Si les ex-otages ont reconnu qu'ils auraient dû "éviter" de se rendre au Bénin, ont-ils vraiment pris des risques ? 1:33
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Claudia Bertram, édité par Marthe Ronteix avec AFP , modifié à
Au lendemain du retour des deux ex-otages français libérés au Burkina Faso, une polémique enfle sur leur imprudence. Mais la zone dans laquelle ils ont été enlevés était-elle réellement classée comme fortement déconseillée ?
ON DÉCRYPTE

Les deux Français enlevés le 1er mai au Bénin et libérés dans la nuit de jeudi à vendredi par les forces spéciales françaises ont atterri en France samedi après-midi. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian a déclaré à leur arrivée que "les conseils aux voyageurs doivent être respectés intégralement". Sur Europe 1, il avait également affirmé que les deux touristes ont pris "des risques majeurs" en se rendant dans la zone où ils ont été enlevés. Mais des questions se posent quant à ces risques. 

Une zone frontalière classée rouge... après l'enlèvement

Depuis décembre 2018, une partie du parc national de la Pendjari était classée orange, c'est-à-dire "zone déconseillée sauf raison impérative", sur une carte publiée sur le site du Quai d'Orsay. C'est dans cette zone que se trouvait l'hôtel des deux Français, comme l'a indiqué le ministère des Affaires étrangères samedi. Une zone proche de la frontière avec le Burkina Faso, qui, elle, était classée rouge ("zone formellement déconseillée") compte tenu de la présence de groupes armés. Depuis cette prise d'otage, les autorités françaises ont réévalué le risque en classant rouge tout le secteur, comme le montre la carte publiée par le ministère et mise à jour vendredi.

La carte visible sur le site du quai d'Orsay depuis le 10 mai, soit après la prise d'otage : 

carte du Bénin crédit : Ministère des Affaires étrangères

© Ministère des Affaires étrangères

La mise à jour précédente datait du 7 avril, comme l'a relevé Le Monde. Les zones rouge ("formellement déconseillées") avaient alors été élargies à la "zone frontalière burkinabé et nigérienne". Mais dans le parc Pendjari où ont été enlevés les deux Français, seule la frontière était classée rouge sur la carte.

La carte visible sur le site du quai d'Orsay de novembre 2018 à mai 2019 : 

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Et avant cette mise à jour datant d'un mois avant l'enlèvement, le site du ministère des Affaires étrangères n'indiquait aucune mise en garde particulière pour cette zone, comme le montre l'historique du site repéré par Le Monde. Seul le parc national du W, au nord du Bénin, figurait dans les "zones formellement déconseillées" par le Quai d'Orsay. 

"Il n'y a pas de pointillés tracés sur le sol"

Néanmoins, pour les professionnels du tourisme, qu'une interdiction soit édictée ou non, ces zones de danger restent poreuses. "Il n'y a pas de panneau qui indique que la zone est orange ou rouge, il n'y a pas de pointillés tracés sur le sol à la frontière avec le Bénin pour dire qu'il faut s'arrêter là", observe Jean-Pierre Mas, président des entreprises du voyage, au micro d'Europe 1 dimanche.

"Mais il n'y a pas que le tracé sur la carte. Il y a aussi le texte des 'conseils aux voyageurs'. Quand on voit que la zone frontalière avec le Burkina Faso est une zone dangereuse en raison des risques de prise d'otages, on essaye de l'éviter."

Les ex-otages reconnaissent qu'ils auraient dû éviter la zone

Il semble de plus que les touristes français se soient rendus en véhicule tout-terrain dans une zone plus proche de la frontière bukinabè, elle alors classée en zone rouge, a indiqué à l'AFP un responsable d'African Parks Network (APN), l'ONG gestionnaire de la Pendjari, sous couvert de l'anonymat. "Ils ont séjourné au Penjari Lodge. Ils ont fait leur safari avec leur guide dans une zone frontalière entre le Bénin et le Burkina", a indiqué cette source. Le lieu de l'enlèvement des otages n'est pas officiellement connu. Mais Eric Chevallier, directeur du Centre de crise et de soutien du Quai d'Orsay, a indiqué que leur voiture et le chauffeur tué ont été retrouvés tout près de la frontière, "en zone rouge".

À leur arrivée en France samedi, les deux ex-otages ont reconnu qu'ils auraient dû "prendre davantage en considération les recommandations de l'État et la complexité de l'Afrique". Les Français ont également rendu hommage aux deux militaires des forces spéciales qui ont été tués lors de l'opération de libération.