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«1945 : Les survivants» : un podcast Europe 1 sur des photos inédites du retour des déportés

Louise Sallé - Mis à jour le . 3 min
«1945 : Les survivants» : un podcast Europe 1 sur des photos inédites du retour des déportés
«1945 : Les survivants» : un podcast Europe 1 sur des photos inédites du retour des déportés © Europe 1

Il y a quatre-vingts ans, le 8 mai 1945, l’Allemagne nazie capitule. Quelques semaines plus tard, Daniel, 19 ans, juif et résistant, immortalise à Paris les visages d’enfants de retour de déportation, et d’orphelins qui ont vécu la guerre cachée. Europe 1 se plonge dans la vie et les archives exceptionnelles du photographe Daniel Franck, des clichés tout juste retrouvés dans un tiroir de son appartement. Le podcast est à retrouver sur les plateformes et le site d’Europe1.fr.

Le premier épisode de ce podcast retrace l’enfance d’Abraham Melikhan-Scheinine (qui choisira comme nom, après la guerre, "Daniel Mélihan-Cheinin", et comme pseudo de photographe "Daniel Franck"). Abandonné par sa mère, il est élevé par une nourrice athée, Blanche Renault, dans le Loiret.

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Blanche Renaud, au fond avec des cheveux blancs, juste derrière le petit Abraham, tout à à droite, à Châlette-sur-Loing dans le Loiret.
Blanche Renaud, au fond avec des cheveux blancs, juste derrière le petit Abraham, tout à à droite, à Châlette-sur-Loing dans le Loiret. © Daniel Franck

Abraham, surnommé Manou, est ensuite placé dans un internat israélite à Paris, d’où il prend la fuite en 1942. Juste avant, il décide de poser fièrement sur une photo, avec son étoile jaune :

"Manou", en 1942 à Paris. © Daniel Franck

Manou se cache ensuite à différents endroits en France et entre en résistance. Il choisit "Daniel Béchard" comme nom de couverture. Pendant l’année scolaire 1943-1944, il se cache dans un pensionnat à Castres avec d’autres enfants juifs, tout en allant combattre dans le maquis - l’endroit où se retrouvent les résistants. Dans l’internat, il rencontre Simha Arom, prénommé alors "Fred Aubert" pour cacher son identité juive :

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Simha Arom, dit
Simha Arom, dit "Fred Aubert", dans les rues de Castres en juin 1944. Au dos de la photo est écrit : "À mon ami Daniel, toujours le premier à nous annoncer les bonnes et les mauvaises nouvelles. Bien sincèrement, Freddy" © Daniel Franck

La vie du pensionnat pendant la guerre, où « Fred » et « Daniel » se cachent, est racontée dans le livre Tu leur diras que : Le sauvetage des juifs 1943-1944 aux éditions Nouvelles sources. Un ouvrage écrit par Yves Durand, également interrogé dans le podcast.

La libération

Dans le deuxième épisode, on retrouve Daniel, qui vadrouille entre le Sud de la France et Paris, après un été 1944 très sanglant. Les combats ne sont pas terminés mais cela ne l’empêche pas de se photographier, avec ses amis. Il a 18 ans et sort à peine de l’adolescence :

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DR © Daniel Franck
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DR © Daniel Franck
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DR © Daniel Franck
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DR © Daniel Franck

Le 8 mai 1945, la guerre est enfin terminée. Daniel fête la capitulation de l’Allemagne nazie place de la Concorde à Paris avec Éliane, sa compagne. Éliane Kernbaum espère revoir ses parents : elle s’est enfuie lorsque sa mère a été arrêtée à Paris en 1943. Ses deux parents ont été déportés vers Auschwitz-Birkenau, puis tués dans les chambres à gaz. Mais ça, elle ne le sait pas encore.

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Eliane et Daniel à Paris, en 1947 © Daniel Franck

Le retour des déportés

Le troisième épisode raconte comment Daniel, à Paris, s’essaye au métier de photoreporter. Sur le terrain, en juin 1945, il photographie des enfants de retour de déportation et des jeunes orphelins de guerre. Certains reviennent du camp de Buchenwald où des petits garçons ont miraculeusement survécu grâce à l’aide d’autres détenus. Les autres sont sans doute des enfants qui ont vécu cachés pendant la guerre.

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DR © Daniel Franck
"Aucun de ces enfants, dont certains reviennent du camp de Buchenwald, ne pensait avoir gardé des parents. Donc ils ont l'air un peu hébétés, méfiant, et c'est tout à fait normal parce que les situations qu’ils ont vécu, c'était des situations qui produisaient légitimement de la méfiance." Izio Rosenman, ex-enfant de Buchenwald, analyse ces photos dans l’épisode 3 du podcast. © Daniel Franck
"C'est un adolescent qui fait partie du groupe de rescapés. Il a la particularité de porter un uniforme des jeunesses hitlériennes. Quand les alliés prennent en charge ces enfants à Buchenwald, ce sont les seuls vêtements disponibles pour les habiller" - Tal Bruttman, historien. © Daniel Franck

Plusieurs enfants sont emmenés dans des bus à l’hôtel Lutetia : un palace mis à disposition des rescapés des camps.

