Le niveau des élèves semble avoir baissé en raison du confinement, mais ce n'est ni étonnant ni irrattrapable pour Marie Duru Bellat. 2:40
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Séverine Mermilliod , modifié à
Le premier confinement a fait baisser le niveau des élèves et creusé les inégalités, montrent les évaluations des élèves de tous niveaux réalisées à la rentrée. Marie Duru Bellat, professeur de sociologie à Sciences Po et spécialiste de l'éducation, était l'invitée d'Europe 1 dimanche pour en parler.
INTERVIEW

Il y a bien eu un "effet Covid" sur les résultats scolaires. Le premier confinement a fait baisser le niveau des élèves et creusé les inégalités, montrent les CPCEA, évaluations des élèves de tous niveaux réalisées à la rentrée par l'Education nationale - notamment en français et en maths. Marie Duru Bellat, professeur de sociologie à Sciences Po et à l'observatoire sociologique du changement, et spécialiste de l'éducation, a estimé dimanche sur Europe 1 que ces résultats étaient "inquiétants mais pas étonnants", car l'école est selon elle indispensable. Mais les problèmes seront selon elle rattrapables.

"C’est effectivement inquiétant, mais ce n’est pas étonnant. Ils n’ont pas été à l’école pendant plus de deux mois, ils en ont pâti. Les élèves les plus faibles se trouvent aussi être ceux de certains quartiers défavorisés, le confinement a creusé les écarts entre les élèves", a analysé la spécialiste.

L'importance de la socialisation

Selon Marie Duru Bellat, ce n'est pas tant les problèmes scolaires qui sont importants que les effets sociaux et psychologiques du confinement, car l'école est aussi un lieu de socialisation. Les élèves "souffrent de ne pas être confrontés à d’autres adultes que leurs parents, et à leurs camarades. On apprend, on se motive avec ses camarades. Sur le plan psychologique, ne pas aller à l’école est aussi un problème. On compte sur l’école pour qu’ils soient confrontés à d’autres opinions, d'autres façons de parler, d'autres horizons..."

La mission de l’Éducation nationale est donc non seulement l'apprentissage mais aussi l'éducation, et pour la sociologue "ce n’est pas en restant chacun chez soi qu’on devient un petit citoyen”. Aussi, elle considère que la volonté du ministre de maintenir l'école et celles de certains lycées de poursuivre l'enseignement 100% ou 50% sur place n'est pas une mauvaise chose. Au lycée, note-t-elle, les étudiants sont "capables de travailler mieux, en réseau avec des copains" et l'impact du confinement sera, dit-elle, "sans doute moins dommageable aux élèves que pour les élèves de primaire".

Des conséquences "rattrapables"

Dans tous les cas, même si la situation actuelle "ne sera jamais aussi bien qu’une situation normale", elle insiste sur la nécessité de faire "confiance aux enseignants", qui sont à même de juger de la situation de leurs élèves. S'il est clair que l'année a vu se creuser des écarts, Marie Duru Bellat estime qu'"il y a sans doute des choses qui sont rattrapables. Il faut l’observer, l’évaluer, le rattraper." Elle note par exemple que les évaluations des petits 6e n'ont pas trop baissé. "Il semble que finalement ces deux mois en moins ont été amortis par rapport à cinq ans de scolarité. Au niveau du lycée, c'est pareil : les élèves ont une longue carrière scolaire derrière eux, donc il y aura certainement des lacunes mais on peut penser que ce sera aussi amorti".

Finalement, la sociologue pense que les "effets psychologiques" de ce confinement seront "peut-être plus importants que les problèmes purement scolaires".