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Romain David
Au regard de l'agitation sociale des derniers jours, le sociologue Jean-François Amadieu évoque sur Europe 1 les contours possibles de la grève du 5 décembre, initialement lancée dans les transports contre la réforme des retraites.
ON DÉCRYPTE

Après les violences samedi à Paris, à l’occasion du premier anniversaire de la mobilisation des "gilets jaunes", la date du 5 décembre apparaît désormais sur le calendrier comme le prochain grand jalon de la grogne sociale. La grève interprofessionnelle prévue dans les transports, contre la réforme des retraites, pourrait en effet donner lieu à une "contagion des colères". Alors que sur les réseaux sociaux plusieurs collectifs de "gilets jaunes" appellent déjà à rejoindre la mobilisation, dans les universités, où des jeunes se sont mobilisés pour dénoncer la précarité étudiante après l’immolation de l’un d’entre eux à Lyon, des actions sont prévues au fil des deux prochaines semaines. Au regard des ces différents éléments, Jean-François Amadieu​, sociologue spécialisé dans l'étude des mouvements sociaux, évoque pour Europe 1 les contours possibles de la mobilisation du 5 décembre.

La crainte des black blocs

Pour cet universitaire,​ le faible taux de participation lors de l'"acte 53" des "gilets jaunes" (28.000 personnes selon le ministère de l’Intérieur) écarte le risque d’un effet "gilet jaune" qui viendrait potentiellement gonfler les rangs de la mobilisation du 5, même si la présence d’éléments radicalisés, samedi, laisse craindre certains dérapages. "Il n’y a pas eu de rebond de la participation, cependant, on retrouve ce que l’on a connu samedi après samedi : la présence de militants d’ultra gauche, autonomes, d’anarchistes, ce que l’on appelle les black blocs", note ce spécialiste au micro de Matthieu Belliard, dans la matinale d'Europe 1. "C’est un sujet d’inquiétude pour le 5 décembre, cela introduit un élément nouveau par rapport à ce que l’on connaissait avant dans les conflits."

Un mouvement étudiant encore très limité

Jean-François Amadieu ne croit pas non plus qu’une participation des étudiants puisse jouer un rôle déterminent le 5 décembre, dans la mesure où le mouvement de protestation est encore largement circonscrit à certains établissements. "En dehors d’une tentative d’occupation dans une université à Lyon, ça n’a pas pris ailleurs. Il faut toujours se méfier car, dans les universités, ça peut prendre plusieurs jours. Pour le moment, il n’y a pas tellement de signes en ce sens", explique-t-il.

Néanmoins, une série d’assemblées générales sont prévues dans des facultés à Paris, à Saint-Denis, à Nanterre et à Toulouse, cette semaine. Mais pour notre sociologue, le mouvement peine encore à trouver un mot d’ordre susceptible de rallier l’ensemble des étudiants. "Ce qui manque sans doute, c’est un ingrédient commun. Certes, il y a la précarité, mais tous les étudiants ne sont pas concernés."

La menace de grèves sans préavis

À ce stade, l’élément central de la mobilisation du 5 décembre reste donc les grévistes dans les transports. "Si une grève Ratp/SNCF n’est pas totalement intersyndicale, elle est plus facile à gérer. Ça peut rouler", pointe Jean-François Amadieu​. Nombre de syndicats dans les transports ont toutefois déjà déposé un préavis de grève : CGT, FO, FSU, Solidaires, FIDL, MNL, UNL et Unef ont signé un communiqué commun, et SUD-Rail, l’Unsa ferroviaire et la CGT-Cheminots ont également appelé à une grève reconductible. À ce stade, seule la CFDT refuse de se joindre à la mobilisation.

"Récemment, sont réapparus des grèves sans préavis, soit sous la forme de droit de retrait, soit sans préavis tout court", relève également Jean-François Amadieu. "C’est un élément nouveau, ça n’était plus le cas depuis la loi 2007 (Loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports, ndlr). "Cette manière de rentrer dans le conflit occasionne une gêne importante et la gestion est plus compliquée pour les pouvoirs publics", conclut-il.