Après l'attentat déjoué, quelle sécurité pour la présidentielle ?

Près de 50.000 policiers et gendarmes seront mobilisés pour assurer la sécurité du scrutin de dimanche (photo d'archives).
Près de 50.000 policiers et gendarmes seront mobilisés pour assurer la sécurité du scrutin de dimanche (photo d'archives). © AFP
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avec le service police-justice d'Europe 1 et Maxence Lambrecq , modifié à
L'arrestation de deux hommes soupçonnés de préparer un attentat "imminent" interroge sur la sécurité des candidats et du scrutin, à cinq jours du premier tour de l'élection présidentielle.

Jusqu'ici modérément abordé par les candidats, le terrorisme a brusquement fait irruption dans la campagne, mardi. À cinq jours du premier tour de l'élection présidentielle, deux hommes suspectés de vouloir commettre un attentat sur le sol français "dans les tous prochains jours" ont été interpellés à Marseille. Et les visages des deux individus, "radicalisés" selon le ministre de l'Intérieur, ne sont pas inconnus des prétendants à l'Elysée : depuis la fin de la semaine dernière, des clichés des deux hommes, activement recherchés, avaient été transmis à leurs services de sécurité. Pour les services antiterroristes, les suspects envisageaient peut-être de frapper l'un des favoris du scrutin.

Les candidats étaient-ils la cible des hommes interpellés ?

Plusieurs indices poussent à le croire, sans qu'aucune preuve tangible n'en atteste. "Nous savions depuis quelques jours qu'il existait une menace précise et qu'un commando était recherché", a confié un proche de François Fillon au JDD. Selon l'hebdomadaire, les différents candidats avaient été informés d'un risque planant particulièrement sur leurs quartiers généraux de campagne. "On nous a dit que les QG étaient menacés sans savoir précisément lequel, et on nous a demandé de renforcer la sécurité du nôtre, ce que nous avons fait", a témoigné, auprès de la même source, un membre de l'équipe d'Emmanuel Macron.

Une source au sein de l'entourage de François Fillon indique que les QG n'étaient pas les seuls lieux à faire l'objet d'une protection particulière : lors du meeting du candidat à Montpellier, vendredi, la sécurité avait été "renforcée", avec la présence de "tireurs d'élite" et du Raid. Les fouilles avaient été instaurées dès l'entrée du site et non pas aux portes de la salle, rapporte Le Figaro.

Les inquiétudes autour de cette réunion n'étaient pas fondées, selon une source policière. Mais elles témoignent d'une menace diffuse, prise au sérieux lors de l'organisation de tous les rassemblements publics depuis les attentats qui ont frappé la France en janvier et en novembre 2015. Ces derniers jours, les services de renseignement avaient notamment repéré un photomontage associant la Une d'un numéro du journal Le Monde, où figurait un article sur François Fillon, et une photo du plus âgé des suspects, avec un fusil mitrailleur.

Comment leur sécurité est-elle assurée ?

Le dispositif de sécurité est aujourd'hui à peu près le même autour de tous les principaux candidats : cinq officiers du SDLP, le service de la protection, les accompagnent en permanence, et cette protection n'a pas augmenté depuis la semaine dernière. Ils viennent s'ajouter aux agents de sécurité issus de sociétés privées, payés par les partis, et à un dispositif de sécurité "classique", à géométrie variable, selon l'ampleur des événements  - comme les équipes de gendarmerie mobilisées pour sécuriser l'arrivée d'un candidat dans un Zénith, par exemple.

La sécurité autour de ces "événements", qu'il s'agisse de meetings ou de déplacements a elle été considérablement renforcée ces derniers jours : effectifs de CRS, policiers de la Bac en civil, périmètres de sécurité... Les préfectures sont alors à la manœuvre, sans lien avec les équipes de campagne. Elles devraient maintenir d'importants moyens de manière stable, jusqu'à l'élection. Quid des "petits" candidats, comme François Asselineau et Jean Lassalle ? Ils bénéficient également d'une protection policière, mais dans une moindre mesure.

Et celle des électeurs ?

Si la crainte d'un attentat plane sur les candidats à l'élection présidentielle, qu'en est-il des électeurs ? "Aucune menace n'est écartée" quant à une hypothétique attaque terroriste le jour du vote, répondait le ministre de l'Intérieur Matthias Fekl au JDD, dimanche. "Notre objectif est de permettre au suffrage universel de s'exprimer librement et sereinement : 67.000 lieux de vote seront ouverts, c'est une préparation d'une année", poursuivait-il.

En pratique, plus de 50.000 policiers et gendarmes seront mobilisés dimanche, en plus des militaires de l'opération Sentinelle, engagés dans le cadre de l'état d'urgence. Cela ne signifie pas que chaque bureau de vote pourra être surveillé par au moins une personne : les effectifs seront répartis en fonction de la taille et de la localisation des salles - ceux où votent les candidats seront, par exemple, forcément plus sécurisés. Une circulaire sur les mesures de prévention et les "éventuelles interventions en cas de difficultés" quant à la sécurité a par ailleurs été transmise par Beauvau à toutes les préfectures. À noter que le niveau actuel du plan Vigipirate, "sécurité  renforcée - risque d'attentat", prévoit la possibilité pour les forces de l'ordre de procéder à des fouilles corporelles ou des sacs si nécessaire.

Au sein même des bureaux de vote, l'article L.61 du code électoral interdit le port d'armes. Mais des dérogations à ce principe sont prévues par le même code, rappelle un autre document transmis aux préfets en février. "La police du bureau de vote" est en effet confiée à son président, "en lui donnant le pouvoir d'autoriser la présence de la force armée dans la salle de vote ou aux abords de celle-ci." "Ce dernier peut également requérir les autorités civiles et les commandants militaires qui sont tenus de déférer à ses réquisitions, sous la réserve que les opérations de vote ou que le contrôle desdites opérations par les personnes habilitées ne soient pas perturbés", précise le texte. 

Certaines municipalités ont également choisi d’installer des portiques de sécurité à l’entrée des bureaux de vote, ou encore d'embaucher des agents privés de sécurité, comme à Nice ou dans certains arrondissements de Paris.

 

Enfin, les craintes des services antiterroristes ne s'arrêtent pas à la porte des bureaux de vote. Selon Le Figaro, la mairie de Paris a ainsi pris la décision d'interdire les rassemblements publics au soir du premier tour, afin d'éviter la création de cibles faciles et difficiles à sécuriser.