"C'était vraiment l'enfer", témoigne Marie Scott, une opératrice qui a guidé les soldats du débarquement

Âgée de 17 ans en 1944, Marie Scott vient d'être décorée de la légion d'honneur.
Âgée de 17 ans en 1944, Marie Scott vient d'être décorée de la légion d'honneur. © AFP
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Âgée de 17 ans en 1944, la Britannique Marie Scott était l'une des opératrices radio VHF du "Jour J". Elle raconte ses souvenirs au micro de Matthieu Belliard, sur Europe 1. 
INTERVIEW

"J'étais dans un tunnel, creusé dans la falaise qui donne sur le port de Portsmouth..." Le 6 juin 1944, Marie Scott avait 17 ans. Engagée "aux communications", cette Britannique a vécu le débarquement de l'autre côté de la Manche, guidant les soldats qui arrivaient en Normandie. Elle livre son témoignage au micro de Matthieu Belliard, sur Europe 1, jeudi, à l'occasion de notre journée spéciale pour les commémorations.

"La moitié du ciel de Londres était écarlate"

"J'avais 13 ans quand la guerre a commencé", raconte Marie Scott. "Mes parents n'ont pas voulu fuir pour que ma sœur et moi, on ne manque pas l'école. Ça faisait peur, les bombardements, on voyait le ciel devenir rouge. Quand le port de Londres a été bombardé, la moitié du ciel de Londres était écarlate."

Le tunnel dans lequel la jeune fille se trouve en 1944 constitue "le quartier général des communications pour l'opération overlord". "Il y avait une forme d'excitation, nous savions que c'était une opération de très grande envergure. Mais nous ne savions pas à quel point c'était vital."

"On entendait très distinctement les combats derrière eux"

"J'étais opératrice radio VHF, mais la VHF n'en était qu'à ses débuts, alors c'était un système assez rudimentaire", poursuit Marie Scott. "Les hommes qui recevaient ces messages étaient ceux qui débarquaient sur les plages de Normandie. Quand ils nous répondaient, on entendait très distinctement les combats derrière eux, les bruits des mitrailleuses, les hommes qui criaient. C'était vraiment l'enfer, la confusion était totale, ça devait être terrifiant pour eux car ça l'était pour moi. J'étais quasiment avec eux, sauf que moi j'étais bien en sécurité dans mon tunnel."

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Ce jour-là, Marie Scott travaille "huit ou neuf heures d'affilée". Lorsqu'elle sort du tunnel, elle ne sait rien de la réussite du débarquement. "Je l'ai appris longtemps après ! Je crois que je l'ai su quand les troupes sont arrivées à Caen, un mois plus tard. Et puis trois mois après le débarquement, notre roi, George VI, est descendu pour inspecter le tunnel et voir ce que nous avions traversé. Il nous a tous passés en revue. Et à la fin, il nous a demandé de nous approcher de lui et il nous a remerciés pour notre courage. C'est là qu'on a compris que notre travail avait largement participé au succès de l'opération."

"La paix, ça doit se gagner"

Trois quarts de siècle plus tard, Marie Scott a été décorée de la légion d'honneur en France, mercredi. "J'ai fait le travail qui devait être fait", réagit-elle avec modestie, reconnaissant n'avoir raconté son rôle dans le débarquement que tardivement. "Beaucoup de soldats sont restés silencieux alors qu'ils avaient davantage d'histoires héroïques à raconter." 

Aujourd'hui, l'ancienne opératrice se dit enfin "immensément fière",  "pas seulement pour (elle), mais pour tous les gens avec qui (elle a) travaillé et qui ont fait leur devoir en ce jour mémorable de 1944". "Je suis un peu confuse de recevoir cette médaille car j'étais la plus jeune, je suis probablement l'une des dernières survivantes", sourit-elle. Et d'adresser un message aux jeunes générations : "Battez-vous pour la paix, parce que des centaines de milliers de personnes sont mortes pour les 75 années que nous venons de vivre. C'est un lieu commun de dire ça, on prend ça pour acquis mais on ne devrait pas, la paix ça doit se gagner."