Nouvelle-Calédonie : derrière l'accord de Bougival, des gendarmes toujours marqués au fer rouge
L'accord de Bougival visant à refonder les institutions calédoniennes ne fait pas l’unanimité sur le territoire. Tandis que le texte évoque un "État de la Nouvelle-Calédonie" au sein de la République, les tensions restent vives sur l’archipel. Sur la base aérienne de Villacoublay, les pilotes de la gendarmerie racontent le choc de leur engagement lors des émeutes meurtrières de mai 2024.
Décrit comme "historique" par ses signataires et le gouvernement français, le projet d'accord signé à Bougival (Yvelines) entre l'État, des représentants indépendantistes et non indépendantistes est loin de faire consensus en Nouvelle-Calédonie. Signé dans la nuit de vendredi à samedi, le texte prévoit notamment la création d'un "État de la Nouvelle-Calédonie" au sein de la République, une "nationalité calédonienne" et un partage différencié de compétences.
Mais certains critiquent déjà ce texte pour son "flou institutionnel". Les habitants espèrent qu'il permettra de faire baisser la tension, dans un archipel toujours à cran car le souvenir des émeutes de mai 2024 hante encore les esprits. 14 personnes avaient été tuées par balles lors des affrontements, dont deux gendarmes déployés en Nouvelle-Calédonie. Sur la base aérienne de la gendarmerie à Villacoublay, où Europe 1 s'est rendue, le traumatisme des pilotes d’hélicoptère de la gendarmerie, qui ont fait face à un déchaînement de violence est encore palpable.
"On s'est fait tirer dessus"
Des panaches de fumée noire qui surplombent les collines de Nouméa, les pilotages en gilet par balle : "On faisait 5, 6, 7, 8 missions par jour dans un contexte extraordinaire", se rappelle le lieutenant-colonel Bruno.
Les photos défilent sur son ordinateur. "Les morts, ils sont toujours de trop. Et tous les vols que l'on a fait au profit des gendarmes au sol, au profit de la population calédonienne, sont des vols qui marquent. Nos adversaires étaient armés. On a intercepté des communications radio où il disait expressément de nous tirer dessus. On s'est fait tirer dessus", raconte-t-il, rattrapé par l’émotion.
Une crise qui marque "un avant et un après"
C’est d’ici, en région parisienne, que le colonel Mathieu, pilote instructeur et chef de la coordination des opérations a suivi le début de la crise. "Ils avaient un hélico sur place et on a tout de suite l'intention de passer à deux hélicoptères. Et là, on fait face à un défi : projeter à l'autre bout du monde nos hélicoptères, ce qu'on n'avait jamais fait", se souvient-il.
Un EC 145, deux fois plus lourd que le premier appareil prend alors place dans le ventre d’un avion de l’armée de l’air, du jamais vu. Lui est alors envoyé sur l'île avec deux autres pilotes : "J'ai fait mon travail de moniteur sur un type d'Aéronef qui n'a jamais été en service en Nouvelle-Calédonie ! Il a fallu s'adapter au terrain, je ne pouvais pas instruire n'importe où et il y avait finalement très peu de secteurs où cela était possible."
Une crise qui marque "un avant et un après" dit-il, et confirme deux impératifs, celui de renouveler la flotte d’hélicoptères vieillissants et d’en déployer davantage en outre-mer.