Passer de 20 à 18 clubs en Ligue 1, est-ce vraiment une bonne idée ?

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Virginie Phulpin, avec Manon Fossat
En quête de solutions pour réinventer le football professionnel français en pleine crise sanitaire, Vincent Labrune, le président de la Ligue de football professionnel, a remis sur le tapis l'idée d'une Ligue 1 à 18 clubs. Une proposition aussi récurrente que clivante.
DÉCRYPTAGE

C'est une idée émise par Vincent Labrune, le nouveau président de la Ligue de football professionnel, dimanche dans les colonnes du JDD, dimanche. Pour sauver le sport, lui aussi touché de plein fouet par la crise du Covid-19, pourquoi ne pas revenir à une Ligue 1 à 18 clubs plutôt qu'aux 20 actuels ? Si l'hypothèse est extrêmement débattue, c'est qu'elle divise depuis longtemps les partisans d'une élite resserrée et ceux d'un championnat ouvert aux clubs de moyenne envergure.

Noël Le Graët, président de la FFF (Fédération française de football), avait pourtant permis ce passage de 20 à 18 clubs en 1997. Aujourd'hui, le patron du football français ne veut tout simplement pas en entendre parler : "Cela mérite davantage de réflexion. Il faudrait réaliser une étude financière, interroger les chaînes de télévision. Cela fait quand même des matches en moins", juge-t-il dans une interview accordée à L'Equipe. Pour lui, "le moment n'est pas forcément le mieux choisi". "Il y a le Covid, des contrats télé avec 20 clubs… Ça ne se fait pas comme ça. Si cela doit se faire, cela se prépare pour un futur appel d'offres", rétorque le président de la FFF.

"Plus l'élite est resserrée, mieux c'est"

Didier Deschamps, son sélectionneur, a au contraire approuvé lundi l'idée de Vincent Labrune : "Je fais partie de ceux qui pensent que plus l'élite est resserrée, mieux c'est. Ce serait tirer le foot français vers le haut. On voit aujourd'hui les calendriers avec des enchaînements qu'on n'a jamais vus : des semaines à trois matches avec la Ligue des champions toutes les semaines. C'est compliqué. Avoir quatre matches de Championnat en moins, en passant à 18 clubs, ça va dans le sens de l'élite", a-t-il déclaré en conférence de presse avant de reconnaître "qu'en disant ça, je ne vais pas me faire que des amis, mais la Ligue 1 doit aller dans ce sens".

Un avis que partage Virginie Phulpin, éditorialiste sport d'Europe 1, pour qui l'idée est judicieuse : "Avec la crise sanitaire, les tribunes aussi vides que les caisses, les défauts de paiement du diffuseur Mediapro et les résultats inquiétants des clubs français en Coupe d'Europe, Vincent Labrune n'a pas trop le choix, il est bien obligé d'engager des réformes", estime-elle. "Quand il parle de réinventer le modèle du foot français, il a raison, il faut agir.

Une mesure pas suffisante ?

Afin de favoriser les Bleus pour "leur" Coupe du monde, le calendrier des clubs avait été allégé à 18 de 1997-1998 à 2001-2002. "Ca a certainement servi à l'équipe de France, mais ça n'a pas emmené les clubs français sur le toit de l'Europe. Je ne sais pas si c'est la solution miracle, mais il y a aujourd'hui trop de matches. Résultat, les clubs se dispersent, les joueurs s'épuisent, se blessent, et on se retrouve avec certaines affiches qui n'intéressent personne, à peine ceux qui les jouent", déplore Virginie Phulpin.

Pour l'éditorialiste, resserrer le championnat permettrait aux clubs de se sentir plus concernés : "Il y aura plus d'enjeu à chaque match et le niveau pourrait monter. Ca reviendrait à privilégier la qualité plutôt que la quantité". Mais elle estime qu'un tel changement ne pourrait survenir seul : "Le paradoxe aujourd'hui est qu'il y a trop de matches mais que peu de gens les voient. L'offre de foot à la télé est trop chère, trop dispersée, le public ne suit pas à n'importe quel prix et résultat, beaucoup passent par le streaming illégal et ça tue le foot". Elle propose donc de se pencher sur l'idée de Jean-Michel Aulas, président de l'Olympique lyonnais, qui voudrait créer un "Spotify du foot". 

Mais Virgine Phulpin en est persuadée ; une Ligue 1 à 18 ne permettra pas à elle seule de remonter le niveau : "Le foot c'est un jeu, une philosophie. Aujourd'hui en Ligue 1 on joue pour ne pas perdre et si les clubs jouaient plutôt pour gagner ça changerait tout. Vincent Labrune ne peut pas décider tout seul de mettre en place un  nouvel état d'esprit, mais si en parlant de réinventer le modèle du foot on parle aussi du jeu, ce sera déjà un pas", conclut-elle.