EXCLUSIF - Le pôle «cold cases» a-t-il les moyens d'agir ? Pas encore, selon la juge Kheris

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Le tribunal de Nanterre accueille un pôle destiné aux affaires classées. (Illustration) © BERTRAND GUAY / AFP
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Depuis le 1er mars, le pôle judiciaire national dédié aux "crimes non élucidés, sériels et complexes" est officiellement opérationnel. En attendant un premier point d'étape officiel, Sabine Kheris, la magistrate qui le coordonne, explique auprès d’Europe 1 son engagement. Elle réclame que les moyens promis soient mis à la disposition des magistrats et des enquêteurs.
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Elle est la doyenne des juges d'instruction à Paris mais reste une inconnue du grand public. Depuis le 1er mars dernier, la juge Sabine Kheris pilote officiellement le nouveau pôle judiciaire consacré aux "crimes non élucidés, sériels et complexes". Au sein du tribunal judiciaire de Nanterre, ce pôle "cold cases" a vocation à traiter des affaires venues de toute la France, pour permettre à ces dossiers de "rester vivants judiciairement" selon les mots du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti.

Sabine Kheris a pour cela une solide expérience sur laquelle s’appuyer : huitième juge en charge de l’affaire Estelle Mouzin, c’est elle qui avait réussi en 2020 à obtenir des aveux du tueur en série Michel Fourniret. Mais pour faire avancer d’autres "cold cases" et au-delà des effets d’annonce, la juge Kheris sort de son silence pour la première fois et le dit aujourd’hui sans détour dans des propos confiés à Europe 1 : elle a besoin de plus de moyens.

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Sabine Kheris, qui s’est toujours tenue à un très strict respect du secret de l’instruction dans le cadre de ses fonctions, n'est pas coutumière des prises de position dans les médias. Mais dans ses nouvelles fonctions, elle mesure plus que jamais l'attente des justiciables : "Le but de la création de ce pôle est avant tout d’apporter des réponses à de nombreuses familles qui se sentent souvent oubliées de la Justice", explique-t-elle dans une réponse écrite à nos questions.

L'impossibilité de mettre en place "des méthodes innovantes"

"Nous commençons à être saisis de dossiers, mais pour l’instant le manque de moyens matériels ne nous permet pas encore de mettre en place les méthodes innovantes qui sont indispensables pour le traitement de ces dossiers complexes et anciens", résume-t-elle. Au sein du pôle "cold cases", pour permettre à ces enquêtes non résolues d’aboutir enfin, une équipe de magistrats dédiés a été nommée, entourés de greffiers et d'assistants spécialisés. L’objectif : parvenir à établir des liens entre des dossiers parfois éloignés géographiquement et à mieux identifier des modes opératoires de criminels afin de faire des rapprochements.

"Nous espérons, grâce à l’expérience que nous avons acquise et les techniques scientifiques que nous avons utilisées dans le dossier d’Estelle Mouzin, pouvoir élucider d’anciens dossiers", précise encore Sabine Kheris. Selon les informations recueillies par Europe 1 avant une communication officielle, sept dossiers sont actuellement entre les mains des juges d'instructions, dont deux ont été transmis au cours des derniers jours par le parquet de Nanterre.

Plusieurs dizaines d'autres affaires sont en cours d’examen. Un bilan qui reste très éloigné des annonces faites au moment de la création du pôle, où le chiffre de 240 affaires avait été évoqué. Selon Me Didier Seban, l’un des avocats du père d’Estelle Mouzin invité d’Europe 1 mardi matin, les familles de victimes devraient à leur tour se mobiliser rapidement pour exiger de réels moyens dédiés au pôle "cold cases". Pour elles, la vérité est à ce prix.