défendues par le gouvernement", prévient Jérémie Peltier (photo d'archives). 3:52
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Comment expliquer que plus d'un quart des Français pensent que le coronavirus a été créé en laboratoire ? "Chaque crise, chaque événement majeur génère sa propre grille de lecture complotiste", explique sur Europe 1 Jérémie Peltier, directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès qui a participé à une étude sur les fake news liées à l'épidémie. 

"Dans nos sociétés contemporaines, chaque crise, chaque événement majeur génère sa propre grille de lecture compotiste", pose Jérémie Peltier. Et l'épidémie de coronavirus n'échappe pas à la règle, d'après le directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès, qui a coordonné une étude sur les "fake news" autour de l'infection. Selon cette enquête, plus d'un quart des Français pensent que le coronavirus a été fabriqué en laboratoire

"Beaucoup d'écrans, et beaucoup de réseaux sociaux"

Selon le spécialiste, l'épidémie se prête particulièrement aux intox, notamment en raison du confinement imposé à la population. "Le fait que les individus soient chez eux, à consommer beaucoup d'écrans, et beaucoup de réseaux sociaux... On a tous les ingrédients pour que le complotisme fonctionne", pointe-t-il sur Europe 1. 

L'étude de l'Ifop coordonnée par Jérémie Peltier, publiée le week-end dernier, montre ainsi un écart assez faible entre la part des Français pensant que le coronavirus a été conçu par des scientifiques - accidentellement ou volontairement - et la part de la population qui partage cet avis aux Etats-Unis (29%). 

"Le complotiste est différent du bon esprit critique"

Pourtant, "tous les scientifiques de la place mondiale travaillent et s'intéressent à ce génome, et aujourd'hui, tout le monde sait que ce n'est pas un virus fabriqué en laboratoire - comme ça a pu être le cas par le passé, il ne s'agit pas de nier cela", souligne le directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès.

Mais "le complotiste est différent du bon esprit critique", poursuit-il. "Une théorie du complot, c'est avoir une vision paranoïaque de la vie. C'est considérer qu'un groupe d'individus tire les ficelles et que quelqu'un va tirer profit de la situation."

"Marine Le Pen répond à son électorat"

Parmi les Français adhérant à la thèse d'une fabrication du Covid-19 en laboratoire, "on n'a pas des publics différents de ce que l'on voit d'habitude" dans les enquête autour des théories complotistes, explique Jérémie Peltier, qui cite "les plus jeunes", "les catégories sociales les plus pauvres", et "les sympathisants du Rassemblement national". 

Les cadres de ce parti, dont sa présidente, n'hésitent d'ailleurs pas à relayer ces thèses. "Ça répond à une donnée historique du Front national, puis du Rassemblement national, qui a toujours cherché à montrer, depuis 30 ou 40 ans, qu'il y avait de l'opacité derrière des crises sanitaires", pointe le spécialiste. "Quand Marine Le Pen dit que le doute est permis, elle répond à sa base, elle répond à son électorat."

Un impact sur le respect des politiques publiques ? 

Est-il alors utile d'essayer de lutter contre ces "fake news", alors que le combat peut sembler perdu d'avance ? Oui, selon Jérémie Peltier. "Je pense que ça a du sens, je pense même que c'est très important", répond-il, mettant en garde contre des thèses déjà particulièrement bien enracinées. 

"On n'a pas réussi à endiguer la propagation des théories du complot autour du Covid-19. Elles ont une visibilité sans commune mesure par rapport à d'autres théories plus classiques et plus anciennes", souligne-t-il. "Or, les théories du complot peuvent mettre à mal la confiance qui est nécessaire pour que les gens respectent les politiques publiques défendues par le gouvernement. Faire preuve de pédagogie est très important pour créer du consensus."