Homophobie dans les stades : risque de surenchère ou reprise du dialogue, que va-t-il se passer maintenant ?

Le match Nice-Marseille a du être interrompu.
Le match Nice-Marseille a du être interrompu. © VALERY HACHE / AFP
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avec AFP , modifié à
Alors que de nouveaux incidents ont entraîné l'interruption de la rencontre Nice-Marseille, et dans l'attente d'une rencontre le 5 septembre, les instances du foot français sont confrontées à un risque de surenchère de la part de supporters vent debout contre les sanctions. 

Les acteurs du football professionnel et les supporters vont-ils réussir à sortir de la crise ? Alors que les instances du football français sont bien décidées à lutter contre les injures homophobes dans les tribunes, elles sont confrontées au risque d'une surenchère de supporteurs mécontents de sanctions jugées injustes et d'un manque de dialogue avec les autorités compétentes. Et mercredi soir, alors que la commission de discipline de la LFP prononçait des sanctions pour les incidents de rencontres précédentes, les mêmes chants homophobes étaient entonnés à l'Allianz Riviera, où Nice recevait Marseille, entraînant une interruption de la rencontre pendant une dizaine de minutes

La LFP va-t-elle sévir ?

Mercredi soir, les instances disciplinaires de la Ligue de football professionnel se réunissaient pour se prononcer sur les incidents lors de rencontres précédentes. Et la commission de discipline a infligé au club de Nancy (L2) la suspension de sa tribune Piantoni pour un match ferme. Mais pour les autres cas examinés, elle a seulement procédé à des rappels à l'ordre, jugeant qu'ils relevaient de "propos insultants". 

Face aux nouveaux incidents, les autorités doivent-elles taper plus fort ? "La question peut se poser, mais ce n'est pas à la ministre, seule, d'y répondre", indique-t-on au ministère des Sports. En théorie, la commission de discipline de la LFP peut prononcer des sanctions encore plus lourdes, en ordonnant des matches à huis clos, ou en retirant des points à l'équipe concernée. 

La Ligue a-t-elle voulu aller trop vite ? 

Mais les incidents de ces dernières semaines et la réunion mercredi soir de la commission de discipline, n'ont pas permis de mettre fin aux provocations. Mercredi soir, c'est donc la rencontre Nice-Marseille qui a dû être interrompue une dizaine de minutes en raison de chants et de banderoles homophobes. Et déjà, en fin d'après-midi, les supporteurs de Lille avaient brièvement chanté "les Stéphanois sont des pédés...", sans provoquer cette fois de réaction sur le terrain. 

Pour Jean-François Pérès, chef du service des sports d'Europe 1, ces incidents pourraient se reproduire. "On l'a vu hier à Nice, on le reverra ce week-end", prévient-il. "Ces insultes, ces interruptions de match, c'est devenu un jeu pour des supporters qui entretiennent un rapport compliqué avec les autorités". En effet, les ultras sont déjà vent debout contre une politique qu'ils jugent trop sécuritaire et demandent de manière récurrente d'assouplir les interdictions de fumigènes et les restrictions de déplacements pour assister aux rencontres.

"On a ouvert une boîte de Pandore et il y aura encore des réactions épidermiques", estime James Rophe, porte-parole de l'Association nationale des supporteurs (ANS). La faute, selon lui, à la précipitation du gouvernement et de la Ligue. "On est passé de 'personne ne dit rien' à 'il faut tout arrêter', sans dialogue avec les supporteurs et sans travail de définition", ajoute-t-il, alors que selon lui, "le travail est forcément long".

Pour Jean-François Pérès, "ces scènes ne font que mettre en lumière l'absurdité de ces mesures alors qu'on pourrait par exemple imaginer une table ronde ou un Grenelle entre clubs, instances, pouvoirs publics et associations de supporters".

À l'inverse, du côté des associations, l'heure est plutôt au satisfecit. "C'est historique ce qu'il se passe. C'est du jamais-vu", estime Bertrand Lambert, président des PanamBoyz & Girlz United, un "club de foot parisien 100% inclusif qui lutte contre les discriminations". "Depuis six mois, on a jamais fait autant dans la lutte contre l'homophobie dans le sport", dit-il encore au micro de Nathalie Levy, sur Europe 1, notant un "coup de pouce politique". Pour lui, ces interruptions de matches ont permis de médiatiser la lutte contre l'homophobie. "S'il n'y avait pas eu ces interruptions de matches, cela aurait continué comme avant et on aurait rien vu", juge Bertrand Lambert.   

Une réunion le 5 septembre, premier pas vers un meilleur dialogue ? 

Le dialogue entre les deux parties pourrait reprendre le 5 septembre, lors d’une rencontre entre les associations de lutte contre l'homophobie et l'Association nationale des supporters, en présence de la LFP. "Un premier pas", pour Jean-François Pérès, tandis que l'initiative a été saluée par la ministre des Sports, Roxana Maracineanu. Pour Bertrand Lambert, cette reprise du dialogue est d'autant plus importante que "tous les acteurs vont avoir intérêt à ce que ça change". "Les diffuseurs ne vont pas supporter très longtemps d'avoir des matches coupés dix minutes toutes les semaines, les clubs ne vont pas se priver éternellement des recettes des tribunes qui sont fermées, et les supporters vont vouloir aller voir le match d'après, ce qu'il ne pourront pas faire s'ils sont suspendus", prévoit-il au micro d'Europe 1.