Dans les Ehpad, "il faut un dialogue" pour concilier restrictions et accompagnement

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Antoine Terrel

Dans son livre "L’adieu interdit", la psychologue clinicienne Marie de Hennezel revient sur la gestion de la crise du coronavirus dans les Ehpad, où les restrictions sanitaires ont empêché de nombreuses familles de dire adieu à leurs proches en fin de vie. Au micro d'Europe 1, elle plaide pour une meilleure adaptation "aux cas particuliers". 

Pour beaucoup de familles endeuillées, la première vague de l'épidémie de coronavirus et le confinement ont été vécus comme de véritables traumatismes, en raison des strictes règles sanitaires les empêchant d'assister aux derniers instants de leurs proches, notamment dans les maisons de retraite, où à leurs funérailles. Ce sujet est au cœur du livre de la psychologue clinicienne Marie de Hennezel, L’adieu interdit, invitée dimanche d'Europe 1.

Sur l'accompagnement des personnes en fin de vie en temps d'épidémie, "il faut être très vigilant", estime-t-elle, "parce qu'effectivement, la peur peut dominer", comme lors de la première vague, avec "une frontière très nette entre des lieux, des maisons de retraite où la peur a dominé sur l'humain, et où il y a eu des restrictions, et d'autres lieux dans lesquels on a agi avec humanité et intelligence. Où on a essayé d'adapter ces consignes en étant au plus près des cas particuliers". 

"Il faut qu'il y ait un dialogue"

Au moment où l'épidémie regagne du terrain sur l'ensemble du territoire, et où de nombreuses restrictions sont réinstaurées, Marie de Hennezel note que la tâche est compliquée pour les directeurs d'Ehpad, avec "un équilibre difficile entre la protection et la liberté". Ces derniers sont souvent tiraillés entre "des familles qui leur reprochent de ne pas être assez rigoriste, et d'autres qui, au contraire, leur reprochent de ne pas les laisser entrer dans les chambres et visiter leurs parents âgés". 

Pour cette spécialiste, "il faut qu'il y ait un dialogue". Et, poursuit-elle, "les directeurs doivent s'adapter aux cas particuliers". Par exemple, pour une personne "qui est dans sa chambre et qui ne peut pas se déplacer dans un lieu collectif pour rencontrer un proche, il faut que la famille puisse entrer dans la chambre avec, bien sûr, toutes les mesures barrières qui s'imposent". Et de conclure : "Il y a une adaptation qui demande du dialogue, qui demande aussi de ne pas être envahi par la peur. Je crois vraiment que dans certains lieux, la peur domine tellement que l'on finit par prendre des mesures qui sont inhumaines."

La possibilité de funérailles différées

Toutefois, précise Marie de Hennezel, "je ne pense pas que ce qui s'est passé au printemps revienne". Reste que depuis le mois de mars, "les soignants ont beaucoup souffert" de cette situation, avec des décisions difficiles à annoncer aux familles. "Il y a du stress post-traumatique chez beaucoup d'eux. Je pense qu'ils sont épuisés (...) que beaucoup d'eux sont en détresse psychologique", assure l'invitée d'Europe 1. Et puis, "il y a aussi toutes les familles qui n'ont pas pu dire au revoir et qui vivent des deuils très difficiles, avec beaucoup de dépression, de culpabilité, de tristesse, de colère". 

Pour toutes ces personnes n'ayant pas pu dire adieu à leurs proches, "on peut faire des funérailles différées", dit encore Marie de Hennezel, reconnaissant que, "bien sûr, ça ne remplacera jamais" les funérailles manquées. "Mais on peut se réunir. Toutes les familles peuvent l'organiser à leur manière, chez elles ou dans une une église, dans un jardin."