Le petit garçon qui figure sur cette photo a été reconnu par des archivistes de l’OSE (l’Œuvre de secours aux enfants) qui a secouru 427 enfants de Buchenwald accueillis en France en juin 1945. Il est pris en charge et sans doute placé dans un bus.
Le petit garçon qui figure sur cette photo a été reconnu par des archivistes de l’OSE (l’Œuvre de secours aux enfants) qui a secouru 427 enfants de Buchenwald accueillis en France en juin 1945. Il est pris en charge et sans doute placé dans un bus. © Daniel Franck
Ces petits garçons au crâne rasé sont vraisemblablement amenés en bus au Lutetia.
Ces petits garçons au crâne rasé sont vraisemblablement amenés en bus au Lutetia. © Daniel Franck

Devant l’établissement, des familles attendent désespérément de reconnaître, parmi les déportés de retour en France, l’un des leurs. Mais leurs espoirs vont rapidement déchanter car les survivants sont très peu nombreux.

"On voit la façade du Lutetia et des listes de noms affichés. L'espoir fou de ces familles, c'est de retrouver un survivant. Malheureusement, ça va être un espoir qui va dégringoler", Lior Lalieu, responsable de la photothèque au Mémorial de la Shoah. © Daniel Franck

La reconstruction

Une poignée de rescapés (5% des déportés juifs reviennent) est là pour raconter ce qu’il s’est passé… Et c’est dur à vivre. Daniel comprend l’horreur à côté de laquelle il est passé. Le quatrième épisode de ce podcast se penche sur le bilan de la guerre, et aux conséquences tirées par le héros de ce récit. Le photographe Daniel Franck (pseudo qui désigne à la fois Daniel et Éliane qui travaillent ensemble) décide de s'intéresser de près à la reconstruction de la communauté juive française après la Shoah. Il suit la naissance du Mémorial du martyr juif inconnu (qui deviendra plus tard "Mémorial de la Shoah") et le combat de Serge Klarsfeld, historien-militant qui lutte pour faire reconnaître la responsabilité de l’État français dans la déportation des juifs de France.

Dans les années 1970, Serge et sa femme Beate Klarsfeld, historiens, se battent pour faire juger des criminels nazis. En 1979, le couple est victime d’un attentat à Paris organisé par l’extrême-droite. Daniel Franck photographie leur voiture déchiquetée.
Dans les années 1970, Serge et sa femme Beate Klarsfeld, historiens, se battent pour faire juger des criminels nazis. En 1979, le couple est victime d’un attentat à Paris organisé par l’extrême-droite. Daniel Franck photographie leur voiture déchiquetée. © Daniel Franck
En octobre 1979 s’ouvre un procès à Cologne, en Allemagne, demandé par les Klarsfeld, contre des responsables de la police allemande qui ont organisé la déportation des juifs de France. Une manifestation est organisée par d’anciens déportés en tenue rayée. Beate Klarsfeld est au premier rang, vêtue d’un manteau de fourrure.
En octobre 1979 s’ouvre un procès à Cologne, en Allemagne, demandé par les Klarsfeld, contre des responsables de la police allemande qui ont organisé la déportation des juifs de France. Une manifestation est organisée par d’anciens déportés en tenue rayée. Beate Klarsfeld est au premier rang, vêtue d’un manteau de fourrure. © Daniel Franck

En parallèle de cette aventure journalistique et militante, Daniel et d’autres "survivants" s’enferment dans un mutisme douloureux, et ne parlent jamais de ce qu’ils ont vécu pendant la guerre. Cette souffrance, qui se manifeste parfois sous forme de colère, est difficile à vivre en famille… Jusqu’à sa mort, en février 2025.

Écriture et présentation : Louise Sallé, à partir des photos de Daniel Franck

Réalisation : Christophe Daviaud

Archives : Sylvaine Denis, Laetitia Casanova et Antoine Reclus

Promotion et coordination des partenariats : Marie Corpet

Visuel : Sidonie Mangin

Un grand merci à Franck, Eric et Pascal Mélihan-Cheinin, les trois fils de Daniel et Eliane, pour leur confiance. Merci aux intervenants pour leur témoignage et leur éclairage : Sandrine Swarcz de l’Institut Elie Wiesel, Lior Lalieu du Mémorial de la Shoah, Simha Arom, l’historien Laurent Joly, Beate et Serge Klarsfeld, l’historien Tal Bruttmann, et Izio Rosenman. Enfin, merci au petit-fils de Daniel Franck pour sa relecture et son soutien, Nicolas Mélihan-Cheinin.