Le rythme de travail des soignants augmente en raison des postes vacants. 1:45
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, édité par Jonathan Grelier , modifié à
Alors que les signes d'une reprise soutenue de l'épidémie se confirment chaque jour un peu plus, les soignants expriment de nouveau leur mécontentement sur les conditions d'exercice de leurs métiers. En juillet, le Ségur de la santé a injecté des milliards d'euros dans l'hôpital, mais le malaise dure. Europe 1 fait le point.
DÉCRYPTAGE

Le président de la République Emmanuel Macron a défendu mardi "l'engagement fort" du gouvernement pour améliorer les conditions de travail des soignants au cours d'un échange animé avec des personnels d'un hôpital parisien. Ceux-ci réclament des moyens et des augmentations salariales plus importantes, alors que l'épidémie de Covid-19 reprend en France. Plus de bras, plus d'argent... Les revendications actuelles des soignants ressemblent étrangement à celles qui précédaient le Ségur de la santé. Malgré les milliards promis pour le système sanitaire à l'issue de cette consultation, ces professionnels se disent toujours insatisfaits. Europe 1 fait le point sur les raisons de cette colère qui dure.

Une augmentation des salaires vécue comme un rattrapage

Au terme du Ségur de la santé, en juillet dernier, 8,1 milliards d'euros ont été débloqués pour l’hôpital public. L'accord inclut entre autres une augmentation de 183 euros en net par mois pour chaque soignant, hors médecins. "C’est un gros effort, on en est conscients", a confié à Europe 1 un médecin membre du collectif inter-hôpitaux.

Pour autant, les soignants peinent à se sentir bien lotis avec ces rallonges. Et pour cause : "Ça nous permet juste de rattraper la moyenne des salaires dans le monde hospitalier des pays de l’OCDE", a ajouté le médecin.

Des conditions de travail difficiles

Certes, le ministre de la Santé Olivier Véran avait promis 15.000 embauches au moment du Ségur de la santé : 7.500 recrutements pour pourvoir les postes vacants et 7.500 postes supplémentaires. Dans les faits, on est encore très loin du compte. "On a des trous partout dans nos plannings", raconte un chef de service d’un hôpital marseillais. "On prend des intérimaires. On comble les manques comme on peut, mais concrètement, on a moins de bras qu’en février-mars".

Et des postes vacants, il y en a dans toutes les spécialités. Selon des estimations, il y en aurait 27% en chirurgie et en médecine générale, 28% en psychiatrie et jusqu’à 40% en radiologie. D'où une cadence infernale pour le personnel restant.

Celle-ci s'accroît d'autant plus que les hôpitaux cherchent également à éviter au maximum les déprogrammations de soins hors Covid-19. "On va garder une activité non Covid, donc ça veut dire que c'est du personnel qui ne va pas pouvoir venir nous aider", confirme Nicolas, aide-soignant à l’hôpital Tenon à Paris. Pour tenir le rythme, des soignants ne pourront peut-être pas prendre leurs vacances de la Toussaint au sein de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

La lassitude au moment d'affronter la deuxième vague

Plus difficilement quantifiable, un autre élément a aggravé la situation par rapport à il y a encore quelques mois. Il s’agit bien sûr de la première vague de Covid-19. "Des soignants ont été dégoûtés de travailler dans ces conditions en mars-avril", glisse un cadre hospitalier. "Ils ne veulent plus revivre ça. Dès qu’on les rappelle pour venir en renfort, ils nous envoient gentiment balader".

L'attractivité des professions de l'hôpital semble donc pâtir de la gestion de la dernière crise sanitaire. "On a tous les jours des collègues et des infirmières qui s'en vont", observe Anne Gervais, hépatologue à l'hôpital Bichat à Paris et membre du collectif inter-hopitaux. "On a demandé du renfort, sauf qu'on a du mal à recruter également", abonde Sabine, manipulatrice en radiologie à l'hôpital Tenon.

Alors qu'une deuxième vague commence à se dessiner, Anne Gervais estime qu'un autre élément renforce la lassitude des soignants. "On n'aura pas les renforts qu'on a eu de province ou du privé", au moment de la première vague indique-t-elle. En effet, le coronavirus n'est plus localisé dans certaines régions comme en début d'année, mais concerne désormais l'ensemble du territoire.