La crise de l'hôpital vue par les patients longue durée : "On a l’impression d’être un numéro"

© GUILLAUME SOUVANT / AFP
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Romane Hocquet, édité par Romain David , modifié à
REPORTAGE - Europe 1 a donné la parole aux patients, habitués des hôpitaux, et qui racontent la lente dégradation des services, soumis à la fois au manque de moyens et à l'augmentation du nombre de malades à traiter.
REPORTAGE

Le président de la République a promis un électrochoc pour l'hôpital public en crise depuis des mois. Le gouvernement présente mardi un plan d'urgence supposé répondre aux problématiques largement dénoncées par les personnels hospitaliers : manque de moyens, d'effectifs, fermeture de lits... Mais Europe 1 a également choisi de donner la parole aux patients atteints d’affections longue durée, habitués des services hospitaliers, et qui ont vécu presqu’au quotidien, année après année, l’engorgement et la détérioration du système de soins public.

Au niveau -3 du CHU d’Auxerre, dans le service de dialyse, treize lits sont alignés dans une grande salle, et tous sont occupés. Au fond, celui de Ludovic, 41 ans, qui depuis huit ans vient presque tous les jours à l'hôpital. "Les infirmières que l’on a connu enthousiastes sont aujourd’hui à fond dans leur travail, et n’ont plus le temps de parler. Il y avait un autre lien, qui maintenant n’existe plus", raconte ce patient à Europe 1. "On a l’impression d’être un numéro, ça me peine énormément."

Et il suffit de rester une heure dans ce service pour voir l’illustration des propos de ce patient : les deux infirmières ne cessent de multiplier les allers-retours entre des malades de plus en plus nombreux. En dix ans, le service est passé de 80 à 130 personnes dialysées.

Des patients traités à la chaîne

Dans certains services la pression est autrement plus forte, et la colère des patients palpable. Habituée du service des urgences de cet hôpital depuis son enfance, Francine, 50 ans, se dit exaspérée par les conditions d’accueil."C'est plus ce que c'était. Même si ça n’était pas plus rapide, je regrette l'hôpital d'avant", explique-t-elle. "Les personnels n’en peuvent plus, alors j’ai l’impression qu’ils expédient."

 

Cette dégradation du service hospitalier ne concerne pas seulement les établissements de taille moyenne en campagne, mais aussi les grands hôpitaux en métropole. Atteint d’une sclérose en plaques, Guillaume est suivi depuis 20 ans dans une dizaine d'hôpitaux parisiens. Il l’assure, depuis quelques années la qualité des soins pâtit du manque d'effectifs et de places. "On accélère même la perfusion car quelqu'un derrière attend votre siège, alors qu’avant on pouvait rester toute l’après-midi. Ça donne des vertiges quand on perfuse trop rapidement", raconte-t-il. "Il y a toujours un risque d'erreur, et moi j'ai subi une d'erreur et failli mourir. J'essaye de comprendre les médecins mais avec le temps, je commence à me lasser un peu."

Une lassitude partagée dans les couloirs. "Ce manque de moyens, ça n’est pas notre problème. Nous, on a juste besoin d'être soigné", conclut un patient.