Julie, 28 ans, battue par son ex-conjoint : "Le jour où il a menacé mes enfants, ce n'était plus possible"

© JACQUES DEMARTHON / AFP
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Anaïs Huet , modifié à
Pendant neuf ans, Julie, 28 ans, a subi les coups de son conjoint, avec qui elle a eu quatre filles. Un soir d'hiver 2017, elle a fini par dire stop, après le geste de trop commis par cet homme. Elle s'en est ouverte à Olivier Delacroix, mardi sur Europe 1.
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Julie, 28 ans, a rencontré son ex-compagnon à l'âge de 19 ans. Quelques mois plus tard, elle tombait enceinte et donnait naissance à leur premier enfant. C'est à ce moment que cet homme qu'elle aimait est devenu violent. Elle a raconté son témoignage bouleversant à Olivier Delacroix, mardi sur Europe 1.

"C'est un homme qui a toujours été impulsif de nature. Mais les premières violences ont commencé lorsque j'étais enceinte de ma première petite fille, qui va avoir huit ans dans deux mois. Je me suis retrouvée au sol, il était allongé sur moi, en train de m'étrangler. Il a lâché ma gorge en me disant : 'Julie, j'ai lâché parce que tes lèvres devenaient violettes'.

Je ne me suis jamais vraiment protégée de ces violences. J'ai toujours pensé que c'était de ma faute, comme beaucoup de victimes de violence, je pense. Je lui trouvais toujours une excuse. Soit il n'allait pas bien, soit j'avais dit un mot de trop, soit j'avais créé la dispute. Alors que non. Maintenant, avec du recul, je comprends que ce n'était pas du tout moi le problème. Sur le moment, je me disais que ça allait passer, que demain serait un autre jour, que ça irait mieux.

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J'ai eu quatre enfants avec mon ex-conjoint. En novembre 2017, je me suis retrouvée à la rue avec mes trois filles. La grande était chez ma maman. Il nous a mises dehors, en plein hiver, dans la neige. Mes filles étaient en pyjama et en chaussettes. Il n'a jamais rouvert la porte. J'ai passé la nuit chez ma mère. Quand j'ai vu mes enfants à la rue, ça a été le déclic, ça m'a fait un électrochoc et je me suis dit qu'il était temps. J'ai pris sur moi pendant des années, mais le jour où il a menacé mes enfants, ce n'était plus possible.

En neuf ans de relation, ça a toujours été des violences, aussi bien physiques que verbales. Il avait réussi à me couper du monde. Je n'avais plus personne autour de moi à part mes parents, et encore, ils étaient devenus de trop. Il ne supportait plus que je les côtoie.

J'ai porté plainte après qu'il m'ait mise à la porte. Il a été placé sous contrôle judiciaire en décembre 2017. L'audience a eu lieu le 3 septembre 2018. Il a été condamné à douze mois de prison, dont neuf mois fermes, avec deux ans d'interdiction de m'approcher ou de rentrer en contact avec moi, par quelques moyens que ce soit. Il a également été soumis à deux ans de soins psychologiques et addictifs, car c'est une personne qui se drogue et boit énormément.

Il a fait appel de la décision. Le problème, c'est que je suis toujours dans le logement où nous vivions, lui, moi et mes quatre enfants. C'est un peu compliqué à gérer, car sa famille me harcèle énormément. Elle n'accepte pas la peine qui lui a été infligée.

Je me sens quand même fière de moi d'avoir osé sauter le pas."

 

L'avis d'Alain Legrand, psychologue et président de la Fnacav*

"Il n'y a pas de profil type d'auteur de violences, mais on peut au moins distinguer deux grandes catégories : des hommes violents qui sont dans la domination et utilisent des processus pervers pour soumettre et conduire l'autre à exécuter ce qu'ils désirent. L'autre cas de figure, ce sont les auteurs de violence qui ont du mal à gérer leurs émotions, les conflits, et 'pètent un plomb'.

Pour mieux lutter contre les violences conjugales, il faut aussi s'occuper des auteurs. La condamnation ne suffit pas. Au mieux, pour ceux qui vont arrêter les violences physiques, ils feront subir davantage de violences psychologiques. Il faut donc intervenir à d'autres niveaux.

Le suivi psychologique peut se faire pour les justiciables, ou pour les non justiciables, donc les 'volontaires'. Je mets des guillemets car beaucoup de volontaires viennent pour que leur conjointe revienne ou ne parte pas. Il y a une forme de contrainte qui les oblige à venir. Pour les justiciables qui sont des primo-délinquants et qui ont commis des violences 'légères', on va proposer des stages de responsabilisation, où pendant trois jours, ils vont voir ce qui se passe pour les victimes et les enfants témoins de ces violences. 

Il existe également des groupes de parole et des accompagnements individuels plus thérapeutiques. 

* La Fnacav est la Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d'auteurs de violences conjugales et familiales. Elle est joignable au 01.44.73.01.27.