«1945 : Les survivants» : un podcast Europe 1 sur des photos inédites du retour des déportés

Il y a quatre-vingts ans, le 8 mai 1945, l’Allemagne nazie capitule. Quelques semaines plus tard, Daniel, 19 ans, juif et résistant, immortalise à Paris les visages d’enfants de retour de déportation, et d’orphelins qui ont vécu la guerre cachée. Europe 1 se plonge dans la vie et les archives exceptionnelles du photographe Daniel Franck, des clichés tout juste retrouvés dans un tiroir de son appartement. Le podcast est à retrouver sur les plateformes et le site d’Europe1.fr.
Le premier épisode de ce podcast retrace l’enfance d’Abraham Melikhan-Scheinine (qui choisira comme nom, après la guerre, "Daniel Mélihan-Cheinin", et comme pseudo de photographe "Daniel Franck"). Abandonné par sa mère, il est élevé par une nourrice athée, Blanche Renault, dans le Loiret.

Abraham, surnommé Manou, est ensuite placé dans un internat israélite à Paris, d’où il prend la fuite en 1942. Juste avant, il décide de poser fièrement sur une photo, avec son étoile jaune :

Manou se cache ensuite à différents endroits en France et entre en résistance. Il choisit "Daniel Béchard" comme nom de couverture. Pendant l’année scolaire 1943-1944, il se cache dans un pensionnat à Castres avec d’autres enfants juifs, tout en allant combattre dans le maquis - l’endroit où se retrouvent les résistants. Dans l’internat, il rencontre Simha Arom, prénommé alors "Fred Aubert" pour cacher son identité juive :

La vie du pensionnat pendant la guerre, où « Fred » et « Daniel » se cachent, est racontée dans le livre Tu leur diras que : Le sauvetage des juifs 1943-1944 aux éditions Nouvelles sources. Un ouvrage écrit par Yves Durand, également interrogé dans le podcast.
La libération
Dans le deuxième épisode, on retrouve Daniel, qui vadrouille entre le Sud de la France et Paris, après un été 1944 très sanglant. Les combats ne sont pas terminés mais cela ne l’empêche pas de se photographier, avec ses amis. Il a 18 ans et sort à peine de l’adolescence :





Le 8 mai 1945, la guerre est enfin terminée. Daniel fête la capitulation de l’Allemagne nazie place de la Concorde à Paris avec Éliane, sa compagne. Éliane Kernbaum espère revoir ses parents : elle s’est enfuie lorsque sa mère a été arrêtée à Paris en 1943. Ses deux parents ont été déportés vers Auschwitz-Birkenau, puis tués dans les chambres à gaz. Mais ça, elle ne le sait pas encore.

Le retour des déportés
Le troisième épisode raconte comment Daniel, à Paris, s’essaye au métier de photoreporter. Sur le terrain, en juin 1945, il photographie des enfants de retour de déportation et des jeunes orphelins de guerre. Certains reviennent du camp de Buchenwald où des petits garçons ont miraculeusement survécu grâce à l’aide d’autres détenus. Les autres sont sans doute des enfants qui ont vécu cachés pendant la guerre.



Plusieurs enfants sont emmenés dans des bus à l’hôtel Lutetia : un palace mis à disposition des rescapés des camps.


Devant l’établissement, des familles attendent désespérément de reconnaître, parmi les déportés de retour en France, l’un des leurs. Mais leurs espoirs vont rapidement déchanter car les survivants sont très peu nombreux.

La reconstruction
Une poignée de rescapés (5% des déportés juifs reviennent) est là pour raconter ce qu’il s’est passé… Et c’est dur à vivre. Daniel comprend l’horreur à côté de laquelle il est passé. Le quatrième épisode de ce podcast se penche sur le bilan de la guerre, et aux conséquences tirées par le héros de ce récit. Le photographe Daniel Franck (pseudo qui désigne à la fois Daniel et Éliane qui travaillent ensemble) décide de s'intéresser de près à la reconstruction de la communauté juive française après la Shoah. Il suit la naissance du Mémorial du martyr juif inconnu (qui deviendra plus tard "Mémorial de la Shoah") et le combat de Serge Klarsfeld, historien-militant qui lutte pour faire reconnaître la responsabilité de l’État français dans la déportation des juifs de France.


En parallèle de cette aventure journalistique et militante, Daniel et d’autres "survivants" s’enferment dans un mutisme douloureux, et ne parlent jamais de ce qu’ils ont vécu pendant la guerre. Cette souffrance, qui se manifeste parfois sous forme de colère, est difficile à vivre en famille… Jusqu’à sa mort, en février 2025.
Écriture et présentation : Louise Sallé, à partir des photos de Daniel Franck
Réalisation : Christophe Daviaud
Archives : Sylvaine Denis, Laetitia Casanova et Antoine Reclus
Promotion et coordination des partenariats : Marie Corpet
Visuel : Sidonie Mangin
Un grand merci à Franck, Eric et Pascal Mélihan-Cheinin, les trois fils de Daniel et Eliane, pour leur confiance. Merci aux intervenants pour leur témoignage et leur éclairage : Sandrine Swarcz de l’Institut Elie Wiesel, Lior Lalieu du Mémorial de la Shoah, Simha Arom, l’historien Laurent Joly, Beate et Serge Klarsfeld, l’historien Tal Bruttmann, et Izio Rosenman. Enfin, merci au petit-fils de Daniel Franck pour sa relecture et son soutien, Nicolas Mélihan-Cheinin.