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Déjà mise en échec, la majorité numérique à 15 ans a-t-elle une chance d'aboutir ?

Ophélie Artaud . 3 min

Ce jeudi, une proposition de loi visant à "instaurer une majorité numérique à l'âge de 15 ans et à lutter contre la haine en ligne" a été adoptée à l'Assemblée nationale. Si elle doit encore passer au Sénat, celle-ci vise à réaffirmer l'âge de la majorité numérique à 15 ans et à empêcher les jeunes en dessous de cet âge de s'inscrire sur les réseaux sociaux sans l'accord de leurs parents. Mais est-ce possible ?

Faut-il considérablement limiter l'accès aux réseaux sociaux aux jeunes de moins de 15 ans ? Ce jeudi, une proposition de loi déposée par le député du groupe Horizons Laurent Marcangeli a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale. Si elle doit encore être votée devant le Sénat avant d'être définitivement adoptée, celle-ci vise à "instaurer une majorité numérique à l'âge de 15 ans et à lutter contre la haine en ligne". Prenant en compte les risques qui découlent de l'utilisation quotidienne des réseaux sociaux par les jeunes, notamment ceux liés à la santé mentale , ainsi que la question du cyberharcèlement, le député considère qu'il "est du devoir du législateur d’intervenir pour fixer un âge, seuil de maturité nécessaire à partir duquel un mineur est apte à pouvoir s’inscrire seul, avec un consentement éclairé, sur une plateforme sociale."

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"En dessous de ce seuil, les plateformes devront recueillir la preuve de l’autorisation d’au moins un des titulaires de l’autorité parentale", peut-on lire dans la proposition de loi.

La majorité numérique à 15 ans, une notion qui existe déjà mais qui n'est pas appliquée

Mais est-il réellement possible de faire respecter cette majorité numérique à l'âge de 15 ans, notamment par les plateformes ? Car la majorité numérique existe déjà. En effet, 15 ans correspond au seuil fixé en 2018 par la Loi Informatique et libertés et à l'âge à partir duquel une personne est propriétaire de ses données personnelles et de son image et peut accepter, sans accord parental préalable, que les sites et plateformes y aient accès. Autrement dit, théoriquement, depuis 2018, un mineur de moins de 15 ans ne devrait pas pouvoir s'inscrire sur un réseau social sans l'accord de ses parents. 

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Pour Justine Atlan, directrice générale de l’association E-enfance et du numéro national 3018 pour les victimes de violences numériques*, "cette proposition de loi permettrait d'enfoncer un peu le clou de la loi de 2018 en élargissant à autre chose que la seule collecte des données personnelles. L'objectif est de réaffirmer qu'avant 15 ans, un mineur ne doit pas pouvoir faire tout seul un certain nombre de choses sur les réseaux sociaux. Cela va plutôt dans le sens de faire appliquer une loi qui existe déjà mais qui ne l'est pas en réalité."

Une loi qui n'est pas respectée, notamment parce que les plateformes ne vérifient pas l'âge des utilisateurs au moment de l'inscription. Il suffit en effet d'entrer un âge au-dessus de 13 ans - âge à partir duquel les réseaux sociaux autorisent les jeunes à s'inscrire sans accord parental - pour pouvoir y accéder. "Le problème avec la loi de 2018, c'est que les plateformes ont interprété le texte et ont constaté un vide juridique qui leur a donné l'impression qu'elles avaient le choix" de contrôler ou non l'âge des usagers. "Force est de constater que la loi n'est pas suffisante et qu'il faut peut-être aller un peu plus loin. Cela permettrait de renforcer la responsabilité des plateformes", avance Justine Atlan.

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Comment vérifier l'âge des utilisateurs sur les réseaux sociaux ?

Pour l'État, la difficulté est de savoir comment faire en sorte que les plateformes vérifient l'âge de tous les utilisateurs sans porter atteinte aux données personnelles . "C'est un problème auquel la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) réfléchit depuis de nombreuses années car demander directement aux plateformes de vérifier l'âge des utilisateurs, et donc d'avoir accès à des données personnelles sensibles, n'est pas souhaitable. La seule solution préconisée par la Cnil est de passer par une instance tiers de confiance", explique Sophie Jehel, maitresse de conférences en Sciences de l’information et de la communication à Paris 8 et auteure de L’adolescence au cœur de l’économie numérique (2022, édition Ina).

La même question se pose d'ailleurs actuellement pour savoir comment empêcher l'accès aux mineurs aux sites pornographiques . Le gouvernement prévoit de tester en mars un système de vérification d'âge en "double anonymat". C'est ce même procédé qui pourrait être utilisé sur les réseaux sociaux. Ainsi, si cette loi est votée, les jeunes de moins de 15 ans ne pourraient plus s'inscrire sur les réseaux sociaux sans l'accord de leurs tuteurs légaux, ce qui permettrait aussi "aux parents d'être davantage acteurs de la vie numérique de leurs enfants", conclut Justine Atlan.

* L'association E-enfance a pour mission de protéger les mineurs sur internet et d'informer sur les potentiels dangers numériques. Elle opère le numéro national 3018 qui accompagne parents, enfants et adolescents sur toutes les questions liées aux usages numériques des jeunes et aux violences numériques (cyberharcèlement, revenge porn, chantage, exposition à des contenus violents...). Numéro disponible 7 jours sur 7, de 9h à 23 h, gratuit et anonyme.

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