Mondial : les "petites histoires" du Botafogo FC

Les Bleus s'entraînent dans l'enceinte du Botafogo FC.
Les Bleus s'entraînent dans l'enceinte du Botafogo FC. © Reuters
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Charles Carrasco à Ribeirão Preto au Brésil , modifié à
TOUR DU PROPRIO - C'est au sein de ce club de Ribeirão Preto que l'équipe de France s'entraîne durant tout le Mondial.

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Le Brésil a aujourd'hui, avec cette Coupe du monde de foot à domicile, douze stades cinq étoiles. A Ribeirão Preto, ville de 600.000 habitants à 300 km de São Paulo, où loge l'équipe de France durant tout le Mondial, on est très loin des stades "aseptisés", estampillés Fifa. L'enceinte de Santa Cruz (50.000 places), où s'entraînent quotidiennement les Bleus, appartenant au Botafogo FC, le club local, a encore tous ses attributs champêtres. Rien à voir non plus avec le grand Botafogo de Rio de Janeiro. Des tribunes en béton, sans toit et sans fauteuil dans les trois quarts du stade, et une peinture extérieure défraîchie par les années. Ce stade, actuellement occupé par les Bleus, offre une plongée dans l'histoire footballistique du Brésil.

>>> Retour sur les "petites histoires" du Botafogo FC, le club au 2 millions de budget annuel, entre coups de peintures, bières, leucémie et dettes…

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© E1/Carrasco

 La FFF a rénové le vestiaire. Après le luxe sud-africain et la débandade de Knysna, pas question pour les Bleus de vivre dans l'opulence outrancière au Brésil. L'hôtel "JP", situé à proximité d'un concessionnaire de camions dans la périphérie de Ribeirão Preto, n'est pas le palace auquel sont habitués les footballeurs. Quant au stade d'entraînement, on est aussi très loin du centre sportif ultra-moderne "Aspire" au Qatar...

Dans l'arène Santa Cruz, la Fédération française de football (FFF) n'a presque rien touché. Elle a seulement payé la rénovation des vestiaires (environ 200.000 euros) pour installer notamment l'air conditionné et de nouvelles armoires. Et c'est la Fifa qui a mis la main à la poche pour mettre en place un gazon "billard". Le Botafogo FC a, lui, tout juste sorti les pots de peinture pour donner un coup de frais dans les tribunes qui n'étaient plus habituées à voir autant de journalistes étrangers.

Doni, Raí et Cicinho ont foulé la pelouse. Les candidats étaient nombreux pour occuper les lieux. La Corée du sud, l'Espagne, la Suisse ont tenté une approche mais c'est la France qui a décroché le gros lot. Il faut dire que l'histoire de ce club a de quoi attirer les grandes nations de par son passé footballistique. Derrière les Corinthians, Palmeiras ou Santos du championnat "paulista", Botafago est connu pour avoir fait émerger plusieurs grands noms du football brésilien : Socrates et son frère Raí, l'ancien meneur de jeu du PSG, Cicinho, l'ancien joueur du Real et de l'As Rome, Doni l'ancien gardien de la "Seleçao" ou bien encore Julio Sergio, ex-portier de l'As Rome.

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© E1/Carrasco

Le "docteur" Socrates et la bière. Socrates reste, sans aucun doute, la figure de proue du club. L'élégant milieu de terrain au bandeau sur la tête a joué au Botafogo entre 1970 et 1978 avant de partir chez les prestigieux Corinthians, puis à la Fiorentina en Italie. Socrates, très impliqué en politique, avait aussi la tête bien faite. En parallèle des entraînements, il continuait ses études de médecine. Mais il avait aussi les travers des fantasques Ronaldinho ou Adriano avec un penchant pour la boisson.

Un jour, Socrates se réveille à 8 heures du matin et appelle son ami Bueno, un chanteur populaire de Ribeirão Preto. "J'ai rêvé d'une musique cette nuit, viens vite à la maison", lui dit-il. Bueno débarque et, dès le réveil, le "docteur" se décapsule une bière. Son ami lui dit : "viens, allons dans une boulangerie pour prendre un café. Il faut que tu coupes avec ça". Socrates lui répond, goguenard : "mais il y a tout dedans, du sucre, des glucides…". Socrates savait donc ce qu'il faisait. "Il était médecin. Il connaissait les risques. Il a eu la vie qu'il a voulu", assure Rogério Moroti, un des responsables du club.

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© E1/Carrasco

Au club de Ribeirão Preto, tout le monde se souvient encore de la fête mémorable qu'il a organisée pour ses 50 ans. "Il n'était pas rare de le voir courir avec un ballon et une bière dans les mains", lâche ce responsable de Botafogo. Comme beaucoup de joueurs brésiliens, Socrates a eu le mal du pays en Europe. Une "saudade" (nostalgie en brésilien) qui l'a rapidement fait rentrer au milieu des années 80… pour siroter encore quelques bières givrées. Socrates est mort le 4 décembre 2011 des suites de problèmes intestinaux liés à l'alcool.

La leucémie de Ze Mario. Dans tout club de football, il y a aussi "les joueurs qui devaient percer mais qui n'ont pas pu" à cause du… destin. Ze Mario en faisait partie. En 1977,  premier joueur de l'histoire du club convoqué en Seleçao pour les éliminatoires de la Coupe du monde, il devient la star de Botafogo. Lorsqu'il rejoint ses coéquipiers, les médecins lui font passer une batterie de tests habituels et ils lui découvrent une leucémie. Il meurt peu de temps après à l'âge de 19 ans. "Au club, on disait qu'il était encore meilleur que Socrates et qu'il allait jouer les trois prochaines Coupes du monde", déplore Rogério Moroti, un des responsables du club.

Des dettes sur le dos et des jeunes kazakhs. Le Botafogo FC a été créé dans le but de proposer une alternative au Commercial Futebol clube, l'adversaire historique de Ribeirão Preto. "Celui de la bourgeoisie et des élites". Dans l'arène actuelle de Santa Cruz, inaugurée en 1968 lors d'un match contre une sélection roumaine, le club s'est presque toujours maintenu en première division du championnat de São Paulo. Il n'est redescendu que trois fois à l'étage inférieur. Mais depuis les années 2000, le Botafogo FC est au creux de la vague. En 2011, le club est obligé de vendre le terrain de son ancien stade aux enchères. Aujourd'hui, elle a même une hypothèque sur le dos de plus de 15 millions d'euros…

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© E1/Carrasco

Le BFC a donc tenté de diversifier ses activités pour renflouer ses caisses, en proposant des stages à des joueurs étrangers. En ce moment, ils viennent du monde entier -Kazakhstan, Chine, Bénin, Haïti- pour suivre un entraînement "joga bonito" de trois ans qui coûte plusieurs milliers de dollars. Tout cela financé par des accords gouvernementaux ou des fédérations sportives qui veulent développer leur réserve de joueurs.

En attendant, le Botafogo FC, qui ne joue pas le championnat national brésilien, va participer après la Coupe du monde à la "Copa paulista", une compétition locale. "Ca n'intéresse personne", dit-on déjà au club. "Les chaînes brésiliennes ne veulent plus diffuser que les grands. Au Brésil, ça va finir par devenir comme la Ligue des champions en Europe", déplore Rogério Moroti qui conclut, le regard dans le vide : "on va finir par tuer les petits clubs".

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