Qui est Francis D., le "champion de la prise d'otages" en prison ?

Le détenu a commis sa dernière prise d'otages à Condé-sur-Sarthe, mardi soir (photo d'illustration).
Le détenu a commis sa dernière prise d'otages à Condé-sur-Sarthe, mardi soir (photo d'illustration). © AFP
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Le trentenaire qui a retenu deux surveillants pendant quelques heures, mardi à Condé-sur-Sarthe, s'était déjà illustré pour des faits similaires à cinq reprises.

"C'est un cas particulier", reconnaît au micro d'Europe 1 Damien Pellen, premier secrétaire du syndicat national des directeurs pénitentiaires. Mercredi, une cinquantaine de surveillants de la prison de Condé-sur-Sarthe ont refusé de prendre leur service. Ils ont manifesté devant l'entrée de l'établissement au lendemain de la prise d'otage de deux de leurs collègues par un prisonnier, mardi soir. L'épisode survient trois mois seulement après l'agression de matons par un détenu radicalisé, qui s'était retranché pendant près de dix heures dans une unité de vie familiale du même centre pénitentiaire. Mais mis à part leur caractère rapproché, les faits n'ont pas grand chose en commun : ceux de mardi ont été commis par Francis D. "champion de la prise d'otages", tel que le surnomme l'administration pénitentiaire, un homme non-violent.

Six prises d'otages depuis 2006

"Je vous prends en otage", déclare sobrement Francis D. à ses otages, menacés d'une arme de fortune fabriquée en détention, selon un portrait consacré au détenu par Libération au début des années 2010. Le nom du prisonnier est associé à cinq faits similaires, en plus de ceux de mardi : un psychiatre retenu à la prison de Nancy en 2006, un surveillant dans l'Aube en 2009, un autre psychiatre à la Santé en 2010, un gardien à Poissy en 2011, un autre dans le Haut-Rhin en 2017. Le détenu ne fait jamais usage de la violence, et finit toujours par se rendre. À chaque fois, il réclame la même chose : un rapprochement avec sa compagne, la sœur d'un codétenu, rencontrée au parloir, et leur enfant, né en 2010.  

Car la vie de Francis D., 35 ans, se résume quasi-uniquement à la détention. Né en 1984 à Hayange, en Moselle, d'un père alcoolique et d'une mère absente, il a été élevé par sa grande soeur - morte d'une overdose à 19 ans - puis placé en foyer dès l'âge de 9 ans, selon un parcours retracé par France Inter. "Je ne pouvais pas tenir quatre heures d'affilée sur une chaise; Les éducateurs n'insistaient pas", a raconté le principal intéressé à l'un de ses procès. En 2000, Francis D., qui a imposé une fellation à un garçon de son âge - 16 ans - est condamné à six ans de prison pour viol. Il n'en sortira jamais.

Un codétenu soupçonné de "pratiques vaudous"

"Ce qui frappe dans le parcours de Francis D., c'est qu'il n'y a pas de déterminisme", analyse auprès de Libération le psychiatre pris en otage en 2010. "C'est une spirale, un enchaînement de choses qui auraient pu être évitées." En 2003, tout juste majeur, il tue son codétenu à la prison de Metz, craignant ses "pratiques vaudou". "Il a demandé, en vain, de changer de cellule", souligne auprès de l'Est Républicain son avocat de l'époque, Thomas Hellenbrand. "Si la prison avait respecté ses propres lois - une cellule, un détenu -, (il) n'aurait pas tué."

Résultat, selon l'avocat : "un pur produit de la pénitentiaire, un fils de la prison qui se rebelle contre sa mère". Qui, en 2006, lance aux assises de la Moselle : "Je vais crever en taule, alors qu'est-ce que je risque ? Je peux tuer encore, frapper, faire toutes les conneries, ça ne sera pas pire." Libérable en 2060, classé "DPS" (détenu particulièrement signalé), Francis D. est suivi pour des troubles psychiatriques et a déjà fréquenté une vingtaine de prisons différentes. Mardi, il est passé à l'acte au moment du repas, alors qu'il était chargé de distribuer le dîner aux autres détenus. "On avait des consignes de suivi un peu plus rapproché, pour autant, on n'avait pas de signe de radicalisation", note auprès d'Europe 1 Emmanuel Guimaraes, délégué national FO Pénitentiaire. "Lorsqu'il s'est retrouvé isolé avec mes deux collègues, c'est là qu'il a dû sortir une arme…" Un pic artisanal, fabriqué dans sa cellule. Comme d'habitude.