Nancy, 39 ans, a été adoptée au Brésil : "Ma plus grande angoisse, c'était d'être à nouveau abandonnée"

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Anaïs Huet , modifié à
Si son arrivée en France à l'âge de 10 ans a été heureuse, Nancy, jeune femme adoptée d'origine brésilienne, a éprouvé plus de difficultés à l'adolescence. Elle s'en est ouverte à Olivier Delacroix, mercredi sur Europe 1.
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Nancy, 39 ans, a été adoptée à l'âge de 10 ans avec sa sœur, au Brésil, par une mère célibataire française. Pourtant choyée, elle a ressenti à l'adolescence la peur d'être à nouveau abandonnée, ce qui a contribué à crisper les relations avec sa mère adoptive. Aujourd'hui apaisée, elle a raconté son histoire à Olivier Delacroix, mercredi sur Europe 1.

"Dès notre départ de l'orphelinat avec notre mère adoptive, quand nous attendions au Brésil nos passeports pour partir en France, ce n'était que des découvertes : l'hôtel, les restaurants, les sorties… Ça s'est amplifié en France parce qu'il y avait encore plus de nouveautés : les chambres, les effets personnels… Tout ce que l'on n'avait jamais eu à l'orphelinat. Pour moi, qui étais une enfant ayant vécu dans la rue à São Paulo, c'était énorme. Notre mère était vraiment très généreuse. Elle nous avait un peu trop gâtées la première année, je m'en rends compte aujourd'hui mais je ne vais pas m'en plaindre.

Quand je repense à mon arrivée en France, je n'ai pas vécu tout de suite le déracinement. J'ai appris très rapidement le français. Je n'avais pas de soucis particuliers, contrairement à ma sœur qui avait beaucoup de problèmes de santé. Après ma première année, j'ai été en pensionnat, puisque ma mère était seule et médecin du travail. Au début, j'avais une psychologue, mais elle ne me servait à rien. Je n'y arrivais pas, ça ne donnait rien. C'est avec l'aide d'un éducateur social que j'ai pu exprimer un peu mes angoisses. La plus grande, c'était d'être à nouveau abandonnée, et de retourner au Brésil. J'avais un sale caractère, et ma mère était elle aussi très têtue. Elle n'acceptait pas que je puisse défendre une mère biologique alcoolique, ou des parents qui nous ont laissées dans la rue, en état de malnutrition.

Aujourd'hui, je suis tombée d'accord avec ma mère, et on peut dire que l'adoption est réussie. J'ai la chance de pouvoir être apaisée par rapport à l'abandon, malgré les carences affectives. Car être adoptée à 10 ans, ce n'est pas la même chose que d'être adoptée à 3 ans. Mais l'adoption, pour moi et ma sœur, a été une réussite."

L'avis de Julien Pierron, vice-président de l'association La Voix des adoptés

"La difficulté à vivre en tant qu'adopté est restée très longtemps tabou. On commence à avoir quelques chiffres sur les échecs d'adoption – quand les enfants quittent le milieu adoptif et sont pris en charge par les institutions. C'est très rare, mais les conséquences sont lourdes.

À la fin des années 70-80, les procédures d'agrément n'étaient pas aussi réglementées qu'actuellement. Si les parents adoptaient à l'international, c'était d'ailleurs parce que c'était nettement plus simple qu'en France.

Les choses ont évolué grâce à des dispositifs juridiques. Il y a une démarche d'agrément qui dure neuf mois, avec des évaluations psycho-médico-sociales. L'idée est de prévenir ces échecs d'adoption, et que l'adoption soit vraiment une mesure de protection de l'enfance, dans le meilleur intérêt de l'enfant."