Pour les malades du coronavirus, s'isoler révèle parfois d'une véritable galère.  1:01
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Théo Maneval et Romane Hocquet, édité par Ugo Pascolo , modifié à
Faute d'accompagnement de la part du gouvernement, les personnes infectées par le coronavirus se retrouvent sans aide pour s'isoler de leurs proches. Une situation délicate qui peut faire du quotidien un calvaire pour ces malades ou leur famille qui dénoncent le silence de l'Assurance maladie et des Agences régionales de Santé.
TÉMOIGNAGE

C'est un "trou dans la raquette" de la stratégie française contre le coronavirus : l'isolement des malades. Jusqu'à présent, l'isolement des malades repose uniquement sur le bon vouloir des Français qui doivent, en théorie, rester en quarantaine pendant une semaine à domicile lorsqu'ils sont positifs ou cas contact. Mais selon les cas, s'isoler peut s'avérer ardu, notamment quand toute la famille vit sous le même toit. Et comme aucun accompagnement n'a encore été mis sur pieds par le gouvernement, l'isolement d'un malade au sein d'un foyer ressemble surtout à un grand système D au quotidien.  

"C'est le bordel"

C'est notamment le cas pour cette famille contactée par Europe 1, qui vit dans le Lanvandou, dans le Var, dont le fils étudiant a été contaminé. Une situation "très délicate, parce qu'on doit toujours faire attention où on met les mains", confie Enzo, qui vit cloîtré dans sa chambre depuis cinq jours avec un coronavirus ramené de l'université. Depuis lors, le jeune homme vit avec la peur "de le refiler à [ses] parents".

Mais la situation est aussi difficile à gérer pour la mère d'Enzo, qui dénonce un abandon dès que le verdict est tombé. "Vous sortez de la pharmacie, vous bégayez", explique Sandrine. "Vous ne savez pas à partir de quand Enzo va développer des symptômes. Il y a un manque d'explications et on vous renvoie à la maison où vous devez rester isolé. C'est un peu la panique." D'après Sandrine, ni l'Assurance maladie, ni l'Agence régionale de Santé n'a pris de nouvelles. "Mon arsenal de mesures sanitaires, j'ai dû le prendre toute seule."

"Ça devient un peu la psychose"

Concrètement, au quotidien "c'est le bordel", témoigne-t-elle. "Enzo mange à bien 4-5 mètres de nous." Quant à son "arme anti-Covid" elle se limite à des "lingettes" antibactériennes. "Je le piste toute la journée, dès qu'il touche quelque chose, je repasse derrière. Quand il va aux toilettes il faut désinfecter, ça devient un peu la psychose. En tout cas, si on ne l'attrape pas, on est des miraculés." Des "miraculés" que personne n'a pensé à aider pour aller faire des courses par exemple. Alors après une semaine d'isolement, Sandrine a dû se résoudre à franchir les portes de son supermarché, avec deux masques sur le nez.

"La sécurité sociale ne m'a pas indiqué qu'il y avait des structures"

Difficile donc de vivre isolé au sein d'un domicile, mais la chose n'est pas plus simple pour ceux qui choisissent de quitter leur domicile. Pour éviter de contaminer sa mère âgée avec qui elle vit, Julia a dû réserver sa propre chambre d'hôtel. Elle l'occupe depuis maintenant six jours. "J'ai été sous le choc", explique cette Marseillaise de 31 ans. Après avoir appris qu'elle était positive au Covid-19, elle décide de rentrer chez elle, de faire sa valise et de partir à l'hôtel. "La sécurité sociale ne m'a pas indiqué qu'il y avait des structures, donc je n'ai eu d'autres choix que de payer cette chambre d'hôtel de ma poche."

"Ça vous fout une haine incroyable"

Mais la prudence de Julia a un coût : "500 euros". Une somme "énorme" qui augmente de jour en jour, d'une part à cause du prix de la chambre, mais aussi parce que Julia doit s'acheter à manger. "On est complètement livrés à soi même. C'est pour ça que je suis très en colère et très déçue, personne ne nous aide. Que ça soit des réseaux, des plateformes, des numéros, l'Assurance maladie ou l'ARS, personne ne nous aide. On vous dit 'vous êtes positif, isolez-vous si vous pouvez, on vous payera en maladie et merci au revoir'." Mais ne "pas être écouté, se retrouver seul, ça vous fout une haine incroyable".

Le Premier ministre Jean Castex doit s'exprimer sur la problématique de l'isolement des malades jeudi, lors d'une conférence de presse.