Violences urbaines : le logement et le trafic de drogues, le (vrai) cœur du problème ?

François Pupponi, ancien maire de Sarcelles et député du groupe Liberté et Territoires était l'invité d'Europe 1 mercredi 17 juin 2020.
François Pupponi, ancien maire de Sarcelles et député du groupe Liberté et Territoires était l'invité d'Europe 1 mercredi 17 juin 2020. © Europe 1
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Céline Brégand
Alors que le quartier des Grésilles à Dijon a été le théâtre de violences communautaires entre vendredi et lundi, François Pupponi, ancien maire de Sarcelles, estime sur Europe 1 mercredi que pour apaiser ces quartiers, il faut avant tout allier politique de rénovation urbaine et lutte contre le trafic de drogues.
INTERVIEW

Des dizaines de membres de la communauté tchétchène ont mené des expéditions punitives dans le quartier sensible des Grésilles à Dijon, le week-end dernier, pour venger l'agression présumée d'un jeune Tchétchène de 16 ans par des dealers. Les violences se sont poursuivies jusqu'à lundi où environ 150 personnes, parfois encagoulées et armées, se sont rassemblées dans le quartier des Grésilles. Depuis lundi, 250 policiers et gendarmes sont arrivés en renfort. Des violences ont également éclaté à Nice en début de semaine. Une escalade de violences que François Pupponi, ancien maire de Sarcelles et député du groupe Liberté et Territoires, explique par le fait que "l'État dans sa globalité ne travaille pas main dans la main sur un même territoire". 

"Il y a un laxisme de l'État en général"

Si François Pupponi qualifie les images de violences de Dijon d'"édifiantes et insupportables", pour lui, "ce n'est pas la première fois que les gens essaient de se défendre dans ces quartiers". "Depuis des années, dans l'indifférence générale, il y a des dizaines de morts dans nos quartiers liées à des trafics de drogue ou à des représailles entre jeunes", explique-t-il. Des règlements de compte qui, selon lui, montre "qu'il y a un laxisme de l'État en général".  

Si dans le quartier des Grésilles, des tours ont été démolies, de nouveaux immeubles construits, et des millions investis dans la rénovation urbaine, cela ne suffit pas si les trafics de drogue ne sont pas éradiqués, estime François Pupponi. "Vous pouvez investir les milliards que vous voulez, si, parallèlement, il n'y a pas une politique sociale d'attribution de logements ou de lutte contre l'économie souterraine, les problèmes resteront les mêmes", appuie-t-il. "Vous aurez des immeubles neufs, magnifiques, mais le trafic de drogue sera toujours là et ça, l'État ne l'a pas compris." 

"La justice ne se préoccupe pas de ce qui se passe dans le quartier en termes de rénovation urbaine"

"On a déversé des milliards pour l'Anru [Agence nationale de rénovation urbaine que François Pupponi a présidé de 2014 à 2017] mais la police et la justice n'ont pas fait leur travail pour en même temps éradiquer les trafics de drogue qui gangrenaient les quartiers", tacle l'ancien maire de Sarcelles. Le problème résulte donc selon François Pupponi dans un manque de coordination entre les politiques de rénovation urbaine et les actions de la police et de la justice. 

La justice prend ses décisions "souvent tardivement" et "ne se préoccupe pas de ce qui se passe dans le quartier en termes de rénovation urbaine", abonde-t-il. "On en arrive à des situations comme celle-là [à Dijon], où on a fait beaucoup d'effort mais tout peut être remis en cause parce que l'État dans sa globalité ne travaille pas main dans la main sur un même territoire", constate-t-il. "C'est le drame de nos politiques publiques depuis 40 ans."

Selon François Pupponi, ces territoires ont donc "besoin d'une politique de l'État sur la durée", et si la France n'est pas capable, sur ces territoires, d'avoir "une réaction commune, cohérente, et complète, nous n'y arriverons jamais", estime l'ancien maire de Sarcelles.