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Pauline Rouquette
Au premier jour du reconfinement dans 16 départements, le ras-le-bol gagne les Français. Invitée d'Europe 1, samedi, l'économiste Claudia Senik, co-auteure du rapport "Le bien-être en France", note un "déficit de bonheur" qui doit aujourd'hui être pris en compte dans les décisions, au même titre que la santé et l'économie.
INTERVIEW

"Le premier confinement a été vécu comme la réaction à un choc assez effrayant mais de courte durée, mais cette pandémie s'est transformée en un processus long qui commence à créer un sentiment d'usure partout." Directrice de l'Observatoire du bien-être et co-auteur du rapport Le bien-être en France, Claudia Senik, professeure d’économie était l'invitée d'Europe 1, samedi. Face aux nouvelles mesures restrictives, auxquelles 44% des Français concernés sont opposés, selon un sondage Odoxa pour Le Figaro et franceinfo, celle-ci évoque un "déficit de bonheur" qui, dans la crise du coronavirus, semble aujourd'hui peser autant que la santé et l'économie dans la prise de décision politique.

"Une inquiétude vis-à-vis de l'avenir"

Ce déficit de bonheur, "c'est une espèce de rapport nostalgique au passé, une inquiétude vis-à-vis de l'avenir et de la transformation du modèle français", explique la chercheuse, qui précise que ce phénomène est étudié à partir de données remontant jusqu'aux années 1970.

Si bien que, dans la crise du Covid-19, la santé mentale des Français est aujourd'hui au coeur de la prise de décisions, aux côtés de la situation sanitaire et de l'économie. "L'arbitrage semblait se poser entre ces deux termes d'économie et de santé", affirme la professeure à Sorbonne Université et à l’Ecole d’Economie de Paris. "Finalement, on se rend compte avec le temps qu'il y a un troisième terme qui apparaît comme très important dans le tableau, et c'est la santé mentale." Une réunion aura d'ailleurs lieu sur le sujet, lundi après-midi, à Matignon.

Des personnes âgées isolées de leur famille, une jeune génération coupé de tout lien social… "C'est ça, l'acceptabilité", poursuit l'économiste, évoquant des sacrifices ressentis durement et acceptés. La question, selon elle, est de savoir "à quel point on peut gouverner avec cette contrainte supplémentaire."

"Creux terrible à partir de fin novembre"

Déjà entre les deux précédents confinements, Claudia Senik avait pu noter une nette différence. Le premier, par son côté inédit, exceptionnel, avait été vécu pour certains comme une sorte de parenthèse enchantée, permettant d'idéaliser un "après" radicalement différent.

Mais les chiffres ont montré que le deuxième confinement n'avait pas été vécu de la même manière. "On a une enquête trimestrielle avec l'Observatoire et l'Insee, et on voit très bien les fluctuations de la satisfaction au gré des événements politiques ou économiques", explique-t-elle. "On a vu le sursaut d'optimisme et de satisfaction au moment du déconfinement au mois de mai, et puis après, le creux terrible à partir de fin novembre, décembre. On peut vraiment l'observer, et c'est vraiment lié à la perte de lien social."

En effet, précise-t-elle, les considérations liées à l'économie et aux perspectives d'achat n'ont pas démontré d'insatisfaction ou d'inquiétude particulière au cours des deux derniers trimestres. "C'est tout ce qui a trait aux relations avec les autres qui est vraiment en berne."