Vanick Berberian, à droite, présente ses doléances à Emmanuel Macron 5:43
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Europe1.fr
Le congrès des maires ruraux de France se tient à Eppe-Sauvage (Nord) du 20 au 22 septembre. Patrick Cohen a interrogé, sur Europe 1, Vanick Berberian, le président de l'Association des maires ruraux de France.
INTERVIEW

Vanick Berberian, le président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), était sur Europe 1 samedi pour commenter la décision de l'Etat de de créer des licences 4 dans les bistrots. Ces licences permettent aux bistrotiers de vendre de l'alcool. L'Etat n'en créait plus depuis des années et les licences se revendaient alors entre professionnels à prix d'or. Cette décision, annoncée par le premier ministre Edouard Philippe vendredi, est salué par Vanick Berberian.

"Il ne faut pas limiter ce vaste plan qui comprend 173 propositions à la question des licences mais vous avez raison, c’est important. On sait bien que dans un village, la vie s’exprime à travers les lieux qui sont partagés par des gens qui ne vivent pas forcément ensemble. Par excellence, le bistrot ou le café du village est un lieu où l’on se retrouve, où l’on discute, où l’on se parle et donc le fait de vouloir faciliter la réouverture de bistrots dans les petites communes est vraiment une très bonne idée", analyse-t-il.

"J'ai dit à Emmanuel Macron qu'il fallait un grand plan de développement des bistrots, tout le monde a ri"

Il poursuit : "C’est quelque chose que nous avions proposé car nous sommes conscients que ça peut apporter une dynamique de village. Quand le président de la République a visité ma commune en février, nous étions justement en travaux pour installer un nouveau bistrot. Je lui ai dit qu’il fallait envisager un grand plan de développement des bistrots. Tout le monde a ri évidemment mais au-delà de la boutade, c’est vraiment très utile".

Les licences 4 se transmettent entre professionnels, souvent à des prix exorbitants. Et quand un bistrot baisse le rideau, c'est souvent définitif. A quelques rares exceptions près. Vanick Berberian explique : "Le prix des licences est exorbitant selon les endroits. Il y a vraiment une course à la recherche de licence. C’est la raison pour laquelle, pardon de revenir à ma commune, nous avons pu racheter la licence de la précédente propriétaire qui partait à la retraite. La licence allait se perdre. Elle voulait absolument que la licence reste dans notre village donc elle nous l’a vendue à un tout petit prix. Je l'en remercie".

"Pourquoi les bistrots ont-il fermé les uns après les autres ?"

Aujourd'hui, sur les 32.000 communes françaises, 26.000 n'ont plus de cafés ou de bistrots. Alors ce plan de création de licences va-t-il être suffisant ? Comment faire revenir les gens au cœur de villages désertés ? Pour le président de l'AMRF, la réponse est multiple : "Il n’y a pas que la question de la licence. Il y avait la question sanitaire de la diminution de la consommation d’alcool, entre autres. Il y avait aussi la nécessité de répondre à l’évolution des modes de vie d’aujourd’hui. Les gens vont dans les grandes surfaces remplir leur caddie d’apéritifs et font les apéros chez eux. Quand je disais qu’il faut regarder l’intégralité des choses, je pense aussi à la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique). Pour diffuser de la musique dans un bistrot, il faut payer des droits d’auteur ce qui est tout à fait légitime, mais le seuil est à partir de 1.000 habitants et c’est très cher. Une commune qui a 200 ou 300 habitants ne peut pas se payer le luxe de payer ces droits".

"Ce sont les rares lieux où les gens se rencontrent"

Certains opposants à cette mesure font valoir qu'en France, l'alcool fait 40.000 morts par an. Surtout, est-ce que les villages n'ont pas davantage besoin du retour de services publics de qualité par rapport au retour des bistrots ? Vanick Berberian retourne la question : "Ne pensez-vous pas que le bistrot a une fonction de service public ? Dans un bistrot, on n’est pas obligé de boire de l’alcool. C’est mon cas, je ne fume pas et je ne bois pas d’alcool, sauf un apéro de temps en temps, à table. Il y a aussi tout un tas de boissons non alcoolisés".

Il conclut enfin : "Il faut sortir des clichés comme ‘la Bretagne, c’est des alcoolos, les gens des campagnes sont tellement dans la déprime qu’ils passent leur temps à boire et à fondre leurs larmes dans du pinar !’. Ce sont des images anciennes. Ce qui nous intéresse, c’est la relation sociale qui peut se nouer à partir de ces lieux, qui sont les rares lieux où les gens se rencontrent".