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et Nathalie Chevance, édité par Grégoire Duhourcau , modifié à
Au mois d'octobre, Pauline, 27 ans, a été amputée d'une jambe après avoir été fauchée par un nonagénaire. Aujourd'hui, elle réclame des tests d'aptitude à la conduite pour les seniors. Une mesure qui n'est visiblement pas encore à l'ordre du jour pour le gouvernement.
ON DÉCRYPTE

Si la question d'un contrôle d'aptitude pour les conducteurs seniors est un vieux serpent de mer, cette fois, c’est un événement tragique qui relance le débat. Le 27 octobre dernier, une jeune femme de 27 ans a été amputée de sa jambe gauche après avoir été fauchée par un conducteur de 92 ans. Depuis, avec son père, elle a décidé d’en faire le combat de sa vie.

Cinq mois après l’accident, Pauline se bat pour remarcher. Entre deux séances de rééducation, elle reçoit des dizaines et des dizaines de messages de personnes qui ont connu le même sort qu'elle et qui la poussent dans son autre combat, un combat qui les concerne tous : celui d’imposer aux seniors une visite médicale pour l’aptitude à la conduite. 

Pour "éviter bien d'autres accidents"

"La personne qui m'a fauchée, vraisemblablement, n'était pas apte à conduire", témoigne Pauline sur Europe 1. "C'est un fait, c'est la nature, on va tous vieillir. On est dans une société vieillissante et il faut protéger les hommes et les femmes à travers un test d'aptitude à la conduite, tout simplement. Cela peut éviter bien d'autres accidents", estime-t-elle.

Pour imposer cette visite médicale, Pauline a lancé, avec son père, une pétition en ligne qui vient de dépasser les 100.000 signatures. Les dernières enquêtes sur le sujet montrent d'ailleurs que les Français sont très largement favorables à cette mesure, à plus de 80 %. Plusieurs parlementaires ont déposé des projets de loi en ce sens. Et pourtant, pour le gouvernement, ce n’est pas du tout à l’ordre du jour.

Un problème qui doit se régler en famille ?

C'est davantage une problématique de santé qui peut être gérée en famille, d’après Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière : "On ne peut pas se défausser constamment sur l'État. Il est tout à fait possible à des enfants de dire à leurs parents âgés qu'il faut qu'ils aillent voir un médecin. Ils peuvent, au pire, en toucher un mot discrètement à la gendarmerie du coin puisque le préfet a toujours la possibilité de convoquer un conducteur pour vérifier son aptitude médicale, mais cette fois-ci, avec des médecins de la sécurité routière."

Des stages de remise à niveau

En l'absence d'un texte de loi clair, certains conducteurs ont aujourd'hui bien du mal à s'auto-évaluer. Pour cela, certains font appel à la Prévention routière qui organise des stages de remise à niveau. C'est le cas par exemple à Manosque, dans les Alpes-de-Haute-Provence, où notre journaliste s'est rendue pour assister à l'une de ces sessions avec une vingtaine de candidats.

Ils sont tous volontaires et très motivés car pour eux, la voiture est synonyme de liberté. Ce stage est vécu comme une chance. "J'ai réappris beaucoup de choses parce qu'on oublie certains signes sur les routes, les panneaux, les priorités à droite et à gauche... Je voudrais bien tester l'audition et la vue. Tant que je peux, je conduirai", confie Gilbert, 89 ans, qui a passé son permis en 1958.

Réflexes sur simulateurs, tests auditifs, les exercices s'enchaînent pour Gilbert et ses camarades. Parmi eux, Danièle, 77 ans et malentendante : "Je me rends compte que tout ne va pas bien. J'ai tendance à ne plus conduire." Elle prend tout de même le volant avec un moniteur d'auto-école. Après 20 minutes de conduite, elle dresse un bilan : "Ce n'est pas encore au point tout ça, tout ce qui est manœuvres. Je reprendrai des leçons."

Si Danièle a pris conscience de son cas, Gérard Soulan, de la Prévention routière, admet que ce n'est pas toujours évident d'attirer les seniors dans ce type de stage. "La première crainte, c'est la peur de perdre son permis. C'est difficile de dire à quelqu'un qu'il ne faut plus conduire. Pour beaucoup de personnes, c'est leur supprimer la vie", explique-t-il. À l'issue de cette remise à niveau, certains candidats seront fortement invités à consulter leur médecin.

La France très en retard par rapport à ses voisins

Si ces stages se font sur la base du volontariat, d'autres pays, eux, font déjà passer des tests. C’est le cas en Angleterre où les conducteurs doivent répondre à un questionnaire médical tous les trois ans à partir de 70 ans. En Espagne, le permis de conduire est renouvelé tous les cinq ans à partir de 65 ans. En Italie, les contrôles s’accélèrent avec l’âge. Un certificat médical est donné tous les trois ans à partir de 70 ans et tous les deux ans au-delà de 80 ans. Au Portugal, les conducteurs doivent carrément faire revalider leur permis tous les deux ans après le cap des 70 printemps. La France est donc très en retard dans ce domaine.