Bertrand Piccard : "On ne va pas protéger l'environnement avec de la décroissance"

Bertrand Piccard
Bertrand Piccard était l'invité d'Europe 1 le jeudi 4 juin, à la veille de la journée mondiale de l'environnement. © Europe 1
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Céline Brégand , modifié à
À la veille de la journée mondiale de l'environnement, et alors qu'une crise économique majeure due au coronavirus se profile, Bertrand Piccard, aéronaute et président de la fondation Solar Impulse, invité d'Europe 1 jeudi, prône une croissance qualitative via la modernisation des infrastructures polluantes.
INTERVIEW

L'écologie est-elle compatible avec l'économie ? Bertrand Piccard en est persuadé. À la veille de la journée mondiale de l'environnement et à l'aube d'une crise économique mondiale provoquée par la crise du coronavirus, l'aéronaute et président de la fondation Solar Impulse explique sur Europe 1 jeudi soir comment il imagine une relance pensée pour protéger l'environnement

"On constate que la nature va beaucoup mieux depuis trois mois, mais au prix de millions de chômeurs et d'une catastrophe économique sans précédent", constate Bertrand Piccard. "On ne va pas protéger l'environnement avec de la décroissance", appuie-t-il. Selon l'aéronaute, pour protéger l'environnement, il faut apprendre "à parler le langage de ceux qu'on veut convaincre".

Pour une "croissance qualitative"

Aujourd'hui, ceux qui décident et qui gouvernent le monde "parlent en termes de création d'emploi et de profits économiques", ajoute l'aéronaute. Selon lui, il faut donc "prendre dans tout ce qui protège l'environnement ce qui peut être rentable et ce qui peut créer des emplois".

Avec sa fondation Solar Impulse, Bertrand Piccard a "labellisé 520 solutions technologiques qui sont financièrement rentables pour protéger l'environnement". Une avancée certes, mais une avancée loin d'être suffisante pour sauver la planète. Pour entrer dans un rythme "extraordinairement positif avec un impact énorme", il faudrait selon lui que les grands secteurs - tels que la mobilité, la consommation énergétique des villes, les logements, la construction, la gestion de l'eau et des déchets, les processus industriels et agricoles - "remplacent tout ce qui pollue par ce qui protège l'environnement de manière rentable". "C'est ça la croissance qualitative", résume l'aéronaute. 

"Il faut des normes environnementales beaucoup plus ambitieuses"

Bertrand Piccard plaide pour "une modernisation des infrastructures et des systèmes efficients" qui polluent et gaspillent de l'énergie et des ressources actuellement. Cette modernisation permettrait de "créer beaucoup plus d'emplois et faire beaucoup plus de profits" selon lui. Alors pourquoi cela n'est-il pas fait par les entreprises ? "Ce qui bloque, c'est qu'il est encore aujourd'hui totalement légal de polluer", souligne l'aéronaute. "Vous pouvez mettre autant de CO2 que vous voulez dans l'atmosphère, autant de plastique dans les océans, autant de cochonneries toxiques dans les aliments. Tout ça est légal", s'indigne-t-il.

"Ce qui pollue l'environnement et détruit l'avenir de l'humanité aujourd'hui est l'inefficience, le gaspillage et le côté archaïque des infrastructures qu'on utilise encore aujourd'hui", détaille Bertrand Piccard. Pour que les entreprises cessent de polluer autant, il est donc nécessaire que "les normes environnementales et énergétiques d'efficience soient beaucoup plus strictes et ambitieuses", d'après lui.

"Dans la relance économique actuelle, avec des milliards d'euros qui arrivent sur le marché, il faut des conditionnalités", estime-t-il. "Il faut que l'argent soit utilisé pour améliorer les infrastructures et pas pour revenir à ce qu'on avait avant."