Policier 1:44
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William Molinié , modifié à
Selon les informations d’Europe 1, une trentaine de policiers du service de la protection (SDLP) chargés de sécuriser les personnalités menacées et les candidats à la campagne présidentielle ont déposé un recours au mois de décembre devant le Conseil d’Etat. Au cœur de leur doléance, l’éternel sujet des heures supplémentaires non payées au sein de la police nationale.
INFO EUROPE 1

Maintes fois épinglée pour sa gestion kafkaïenne des heures supplémentaires, la place Beauvau se retrouve à nouveau empêtrée dans ce labyrinthe administratif. Alors que le stock d’heures supplémentaires dans la police était évalué à plus de 24 millions d’heures, selon un rapport de la cour des comptes de 2019, les policiers du service de la protection (SDLP) cumulent à ce jour, selon nos informations, environ 4 millions d’heures. C’est le service qui, proportionnellement par rapport au nombre d’effectifs, engrange le plus d’heures supplémentaires au sein de la police nationale.

Une nécessité, affirment les cadres de la police nationale, liée à leur mission bien particulière. Ces agents, environ 600, sont des experts de la protection rapprochée et doivent suivre 24h/24, 7j/7 les personnalités menacées. Cela va des juges d’instruction en charge de dossiers extrêmement sensibles, la protection des membres du gouvernement ou des chefs d’Etat étrangers de passage en France, jusqu’à des missions plus ponctuelles liées à l’actualité. Des réorganisations en interne ces dernières années – une semaine travaillée, une semaine de repos – n’ont pas permis de juguler le compteur d’heures supplémentaires qui a ainsi explosé.

2022 : annus horribilis pour le SDLP

Dès le 4 mars prochain et le dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle, les aspirants à l’Elysée vont bénéficier d’une protection rapprochée en fonction du niveau de menace qui pèse sur leur épaule après une évaluation réalisée par l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat) sous l’égide de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Une nouvelle charge qui va s’ajouter à celle, plus ponctuelle, des événements de la présidence française de l’union européenne (PFUE).

C’est dans ce contexte que 113 de ces policiers, dont le travail est régulièrement et publiquement remercié par les personnalités qui bénéficient de leur service, ont porté il y a quelques mois un recours gracieux devant la hiérarchie policière. Une demande restée lettre morte. Selon nos informations, 33 policiers ont poursuivi l’action devant la justice administrative. Ils ont déposé un recours devant le Conseil d’Etat le 21 décembre dernier, qui à notre connaissance n’a pas encore été audiencé.

Incapacité à purger ces heures supplémentaires

Ces policiers réclament l’annulation d’une instruction du 9 juillet 2021 relative à "une campagne d’indemnisation des heures supplémentaires". En clair, l’administration leur a imposé le paiement de leurs heures supplémentaires sur un plafond quatre fois supérieur au seuil des autres personnels de la police nationale. "Tout cela a entraîné des conséquences fiscales désastreuses", regrette Me Patrick Chabrun, l’avocat qui porte l’affaire devant le conseil d’Etat.

Certains ont par exemple vu leur revenu fiscal de référence exploser, fermant ainsi leurs droits au bénéfice d’allocations ou d’aides sociales comme le tarif des centres de loisir, la cantine, les loyers sociaux… "On parle ici de fonctionnaires qui ont une grande ancienneté et qui ont donc fait preuve d’une très grande disponibilité et adaptabilité au profit du service. Il est très étonnant que la hiérarchie n’ait pas eu conscience des conséquences de cette instruction sur le sort de chacun d’entre eux. C’est perçu comme un manque de considération de leur travail", poursuit Me Chabrun.

Selon nos informations, certains agents cumulent parfois plus de 15.000 heures supplémentaires dans leur compteur, soit l’équivalent de plusieurs années de travail. Au-delà du cas particulier de ce service, ce recours devant la plus haute justice administrative montre l’incapacité, jusqu’à présent, de la Place Beauvau à régler cette question. Alors que quasiment tous les ministres qui se sont succédés ces dernières années ont promis publiquement de prendre ce problème à bras le corps.